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L’infirmier scolaire, maillon essentiel de la santé sexuelle de nos enfants ?

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Publié le 16/02/2022

Contribuer à la santé sexuelle des enfants et adolescents, c’est l’une des nombreuses missions qui relèvent du ressort de l’école et qui peut être dévolue à l’infirmier scolaire. Entre prévention, information et accompagnement, il représente une personne ressource auprès des collégiens et des lycéens et peut jouer le rôle essentiel dans la protection de leur santé sexuelle.

Depuis la loi de juillet 2001, l’information et l’éducation sexuelles à l’école sont obligatoires. La circulaire du 17 février 2003 rappelle, quant à elle, que l’école a une responsabilité à l’égard de la santé des élèves et de la préparation à leur future vie d’adulte, tandis que l’article L312-16 du code de l’éducation prévoit, lui, de dispenser cet enseignement dans le cadre de trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Et puisque ces séances peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire, l'infirmier scolaire est souvent tout désigné pour intervenir auprès des élèves. Sa démarche s’inscrit alors dans le cadre du Comité d’éducation à la citoyenneté et à la santé (CECS). Sous la houlette du chef d’établissement, ce Comité regroupe représentants des professeurs, des élèves et des parents d’élèves ainsi que personnels sociaux et de santé, et pilote les projets éducatifs en matière de citoyenneté et de santé. Dans les faits, l’arbitrage final relève donc de la décision du chef d’établissement. Une particularité qui rend l’étendue de la mission de l’infirmier scolaire en la matière parfois hétérogène sur le territoire.
 

S’adapter aux élèves

Et ces trois séances obligatoires sont rarement, voire jamais, mises en place, essentiellement en raison de contraintes d'emploi du temps.  Les trois séances ne sont pas faites. Elles s’organisent souvent en fin de collège, même si certains en font en sixième pour parler de la puberté. Mais on ne parle pas de la sexualité avant la fin du collège, déplore ainsi Mickaël Clugery, infirmier scolaire au lycée professionnel Paul Bert de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). Dans ce contexte, quels sont alors les moyens d’actions de ces professionnels de santé ?

La prévention. C’est bien sûr la première mission de l’infirmier scolaire en matière d’éducation à la santé, qui englobe la santé sexuelle. Contraception, protection contre les maladies et infections sexuellement transmissibles, mais aussi sensibilisation aux discriminations sexuelles et à la lutte contre les violences et le harcèlement sexuels…, les thématiques sont nombreuses et recouvrent aussi bien l’acte sexuel lui-même que les aspects moraux et les rapports sociaux rattachés à la sexualité. Charge à l’infirmier d’adapter son discours en fonction de l’âge des élèves mais aussi du contexte dans lequel il aborde ces questions. En groupe, lors des séances dédiées, quand il parvient à les organiser, l’information passe en premier lieu par une approche ludique afin de démystifier le sujet et libérer la parole. Quand j’ai du temps, j’organise des jeux avec les enfants, raconte Anne Morand, infirmière au sein du collège les Eyquems, à Mérignac (Gironde), et de son école primaire rattachée. On travaille sur des images pour qu’ils prennent conscience de ce dont on parle et pour qu’ils apportent les réponses par eux-mêmes. Si j’ai peu de temps, j’utilise plutôt un jeu de questions-réponses, plus rapide.

A des questions techniques, on n'apporte pas seulement une réponse technique. Notre rôle consiste à comprendre pourquoi surviennent ces questions

Existe également la possibilité de faire intervenir des partenaires extérieurs : centres de planification et associations accompagnent l’initiative de l’infirmier qui le juge pertinent. Si on ne construit pas nécessairement nos interventions en amont avec les personnels de l’établissement, on utilise en séance beaucoup d’outils d’éducation populaire participatifs et la collaboration se met donc très facilement en place, témoigne Laure Chirol, animatrice de prévention au Planning Familial. De quoi alors apporter une certaine plus-value au discours infirmier en fonction des orientations thématiques portées par les intervenants.

Mais de la prévention, l’infirmier scolaire en fait aussi au cours des entretiens individuels qui se tiennent dans le cadre plus sécurisant de l’infirmerie. Car les élèves retiennent très vite qu’ils peuvent venir voir l’infirmier scolaire. Ils savent que l’infirmerie est un lieu d’écoute, que les échanges sont confidentiels et que nous ne sommes pas là pour les juger, explique Mickaël Clugery. Il s’agit alors de répondre à des questionnements spécifiques, individuels, quitte à élargir le discours pour sensibiliser les élèves à d’autres thématiques. Quand ils viennent individuellement à l’infirmerie, on ne fait que répondre à leurs problématiques. À nous alors de bien comprendre la situation pour avoir une réponse adaptée, témoigne Anne Morand. Par exemple, un élève m’a un jour demandé ce qu’était une bifle. Mais à des questions techniques, on n'apporte pas seulement une réponse technique. Notre rôle consiste à comprendre pourquoi surviennent ces questions pour ensuite aborder des sujets plus larges, comme le consentement ou le respect. C’est aussi dans ces moments que l’infirmier scolaire est en mesure de mieux prendre en compte les spécificités de chaque élève, entre contexte familial pas toujours simple, environnement socio-économique qui conditionne l’accès à l’information ou encore interrogations sur les orientations sexuelles ou de genre. Je suis en lycée professionnel, et je vois bien que certains enfants issus de contextes sociaux un peu difficiles sont moins bien informés, s’attriste Mickaël Clugery.

Je suis infirmier, psychologue et assistant social

L’écoute, un principe primordial

 

L’infirmier scolaire ne peut remplir sa mission de prévention que s’il sait être entièrement à l’écoute des élèves. Mon rôle consiste avant tout à écouter. Je suis infirmier, psychologue et assistant social. Je ne fais plus tellement de soins techniques, c’est beaucoup d’écoute, confirme Mickaël Clugery. D’où la nécessité d’instaurer immédiatement un climat de confiance, qui passe par l’absence de jugement et l’assurance du respect de l’anonymat et du secret des échanges. Quand les élèves viennent me voir, je leur rappelle certaines règles : que je suis soumise au secret professionnel, que je ne répèterai pas ce qu’ils me diront, qu’ils peuvent me parler avec leurs propres mots et leur vocabulaire, développe Anne Morand, qui insiste également sur l’importance de ne pas s’imposer de tabou en tant que professionnel de santé.

Cette capacité d’écoute est d’autant plus importante que les élèves ont facilement accès à des informations erronées pouvant entraîner des comportements parfois dangereux. Par expérience, je sais qu’ils se renseignent auprès des autres élèves ou sur Internet. Alors mon rôle, c’est de parvenir à rectifier leurs informations, parce qu’ils n’ont pas toujours les bonnes réponses, confie Anne Morand. Un constat que partage Laure Chirol qui note que, si enfants et adolescents ont à disposition pléthore de contenu, il n’existe pas réellement d’instance de dialogue pour qu’ils échangent sur ces sujets, alors même qu’ils sont en demande. Et encore faut-il prendre en compte les préoccupations et les modes d’information des élèves, qui diffèrent selon qu’il s’agisse de garçons ou de filles. Si, selon Anne Morand, les jeunes filles s’interrogent sur les menstruations (survenue, douleurs) et s’inquiètent de contraception, chez les garçons, c’est toujours très technique. C’est là qu’on se rend compte qu’ils regardent des films pornographiques, alors que les filles discutent entre elles, ajoute l’infirmière scolaire.

Les cas délicats de violences sexuelles

Il s’agit aussi de repérer les situations à risque, celles qui impliquent violences ou harcèlement sexuels, et d’en assurer le suivi afin qu’elles ne mettent irrémédiablement en danger la santé des enfants et adolescents. Cette année, j’ai vu beaucoup de cas d’emprise de garçons sur les jeunes filles, de chantage lié aux statuts culturels. Je fais régulièrement le point avec ces adolescentes, je les accompagne chez un psychologue afin qu’elles en parlent, raconte Mickaël Clugery. Et je les évalue régulièrement, on organise des séances pour échanger, afin qu’elles comprennent que ces situations ne sont pas normales.

Et lorsqu’il y a agression sexuelle, il incombe au professionnel de santé de le signaler. Confronté à une victime de viol, Mickaël Clugery a été l’élément déclencheur dans le processus ayant conduit à la reconnaissance du crime, de la libération de la parole de la jeune fille à la prise en charge de l’affaire par les autorités judiciaires. Dans ce cas-là, ça relève du pénal, et je suis obligé de faire un signalement au procureur pour agression sexuelle, explique l’infirmier scolaire. Toute une procédure se met en place, qui implique les gendarmes, la police. Je lui ai expliqué tout ça, en insistant sur le fait qu’il était important qu’elle en parle. Plus largement, quand il détecte des cas de violences sexuelles ou familiales, il a recours à l’assistante sociale présente au sein du lycée, avec laquelle il travaille en binôme et à laquelle il transmet les informations. Mais pour agir, encore faut-il disposer d'éléments probants, ce qui n'est pas toujours évident, notamment lorsque les enfants sont encore jeunes et peu au fait des comportements inadéquats ou répréhensibles. Quand elle intervient en primaire sur la notion de consentement, Anne Morand reste très attentive aux réactions des enfants. En fonction de leurs réponses à nos questions, on doit être vigilant parce qu’il est possible qu'ils aient été soit victimes d’attouchements, soit susceptibles de l’être, relate-t-elle. Cette vigilance se construit en collaboration avec l'enseignante, qui va pouvoir étudier l'enfant au sein de la classe et voir comment il se comporte à la suite de l'intervention, celle-ci se chargeant de prendre contact avec les parents si le problème persiste.

Chiffres et risques des grossesses précoces*

Selon l’INSEE, en 2018 :

  • 8 900 bébés sont nés de mères nées après 1998 sur 759 000 naissances, soit 1,2% d’entre elles
  • 2 600 naissances concernaient un père né après 1998, soit 0,3% d’entre elles. Dans 64%, la mère était également née après 1998.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) :

  • Près de 16 millions de jeunes filles de 15 à 19 ans accouchent d’un enfant chaque année.
  • Les mères âgées de 10 à 19 ans sont plus susceptibles de présenter des risques d’éclampsie, d’endométrite puerpérale et d’infections systémiques que les femmes âgées de 20 à 24 ans.

Accompagnement et suivi

Mais l’infirmier scolaire est aussi là pour prendre en charge les problématiques plus urgentes, telles que les conséquences d’un rapport sexuel mal ou non protégé. Bien qu’officiant en collège, Anne Morand n’hésite pas à indiquer aux élèves qu’elle tient à disposition des jeunes filles des pilules du lendemain et à en expliquer les modalités. Même chose pour Mickaël Clugery, qui voit défiler jeunes garçons en demande de préservatifs et jeunes filles inquiètes à la recherche de tests de grossesse. L’occasion pour les deux infirmiers de rappeler l’existence des structures de santé vers lesquelles peuvent se tourner les adolescentes. Surtout lorsqu’il est déjà trop tard et qu’il s’agit d’accompagner les jeunes filles pour leur éviter une grossesse non désirée. Je les incite à aller consulter au Planning familial ou au centre de planification de l’hôpital, relate Mickaël Clugery, qui peut aussi se faire accompagnateur lorsqu’elles ne peuvent pas faire appel à une autre personne majeure.

Informer, écouter sans juger, accompagner les situations difficiles…, l’infirmier scolaire est donc amené à multiplier les approches dans le cadre de sa mission, ce qui en fait un maillon essentiel. J’ai travaillé pendant 12 ans à l’hôpital et quand on m’a parlé de devenir infirmier scolaire, je me suis dit que j’allais m’ennuyer, conclut Mickaël Clugery en riant. Mais quand je vois l’importance qu’on peut avoir dans un établissement, je suis très heureux de faire ce métier.

*Sont ainsi appelées les grossesses d’adolescentes et de jeunes femmes de moins de 20 ans.


Source : infirmiers.com