Les soins dispensés par les infirmiers en pratique avancée (IPA) « sont aussi sûrs et efficaces que ceux fournis par les médecins ». C’est ainsi, études à l’appui, que la Société française de recherche des infirmiers en pratique avancée (SoFRIPA) tient à réaffirmer le rôle, et surtout les compétences, de ces professionnels ainsi que la qualité des soins qu’ils prodiguent. Dans un communiqué diffusé fin juillet, elle pointe également le discours de « certaines organisations médicales » qui s’inquiètent de la sécurité de ces soins. Dans son viseur ici, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) et son président, François Arnault, qui remettaient en cause le contenu des décrets issus de la loi Rist. Et critiquaient le transfert de certaines missions thérapeutiques des médecins vers les infirmiers. L’Union nationale des infirmiers en pratique avancée avait déjà réagi quelques jours avant en demandant aux professionnels médicaux d’abandonner leurs réflexes « corporatistes ».
La prise en charge par un IPA n’induit pas plus de risques qu’une prise en charge par un médecin.
La SoFRIPA, elle, a choisi un autre angle : celui de la recherche, essentiellement anglo-saxonne. Aux États-Unis, notamment, les infirmiers en pratique avancée – nurses pratictioners ou infirmiers praticiens (voir encadré) – font effectivement partie intégrante du système de santé depuis le milieu des années 1960. Au Canada, ce mode d’exercice a émergé dans les années 1990. Depuis, la recherche s’est emparée du sujet de la possible plus-value de ces infirmiers dans la prise en charge des patients, dans un contexte de vieillissement de la population, d’augmentation des maladies chroniques et de pénurie de médecins similaire à ce que vit actuellement la France. Et plusieurs études, avance la SoFRIPA, viennent prouver par des données probantes que, non, la prise en charge par un IPA n’induit pas plus de risques qu’une prise en charge par un médecin.
Entre infirmiers et médecins, une qualité de soins identique
Sur la dizaine d’études citées par la SoFRIPA, toutes relèvent ainsi que les soins dispensés par les infirmiers praticiens sont au moins équivalents, en termes de qualité et de sécurité, que ceux prodigués par les médecins. « The Role of Nurse Practitioners in Reinventing Primary Care »1, une revue de la littérature effectuée sur 26 articles, conclut ainsi à « une absence de différences dans l’état de santé, les pratiques médicamenteuses et les prescriptions » entre les groupes confiés à des médecins et ceux confiés à des infirmiers en contexte de soins primaires. Plus important encore, les résultats s’avéraient meilleurs pour les patients suivis par des infirmiers sur les questions de durée de consultation, de satisfaction patient ou encore de délivrance de l’information et de conseils.
Le recours à des infirmiers cliniciens spécialisés dans un contexte de soins aigus peut réduire la durée et le coût des soins pour les patients hospitalisés.
Une autres revue systématique effectuée sur des travaux menés entre 1998 et 20082 comparait les états de santé de patients suivis par un binôme infirmiers/médecins avec ceux de patients suivis par un médecin : les résultats de la recherche tendaient à démontrer que les premiers présentaient de meilleurs résultats que les seconds. « Le recours à des infirmiers cliniciens spécialisés dans un contexte de soins aigus peut réduire la durée et le coût des soins pour les patients hospitalisés », concluaient les auteurs. Ceux de « Outcomes of primary care delivery by nurse practitioners: Utilization, cost, and quality of care »3 enfoncent le clou : les soins délivrés par des infirmiers praticiens prenant en charge des anciens combattants présentent des résultats cliniques et de qualité comparables à ceux prodigués par des médecins, particulièrement chez les patients atteints de maladies chroniques. Mais en plus, le nombre d’hospitalisation s’avère moins important. Le fait que les patients transférés à des infirmiers étaient moins nombreux peut toutefois expliquer ce constat. Les professionnels pouvaient en effet consacrer plus de temps à leurs patients, par rapport aux médecins.
Aux États-Unis, les infirmiers praticiens présentent des compétences et des connaissances plus étendues qu’en France et partagent un certain nombre de missions avec les médecins : examens, réalisation de diagnostiques, prescription… Ils interviennent selon une approche globale du patient, avec un axe fort dédié à la prévention. D’après le consensus établi en 2008 par les organisations des infirmiers en pratique avancée (Advanced Practice Registered Nurse – APRN), les infirmiers qui veulent évoluer vers ce mode d’exercice doivent entre autres justifier d’une expérience clinique suffisante, avoir le niveau de formation requis pour assumer les responsabilités relatives à la promotion de la santé, son maintien, aussi bien que l’évaluation, le diagnostic et la gestion des problèmes de santé, y compris l’utilisation et la prescription de traitements médicamenteux et non médicamenteux. Il leur faut aussi avoir obtenu une certification pour exercer en pratique avancée dans l’un des quatre rôles de pratique avancée. A savoir :
- infirmier anesthésiste ;
- infirmière sage-femme ;
- infirmier clinicien spécialiste ;
- infirmier praticien.
Même constat pour ce qui est de la prescription de médicaments par les infirmiers, sujet au cœur de la loi Rist. Une étude publiée dans Annals of internal medicine4, qui examine les pratiques de prescription des infirmiers à destination des patients âgés de 65 ans et plus impliquant plus de 73 000 médecins et infirmiers de soins primaires entre 2013 et 2019, révèle ainsi que les taux de prescriptions inappropriées sont identiques entre les deux professions. « Les efforts visant à améliorer les performances de tous les cliniciens prescripteurs pourraient s’avérer plus efficaces que la limitation du pouvoir de prescription indépendant aux médecins », souligne-t-elle-même dans sa conclusion. Avec une nuance toutefois : les infirmiers praticiens étaient surreprésentés dans les taux de prescriptions inappropriées à la fois les plus élevés et les plus faibles.
Les preuves scientifiques démontrent clairement que les IPA peuvent offrir des soins sûrs et de haute qualité.
Des patients globalement plus satisfaits
Qu’en est-il de la satisfaction des patients ? Là encore, les études citées sont unanimes : le plus souvent, les patients expriment une satisfaction plus importante dès lors qu’ils sont suivis par des infirmiers, comparés à un suivi par des médecins. Les auteurs de « Comparing quality of care in medical specialties between nurse practitioners and physicians »5, une revue systématique comparant la qualité des soins donnés à des patients en ambulatoire par des médecins et des infirmiers, notent ainsi : « les infirmiers praticiens faisaient aussi bien ou mieux que les médecins sur le plan de l’éducation et de la satisfaction des patients ». En 2002 déjà, une étude publiée dans le British Medical Journal6 relevait que les infirmiers communiquaient mieux que les médecins auprès des patients et offraient « plus de conseils sur l’autogestion des soins ». Sur les 11 essais randomisés examinés, plusieurs démontraient ainsi une satisfaction plus grande chez les patients suivis par des infirmiers par rapport à ceux suivis par des médecins. Trois ans plus tard, une étude publiée dans la Cochrane Library « Substitution of doctors by nurses in primary care »7 soulignait que la satisfaction des patients suivis par des infirmiers apparaissait plus élevée que celle des patients suivis par un médecin. L’étude avançait là aussi des consultations plus longues et plus régulières pour expliquer ce constat.
« Les preuves scientifiques démontrent clairement que les IPA peuvent offrir des soins sûrs et de haute qualité », insiste la SoFRIPA en conclusion. Elle appelle à recentrer le débat sur l’extension de leurs compétences « sur les besoins urgents des patients et non sur des considérations corporatistes. » Et enjoint surtout le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités à publier les décrets et l’arrêté qui encadrent l’ouverture de l’accès direct et de la primo-prescription aux IPA dans les plus brefs délais.
- « The Role of Nurse Practitioners in Reinventing Primary Care », M. D. Naylor et E. T. Kurtzman, Health Affairs, 2010
- « Advanced Practice Nurse Outcomes 1990-2008: A Systematic Review », R. P. Newhouse et al., Nursing Economics, 2011
- « Outcomes of primary care delivery by nurse practitioners: Utilization, cost, and quality of care », Chuan‐Fen Liu, Paul L. Hebert, Jamie H. Douglas, et al, Health Service Research, 2020
- «Inappropriate Prescribing to Older Patients by Nurse Practitioners and Primary Care Physicians », Johnny Huynh, Sahil A. Alim, David C. Chan, et David M. Studdert, Annals of Internal Medicine, 2023
- « Comparing quality of care in medical specialties between nurse practitioners and physicians », Ashley N Carranza 1, Pamela J Munoz 1, Angela J Nash, PubMed, 2020
- « Systematic review of whether nurse practitioners working in primary care can provide equivalent care to doctors », S. Horrocks, E. Anderson et C. Salisbury, British Medical Journal, 2002
- « Substitution of doctors by nurses in primary care », M. Laurant et al., Cochrane Database of Systematic Reviews, 2018
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