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SALARIAT

En structures aussi, les IPA face à des difficultés prégnantes d'intégration

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Publié le 02/05/2023

Difficultés d’obtenir un poste à la sortie des études, rémunérations pas à la hauteur des responsabilités, freins à l’activité… Deux enquêtes menées par l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée dressent un état des lieux inquiétant pour ces professionnels exerçant en structures, dans le public comme dans le privé.

Les libéraux vont désormais pouvoir déclarer les faits de violence dont ils sont victimes.

Quatre ans après leur création, les infirmiers en pratique avancée (IPA) peinent encore et toujours à trouver leur place dans le système de santé. Cette fois, ce sont deux enquêtes, une sur les étudiants et une sur les professionnels salariés (voir encadré) menées par l’Union nationale des IPA (UNIPA) qui mettent des chiffres concrets sur des phénomènes que les professionnels n’ont cessé de dénoncer : rémunérations pas à la hauteur, difficulté à obtenir un poste à la sortie des études, organisation inadaptée… Des faits connus mais « qui n’avaient jamais été réellement quantifiés », explique Jordan Jolys, vice-président de l’UNIPA en charge des réseaux territoriaux et auteur principal des deux enquêtes. La première a été lancée car « nous avions de plus en plus de retours de personnes qui, à l’approche de leur diplôme, apprenaient de leurs institutions qu’elles n’obtiendraient pas un poste d’IPA ». La seconde, qui en découle, devait permettre « de faire un état des lieux du salariat », au regard des témoignages des étudiants. Et les résultats sont plutôt préoccupants.

Dans certaines universités, presque la moitié de la promotion s’entend dire qu’elle n’aura pas de poste IPA à son retour d’études.

 8 mois d'attente pour un poste IPA

Preuve de la difficile intégration de ces professionnels au sein des équipes, c’est ainsi près d’un tiers des étudiants ayant répondu à la première enquête (32%) qui déclarent « ne pas avoir la certitude de pouvoir exercer en tant qu’IPA » salariés à la fin de leurs études, avec une différence notable entre public (où ils sont 20% à douter) et privé (32%). Un chiffre qui monte à 59% chez les libéraux. Surtout, ces résultats sont confirmés par l’enquête sur le salariat, qui démontre que 24% des répondants n’exercent pas leurs nouvelles compétences directement après l’obtention de leur diplôme dans le public (contre 26% dans le privé), alors même qu’ils ont bénéficié d’un financement institutionnel. En moyenne, ces diplômés doivent attendre 8 mois avant de disposer d’un poste IPA (contre 10 dans le privé). « Dans certaines universités, presque la moitié de la promotion s’entend dire qu’elle n’aura pas de poste IPA à son retour d’études », déplore ainsi Jordan Jolys.

 Manque d'anticipation ou organisation peu adaptée en cause

Comment expliquer ces difficultés ? Par un manque d’anticipation des établissements, en premier lieu, détaille l’IPA. « Ce qui ressort, c’est que les établissements envoient les gens en formation puis réalisent un mois ou deux avant leur retour qu’ils n’ont rien préparé ». Et quand retour dans un poste IPA il y a, il est souvent assorti de difficultés : pas de bureau dédié, droits informatiques incomplets… S’ajoute un manque de financement : les structures n’ont souvent pas de budget alloué à ce type de poste et sont parfois contraintes de supprimer d’autres postes (d’infirmiers ou autres professionnels) pour pouvoir en créer un. « C’est ce qui explique aussi que 25% de diplômés n’obtiennent pas un poste immédiatement : on ne trouve pas d’argent pour budgéter le poste et donc on ne le crée pas », poursuit-il.

C’est aussi l’organisation même du métier qui est pointé du doigt. Le protocole d’organisation, qui implique qu’un IPA ne peut pas travailler sans la supervision d’un médecin identifié, représente ainsi un frein à l’activité de ces infirmiers. Et en particulier dans le public, marqué par une importante pénurie médicale où médecins intérimaires et remplaçants sont nombreux. « Or les IPA ne peuvent pas signer un protocole d’organisation » avec ce type de profil, explique Jordan Jolys. Conséquence, une impossibilité pour ces IPA de travailler en tant que tels. Et c’est sans compter « les médecins réticents à signer » ce protocole qui contribuent grandement à freiner leur activité. Le passage de la loi Rist sur l’amélioration de l’accès aux soins, qui embarque l’ouverture de l’accès direct aux IPA, devrait néanmoins résoudre cette difficulté, le protocole d’organisation n’ayant alors « plus lieu d’être ».

Majoritairement, les IPA ne travaillent plus le week-end ni de nuit. Il y a un changement d’organisation de travail qui n’a pas été pris en compte dans les calculs de rémunération.

Vient enfin le problème de l’offre hiérarchique, plus prégnant au sein du public que du privé où les modes d’organisation sont plus souples. L’absence de cadre hiérarchique clairement défini pour les IPA pousse chaque structure à adopter sa propre organisation, relève l’enquête sur le salariat avec, pour résultat, une hétérogénéité de modèles. De plus, dès lors que l’encadrement est porté par les cadres de proximité, il tend « à restreindre le champ d’action et les missions » des IPA. « Nous pensons vraiment que la direction des soins est la liaison hiérarchique la plus pérenne pour ce type d’exercice », défend le vice-président de l’UNIPA, qui justifie ce type d’organisation par la transversalité de leurs missions. « Un IPA peut investir un rôle au niveau de l’analyse de pratique avec les équipes, du mentoring, de la formation… Ces missions ne se réduisent pas à l’échelle d’un service. »

Côté rémunération, des variations importantes entre public et privé

Mais là où le bât blesse réellement, c’est sur la question des rémunérations. Interrogés sur la différence entre leur salaire net d’infirmier et celui d’IPA, les répondants à l’enquête salariat révèlent une grande diversité de situation. Dans le public, « la valeur minimale est une perte de 300 euros », contre un gain maximal de 600 euros. « La moyenne est un gain de 97 euros », pour une médiane à 50 euros. Des chiffres qui s’expliquent notamment par la présence ou la perte de primes lors du passage d’infirmier à IPA. « Certains IPA touchent la prime Ségur qu’ils ne touchaient pas en tant qu’IDE » avant son instauration, précise Jordan Jolys. Certes, « si on regarde les grilles indiciaires, on constate qu’il y a des écarts salariaux. Il y a, par exemple, 200 euros bruts d’écart entre un IDE en échelon 1 et un IPA en échelon 1. Mais à l’arrivée, en net, la différence est minime. » Quant aux baisses de rémunération, elles sont dues à la perte de primes de week-end, de nuit, ou encore de soins critiques car, « majoritairement, les IPA ne travaillent plus le week-end ni de nuit. Il y a un changement d’organisation de travail qui n’a pas été pris en compte dans les calculs de rémunération. » En tout, ce sont ainsi 30% des IPA du public qui ne connaissent pas d’augmentation de salaire, voire accusent une baisse de leur rémunération, malgré leurs deux années d’étude supplémentaires.

Deux enquêtes ciblées
L’enquête sur les étudiants IPA a été réalisée via la diffusion d’un questionnaire en ligne. Elle s’est déroulée du 21 au 27 mars et a réuni 305 réponses, soit 20,7% des 1 467 étudiants en première et deuxième année de Master.
L’enquête sur les IPA salariés s’est déroulée, elle, du 3 au 15 avril 2023 et a réuni 331 réponses, soit 25% des effectifs (estimés à environ 1 300 IPA salariés). Parmi ces répondants, 73% provenaient du public, 24% du privé, et 3% indiquaient un exercice mixte (privé/public).
 

Dans le privé, la situation est légèrement plus enviable, car les IPA ont la possibilité de négocier leur salaire directement avec la direction, du fait de l’absence d’un statut qui leur serait propre. Les rémunérations ont donc tendance à être plus élevées, même si « elles ne sont pas encore au niveau auquel elles devraient tendre. » Il faut dire que, « de base, un infirmier salarié dans le privé est moins bien rémunéré que dans le public » et les augmentations sont donc plus facilement perceptibles, poursuit Jordan Jolys. Et effectivement, une augmentation moyenne de 353 euros est constatée après résultats de l’enquête, soit 16,2%. Et la conséquence est évidente : « il y a souvent une tentation chez les salariés du public à changer pour le privé ».

Un métier encore trop méconnu

L’ensemble de ces facteurs conduisent parfois des IPA à choisir de ne pas exercer en tant que tels, regrette Jordan Jolys. Certains choisissent une activité mixte, introduisant un peu de libéral. Mais celui-ci demeure trop peu attractif – voire non viable économiquement, avec de fortes difficultés d'installation pointées notamment par une récente étude de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) – pour représenter une réelle solution pérenne. Pour tenter d’améliorer la situation de ces professionnels et leur cadre d’exercice, l’UNIPA estime nécessaire d’augmenter les grilles indiciaires afin de porter la hausse salariale à 40% (conformément à la moyenne de l’OCDE, précise-t-elle), la création d’un statut pour ces professionnels dans le privé, ou encore de revoir leur encadrement afin qu’ils puissent remplir des missions plus larges. S’y ajoute l’application systématique de l’Article 14 du décret n°2020-244 du 12 mars 2020, qui permet aux établissements de ne pas faire passer de concours sur titre aux IPA et de les intégrer directement. Actuellement, son utilisation est « laissée à l’appréciation de chaque hôpital. Alors que c’est tout de même facilitateur », explique Jordan Jolys.

Mais le nerf de la guerre demeure la connaissance du métier, avec le besoin de communiquer largement sur son champ d’action et de compétences. Encore aujourd’hui, par exemple, « certains professionnels n’ont pas le droit de faire certaines choses car leur établissement pense qu’ils n’y sont pas autorisés, alors qu’ils le sont ». A l’heure actuelle, seuls 1 650 IPA ont été diplômés depuis 2018, avec un objectif fixé par le gouvernement à 5 000 d’ici 2024.


Source : infirmiers.com