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ATTAQUE AU COUTEAU A PARIS

La psychiatrie en colère dénonce "amalgames" et "démagogie"

Publié le 08/12/2023

Après les propos de Gérald Darmanin évoquant un « ratage psychiatrique » dans le suivi de l’assaillant au couteau de Paris, les psychiatres s'insurgent, dans un communiqué, contre les accusations du ministre de l’Intérieur. Une manière pour lui de se dédouaner de toute responsabilité, estiment-ils. 

Le secteur de la psychiatrie en colère

Pour le secteur de la psychiatrie, une clarification s'impose. «L'amalgame entre troubles psychiatriques et dangerosité criminologique en lien avec un processus de radicalisation est un raccourci qui témoigne pour le moins d'une méconnaissance de notre discipline». Près de trente organisations de psychiatres, psychologues, universitaires, présidents de commission médicale de CH et CH spécialisés, directeurs d'établissement, usagers et familles, dénoncent, dans un communiqué commun publié le 6 décembre le terme utilisé par le ministre de «ratage», l'estimant à la fois «impropre et disqualifiant». Ils y voient même «un processus démagogique visant à faire porter sur les soignants la responsabilité de ce passage à l'acte». Ceci avant même qu'une «analyse complète de la situation et des facteurs contextuels ait pu être faite et que les experts se soient prononcés sur la présence effective de troubles psychiatriques» chez l'auteur au moment des faits.

Pour rappel, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait estimé lundi 4 décembre qu'il y avait eu «manifestement un ratage» dans le suivi «psychiatrique» de l'auteur de l'attentat mortel au couteau près de la tour Eiffel samedi soir à Paris. Armand Rajabpour-Miyandoab, 26 ans, radicalisé depuis 2015, était soumis à une injonction de soins psychiatriques après avoir purgé une peine de prison de quatre ans pour un projet d'action violente en 2016. Selon le ministre de l'Intérieur, «les médecins à plusieurs reprises ont considéré qu’il allait mieux, qu’il était plus normal et qu’il pouvait vivre, si j’ose dire, librement».

«Il y a quelqu'un de malade mentalement, qui ne prend plus de médicaments pour soigner ses délires et qui passe à l’acte incontestablement. Il faut réfléchir à tout ça pour protéger les Français», avait insisté le ministre de l'Intérieur.

Le procureur antiterroriste avait indiqué devant la presse dimanche soir que l'assaillant, fiché pour radicalisation islamiste (FSPRT), était «soumis à une injonction de soins impliquant un suivi psychiatrique resserré et contrôlé par un médecin coordinateur» jusqu'à la fin de la mise à l'épreuve le 26 avril 2023, après une nouvelle expertise psychiatrique. 

 

La psychiatrie "livrée en pâture à la furia médiatique" 

Les psychiatres expliquent que «la radicalisation d'un individu ne s'inscrit que très rarement dans un contexte délirant pouvant disparaître avec la prise d'un traitement». Par ailleurs, «un citoyen vivant avec un trouble psychiatrique peut être stabilisé sur le plan de sa santé mentale et être radicalisé, tout comme peut être radicalisé un citoyen sans trouble psychiatrique», précisent-ils. Les signataires rappellent que les soins sans consentement sont encadrés par la loi et doivent être justifiés par des symptômes psychiatriques. De même, les injonctions de soins dans le cadre d'un suivi sociojudiciaire, prononcées en tant que peine par le tribunal correctionnel ou la cour d'assises, sont encadrées avec une durée et un cadre réglementaire qui garantit le respect des libertés individuelles dans un état de droit.

Dans un processus «aussi complexe que celui de la prévention des facteurs de risque de passage à l'acte chez des sujets radicalisés», il est nécessaire que «les approches policières, sociales, médicales soient croisées dans le respect de la place de chacun», poursuivent-ils. «Rejeter la responsabilité sur un acteur, le livrant en pâture à la furia médiatique n'honore pas le ministre de l'Intérieur et ne fait pas avancer le dialogue démocratique», conclut le collectif.

 

La psychiatrie "ne prendra que ses responsabilités" 

 «La psychiatrie prend ses responsabilités, mais elle ne prendra que ses responsabilités», écrivent enfin les experts auprès des tribunaux, également montés au créneau dans cette affaire, soulignant que cette discipline n'est ni un «bouclier contre le terrorisme, ni un bouc émissaire». Ils appellent pour conclure à respecter la communauté psychiatrique dans son travail, alors qu'elle «œuvre au quotidien pour le soin des malades [...] dans un contexte de criante pénurie de moyens qu'aucun responsable politique n'ignore».

L'intervention de la psychiatrie dans le domaine de la radicalisation religieuse ne peut être que subtile et humble. Les certitudes définitives et le fantasme d'un savoir tout-puissant n'y ont pas de place. 

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com