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PRÉVENTION

Extension des compétences infirmières : la vaccination HPV en pratique

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Publié le 29/11/2023

Avec l’extension de leurs compétences vaccinales, les infirmiers sont autorisés à pratiquer la vaccination contre les papillomavirus humains. En quoi cet acte de soin est-il nécessaire ? Et comment le pratiquer ?

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C’était l’un des engagements pris par Emmanuel Macron : généraliser la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) pour les collégiens à partir de la 5ème. Lancée à la rentrée de l’année scolaire 2023-2024, elle mobilise depuis les infirmiers, habilités à vacciner les enfants à partir de 11 ans. La vaccination contre les HPV constitue en effet un enjeu de santé publique : « 200 virus ont été identifiés au sein du groupe des HPV, qui sont à l’origine de verrues vulgaires, plantaires et planes, mais aussi de verrues génitales, pour les HPV 6 à 11 », a rappelé Jeanne Dupont, pharmacienne et directrice médicale régionale Ile-de-France pour le laboratoire pharmaceutique MSD lors des Journées nationales des infirmières*. Plus grave, ils sont aussi notamment responsables de lésions précancéreuses et de cancers du col de l’utérus (à 99,9%), du vagin, de la vulve, et de cancers des voies aérodigestives (voir encadré). « Il existe 12 virus qui ont un potentiel oncogène, et deux qui donnent lieu à des verrues qui peuvent fortement altérer la qualité de vie. » Les infections sexuellement transmissibles (IST) les plus fréquentes sont également dues à ces virus.

50% des cancers du col de l’utérus sont dus à des types de HPV contractés après 20 ans.

« 60 à 70% d’entre nous sommes confrontés aux HPV mais, la plupart du temps, dans 90% des cas, notre système immunitaire s’en débarrasse. » Plusieurs pics d’infection existent dans la vie des femmes (25 ans puis 46 ans), mais aussi des hommes (22 ans, 32 ans, puis 42 ans, selon une enquête publiée dans la revue The Lancet).

Comment et qui vacciner ?

De quoi donc souligner l’importance de la vaccination contre ces virus dans une logique de prévention. Les infirmiers sont autorisés à vacciner les enfants et adolescents à partir de 11 ans, et jusqu’à l’âge de 19 ans chez les filles et de 26 ans chez les garçons. Une différenciation dans les âges qui s’explique par la nécessité de cibler les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes et qui est source d’inégalité. En effet, les soignants ne sont pas autorisés à recueillir des informations relatives à l’orientation sexuelle de leurs patients dans le cadre de cette vaccination. Par défaut, donc, l’âge limite de la vaccination est repoussée pour l’ensemble de la population masculine. Il est toutefois recommandé de procéder à la vaccination entre 11 et 14 ans, pour assurer la protection la plus efficace possible. « Plus on vaccine tôt, meilleurs sont les résultats », insiste Jeanne Dupont « Même après 20 ans, il y a toutefois toujours un intérêt à procéder à la vaccination, car il est peu probable qu’un jeune de 20 ans ait déjà été exposé aux HPV les plus courants. Et 50% des cancers du col de l’utérus sont dus à des types contractés après 20 ans. »

C’est le vaccin nonavalent qui est recommandé car il a un spectre plus large.

Quant au produit à utiliser, il en existe plusieurs. Le vaccin bivalent, le tout premier mis sur le marché, ne cible que les deux principaux HPV oncogènes (types 16, notamment responsable des cancers du col de l’utérus, de la vulve, du vagin, du pénis, de l’anus ou de la cavité orale, et 18, à l’origine des cancers du col de l’utérus également). Le quadrivalent, lui, protège également de deux HPV supplémentaires : les types 6 et 11, à risque cancérogène moindre mais qui peuvent provoquer l’apparition de tumeurs bénignes ou de verrues génitales potentiellement invalidantes. C’est finalement « le vaccin nonavalent qui est recommandé car il a un spectre plus large », indique Jeanne Dupont. Il est ainsi actif contre 9 sous-groupes de HPV (soit les types 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 5). Les injections, elles, sont au nombre de deux pour ce vaccin, pour les patients avant 15 ans, avec un intervalle de 6 à 13 mois entre les deux. « Après 15 ans, on passe à 3 doses. »

Des missions de vaccination modifiées pour les infirmiers
Fin janvier 2022, la Haute autorité de santé (HAS) préconisait d’étendre les compétences vaccinales des infirmiers. Le décret du 8 août 2023 est venu par la suite préciser les attendus pour leur formation, les personnes éligibles et leur âge, et les vaccins qu’ils sont autorisés à administrer. Les infirmiers peuvent ainsi vacciner les personnes à partir de 11 ans, et ce pour une vingtaine de vaccins. Chez les plus de 11 ans, ces professionnels sont garants du bilan vaccinal : recommandation de rattrapage, DTP, HPV et grippe saisonnière. Les hépatites A e B peuvent aussi faire l’objet d’un rattrapage. Cette extension des compétences s’accompagne de 5 responsabilités : présenter une attestation de formation, vérifier que la prescription est conforme à l’indication du vaccin et que celui-ci est bien en adéquation avec le profil du patient, inscrire les vaccins réalisés dans le carnet de santé, transmettre l’information aux médecins traitants avec l’accord du patient, et déclarer tout effet indésirable qui pourrait survenir après la vaccination. Quant à la tarification, il existe deux cas de figure : s’il pratique seulement l’injection, l’infirmier est rémunéré à hauteur de 7,56 euros, et s’il prescrit en plus le vaccin, il l’est à hauteur de 9,61 euros. Toutes les informations relatives au calendrier vaccinal, qui est actualisé tous les ans, sont présentes sur le site Infovac.

Quelle posture adopter face aux patients et aux parents ?

L’acte de vaccination suppose également pour les infirmiers d’adapter leur discours en fonction de l’âge des patients. « Face à un enfant de 11 ans, on évite de parler de sexualité. On va plutôt dire que la vaccination protège des cancers », conseille Jeanne Dupont. « Ce sont en réalité les verrues qui font le plus peur parce qu’elles apparaissent 6 mois après l’infection. » Quant à l’attitude à présenter face aux parents, la pharmacienne préconise aux professionnels « d’adopter une position assertive », « d’avoir confiance en [leur] discours » lorsqu’ils évoquent la vaccination contre les HPV. « Dire que le vaccin protège des cancers est une formulation plus efficace que de dire que la vaccination est recommandée », donne-t-elle en exemple.

Depuis sa mise sur le marché, « plus de 500 millions de doses ont été administrées dans le monde, et près de 130 pays ont introduit la vaccination contre les HPV dans leurs programmes nationaux de vaccination depuis 2006 », poursuit-elle. De son côté, l’INCa a indiqué qu’il n’existait aucun lien entre la vaccination HPV et l’apparition de potentielles maladies auto-immunes. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a, elle, rappelé également que « cette vaccination était très rassurante. » Selon elle, si, dans le même temps, 90% des filles sont entièrement vaccinées à l’âge de 15 ans, si 70% des femmes bénéficient d’un dépistage réalisé à l’aide d’un test à l’âge de 35 ans puis un suivant à l’âge de 45 ans, et si 90% des femmes présentant une maladie du col de l’utérus diagnostiquée reçoivent un traitement, alors il sera possible de réduire le nombre de ce type de cancers à 4 pour 100 000 habitants.

En France, un taux de couverture vaccinale trop insuffisant

La couverture vaccinale en France est très éloignée de ce qui est attendu par l’Institut de lutte contre le cancer (INCa), qui souhaite atteindre 80% de couverture, et par l’OMS, notamment. À fin décembre 2021, seuls 42% des filles et 9% des garçons en âge d’être vaccinés contre les HPV l’étaient. Depuis, ces taux se sont très légèrement améliorés : au 31 décembre 2022, 48% des filles de 15 ans avaient reçu une dose de vaccin, contre 12% des garçons. Le retard pris chez ces derniers s’explique notamment par le fait que la vaccination n'est remboursée pour cette catégorie de population que depuis 2021. Ces taux de couverture détonnent au milieu des pays qui ont lancé la vaccination en 2006 en même temps que la France et qui affichent des chiffres nettement plus satisfaisants. À titre d’exemple, le Portugal, le Canada ou encore la Norvège atteignent un taux de couverture vaccinale oscillant entre 70 et 90%. En Belgique, 69% des filles ont été vaccinées et 64% des garçons.

« Chez nous, la vaccination met du temps à décoller », et la campagne dans les collèges n’est pas un succès foudroyant, déplore Jeanne Dupont. « Depuis la rentrée 2023, 10 à 20% des parents d’enfants de 5ème ont donné leur accord pour les faire vacciner ». L’extension des compétences vaccinales accordée à certaines professions de santé doit ainsi permettre « de rattraper ces chiffres, qui sont trop bas. »

Le fardeau des HPV
Les virus HPV sont notamment responsables :
- De 3 000 cancers du col de l’utérus par an, qui est un cancer « particulièrement douloureux », précise Jeanne Dupont.
- De 1 100 cancers de l’anus chaque année chez les femmes, qui provoquent par ailleurs l’apparition de lésions au niveau de la vulve ou du vagin.
- De 1300 cas de cancers des voies aérodigestives par an chez les hommes.
- De 35 000 lésions précancéreuses donnant lieu à des conisations, qui peuvent jouer sur la fertilité lorsqu’elles entraînent une réduction de la poche du fœtus.
- Enfin, de 100 000 verrues génitales détectées par an, à répartition égale chez les femmes et les hommes.
À noter que 5 à 10 ans séparent l’infection par HPV du moment où le cancer devient invasif.

Pour en savoir plus : L'enquête publiée dans The Lancet

*Qui se sont tenues à Paris les 14 et 15 novembre.


Source : infirmiers.com