« Les trois-quarts des plus de trois mille étudiants en santéaffirment ne pas avoir bénéficié d’enseignements sur les enjeux climatiques ou environnementaux » relevait le think tank The Shift Project dans son rapport final “Décarbonons la santé pour soigner durablement” paru fin 2021. Et ce, alors même que la demande en la matière est bel et bien là : « 84% des étudiants interrogés estiment qu’ils devraient [y] être formés, dont 54% de manière obligatoire » et que, plus globalement, les professionnels de santé sont inquiets « pour l’avenir du système de santé face aux enjeux climatiques, énergétiques et environnementaux pour lesquels ils ne se sentent pas assez préparés ».
Le champ santé-environnement est une thématique transversale partiellement présente dans les référentiels de formation initiale des professionnels de santé́
En formation initiale, une thématique mal installée
Un constat également partagé par le gouvernement dans son 4e plan national Santé Environnement (PNSE2021-2025) : « Aujourd’hui, le champ santé-environnement est une thématique transversale partiellement présente dans les référentiels de formation initiale des professionnels de santé́ » même s’il notait, « à titre d’exemple » que « les infirmiers et sages-femmes peuvent bénéficier de formations en santé environnement ». Sur le terrain, cela varie en fait sensiblement selon les territoires dans lesquels les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) sont implantés : « Cette thématique peut être enseignée dans le cadre des unités d’enseignement santé publique ou gestion des risques ou bien en lien avec des projets régionaux. C’est le cas par exemple en Bretagne, sous l’égide de la préfecture, du conseil régional et de l’agence régionale de santé (ARS), où une websérie santé-environnement a été élaborée et est accompagnée de cahiers pédagogiques à destination des enseignants » souligne Marielle Boissart, directrice des soins, PhD, au CHU de Rennes-Pontchaillou et vice-présidente formation infirmière initiale du Cefiec. Et d’évoquer également “La Fresque du Climat”, « un jeu sérieux collaboratif mis en place dans le cadre d’un atelier de trois heures au sein de plusieurs instituts » lors duquel les participants (des étudiants de 1re ou 2e année) sont sensibilisés au défi des enjeux climatiques.
Il n’y a toujours pas de référentiel socle de connaissances et de compétences
Notons encore que dans le cadre du service sanitaire des étudiants en santé (SSES), les étudiants en soins infirmiers (ESI) peuvent également être amenés à effectuer des actions de prévention et de promotion portant dans le champ de la santé-environnement (utilisation du téléphone portable et radiofréquences, qualité de l’air, pollens, écoute de la musique et bruit, santé et biodiversité, etc.). « Des actions visant à assurer la promotion et le développement de référentiels pédagogiques sur ce champ à destination des étudiants et des formateurs du service sanitaire doivent être engagées afin d’accroître le nombre d’actions en santé environnement déployées dans le cadre du SSES », indique ainsi le rapport d’avancement 2021-2022 de ce 4e PNSE.
Reste que plus largement afin de remédier aux carences de la formation initiale en la matière et ainsi proposer un enseignement solide sur cette thématique aux quelque 50 000 étudiants en santé, « des travaux visant à la création puis à l’introduction dans les cursus existants d’un module transversal portant sur la santé environnement ont débuté » précise ce rapport d’avancement (action 5.1/axe 1). Mais pour l’heure, et alors qu’un cahier des charges relatif à un référentiel socle de connaissances et de compétences devait être élaboré en 2022, « il n’y a toujours pas de référentiel socle construit », déplore la représentante du Cefiec.
Une offre de formation continue encore confidentielle
Côté formation continue, il reste, là encore, beaucoup à faire. « Parmi l’éventail de modules de formation continue ou diplômes universitaires accessibles, peu traitent des enjeux santé-environnement et encore moins des enjeux santé-climat » pointent les auteurs de The Shift Project. Et d’ajouter : « L’offre semble encore confidentielle » (voir encadré). En outre, « aucune étude n’a été réalisée pour estimer le nombre de professionnels formés aux enjeux santé-climat parmi les plus de 1,9 million de professionnels de santé que compte la France et plus largement parmi les 2,5 millions de personnes employées par le secteur de la santé ».
Pour autant, le gouvernement a semble-t-il la volonté d’actionner la pédale d’accélérateur. Ainsi annonce-t-il, au travers de son 4e PNSE, vouloir « valoriser les formations existantes » pour la formation continue et le développement professionnel continu (DPC – possibilité d’une labellisation dans ce cadre), sachant par ailleurs que « de nouvelles formations seront développées au plus près des besoins dans les territoires ». Des actions qui « pourront associer plus largement les professionnels de santé animale et des écosystèmes, dans une approche “Une seule santé” » (voir encadré) et contribuer « à sensibiliser les professionnels de santé aux enjeux de santé environnement en lien avec leur pratique professionnelle au quotidien et à une meilleure prise en charge des patients ».
Rappelons que la santé environnement est inscrite comme l’une des orientations nationales prioritaires du DPC porté par l’Agence nationale du développement professionnel continu (Andpc). Une priorité qui a été reconduite en 2019 au niveau national et jusqu’à fin 2022 via la fiche de cadrage n°6 relative à la prévention et la prise en compte des pathologies imputables à l’environnement et des facteurs environnementaux pouvant avoir un impact sur la santé, et qui l’a de nouveau été pour la période 2023-2025 (orientation n°20 “Appréhension des enjeux liés à la santé environnementale/fiche de cadrage n°20). Près de « 603 formations en santé environnement » ont ainsi été réalisées dans le cadre du DPC entre 2021 et 2022.
Enfin, notons que les auteurs de The Shift Project préconisent d’introduire dans la formation obligatoire aux gestes et soins d’urgence (AFGSU) un module santé-climat à l’instar du volet sur la gestion des urgences en situation d'attentat intégré « il y a quelque temps, dans le contexte de menace terroriste ».
- Pour les personnels des établissements de santé :
• Diplôme universitaire (DU) “Management du développement durable en santé” délivré par l’Institut Montpellier Management (MOMA) à l’Université de Montpellier, en partenariat avec le Comité du développement durable en santé (C2DS) et le centre d’études supérieures en économie et gestion hospitalière (CESEGH) ;
• DU “Développement durable en santé : du concept à la pratique de soins” proposé par l’université de la Sorbonne ;
• Formation continue ChanCES – Changement climatique, transitions et santé, dispensée par l'École des hautes études en santé publique (EHESP), à destination de tous les professionnels du secteur de la santé ;
• Module de formation continue postgrade consacré à la santé environnementale proposé par la Haute École de la santé La Source. Ce cours a lieu une fois tous les deux ans : prochaine session en mai 2024.
• Formation continue en santé environnementale pour les infirmières et infirmiers “Les savoirs infirmiers à développer pour soigner au XXIe siècle” proposée par le Sidiief (7 h, en français) : du 10 au 30 avril 2023.
• Formation Ifsen “Santé environnementale : théorie et pratique” (9 modules/2 sessions par an : l’une en présentiel à Paris, l’autre en formule hybride présentiel/distanciel (formation ouverte aux soignants hospitaliers et libéraux).
- Pour les professionnels de santé de ville : un mémorandum des formations continues sur le thème santé-environnement (liste non exhaustive – actualisé le 16/10/2021) est proposé dans le “Guide du cabinet de santé écoresponsable – prendre soin de l’environnement pour la santé de chacun” – Dr Alice Baras, Presses EHESP, 2021.Sinon, il convient de rechercher l’offre de formations disponibles sur la thématique santé environnement auprès de l’Agence nationale du DPC (le Fif-Pl n’en délivrant pas).
*Liste non exhaustive..Sources : The Shift Project, rapport final, nov. 202, Sidiief, École La Source, Ifsen
À l’occasion du tout dernier Salon de l’Agriculture, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et Agnès Firmin le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, ont annoncé la création de l’Institut One Health qui « a vocation à devenir l’organisme de référence pour la formation et l’expertise des décideurs sur les sujets “une seule santé” en France. » Adossé à l’École universitaire de recherche EID@Lyon et porté par l’Université Lyon 1, l’institut s’appuiera sur un catalogue innovant de formations, à la fois interdisciplinaires et intersectorielles, proposées notamment par VetAgro Sup, […], AgroParisTech et l’EHESP, « dans l’esprit d’“une seule santé” ».
Pour rappel le concept “One Health” ou “une seule santé” en français, est mis en avant depuis le début des années 2000, avec la prise de conscience des liens étroits entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique global. Il vise à promouvoir une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires.
Sources : Anses, Gouvernement
Pour en savoir plus :
- The Shift Project « Décarboner la santé pour soigner durablement »
- Jeu : La fresque du climat
- Websérie Santé environnement
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