« C’est la première fois en France qu’une fédération nationale est pilotée, présidée, dirigée par un non-médecin ». C’est en septembre dernier que David Guillet a été élu, à l’unanimité, à la tête de fédération des communautés territoriales professionnelles de santé (FCPTS). Non seulement un signe fort à l’adresse des différentes professions de santé, mais surtout des infirmiers, qui représentent la deuxième profession en termes d’effectifs au sein de ce type de structures, derrière les médecins. « Il faut que les infirmiers se saisissent des CPTS et qu’il y ait une acculturation beaucoup plus fine sur ce sujet stratégique », martèle-t-il. Car les CPTS sont, pour les infirmiers, porteuses d’un enjeu majeur : la reconnaissance de leurs compétences, complémentaires à celles des autres professionnels. « C’est le lieu idéal pour nous, infirmiers, de mettre en exergue la plénitude de nos compétences qui sont, on le dit depuis longtemps, insuffisamment exploitées. »
Missions de la fédération, renforcement de la transversalité entre les professions de santé, mais aussi enjeux de ce modèle d’exercice coordonné pour les infirmiers libéraux…, il évoque ses axes de travail, définis en continuité avec la politique du précédent président.
Il faut que les infirmiers se saisissent des CPTS et qu’il y ait une acculturation beaucoup plus fine sur ce sujet stratégique.
Un engagement qui ne date pas d’hier
Infirmier libéral (IDEL) depuis décembre 2005, David Guillet s’est engagé dans l’exercice coordonné très tôt dans sa carrière, tout d’abord au sein de maisons de santé pluriprofessionnelles. C’est d’ailleurs sur son territoire mayennais que va prendre forme pour la première fois ce qui finira par s’appeler communauté territoriale professionnelle de santé (CPTS), après la publication en janvier 2016 de la loi de modernisation du système de santé. « Nous avons structuré une réponse territoriale en santé, sans savoir qu’elle s’appellerait à terme CPTS, avec les 3 MSP du territoire de l’époque », relate-t-il. L’enjeu est alors de resserrer les liens entre les hôpitaux et la médecine de ville, notamment afin d’améliorer les suivis à domicile après hospitalisation. De cette réflexion, va naître la fédération des CPTS, issue d’une réflexion collégiale entre des professionnels travaillant en exercice coordonné, et dont lui-même est l’un des fondateurs. « Nous avons rapidement constaté qu’il manquait un échelon territorial. Nous avons donc créé cette fédération en 2017. »
Les missions de la FCPTS
L’objectif de la FCPTS, rappelle David Guillet, est de constituer « un outil de représentation face à l’ensemble des partenaires nationaux, de partage des projets, de réponse sur des sujets d’ordre juridique… Nous intervenons au besoin et à la demande, à chacune des étapes nécessaires à la maturation d’une CPTS. Il s’agit d’expliquer les arcanes de la constitution d’un projet de santé ». Elle permet aussi de tenir des échanges pratiques sur, entre autres, le rôle des nouveaux métiers au sein de ces structures. Enfin, elle participe au développement et au déploiement de projets de protocoles de coopération ou de délégation de tâches entre les différentes professions de santé créés en collaboration avec la Direction générale de l’offre de soin (DGOS) et la Haute autorité de santé (HAS).
Lorsque, après 5 ans à la tête de la fédération, Claude Leicher décide de laisser sa place pour cause de départ à la retraite, David Guillet, qui en était depuis 2018 le vice-président, se retrouve le seul candidat en lice pour le remplacer. C’est chose faite à l’issue d’une élection au sein du Conseil d’administration de la fédération. Un mandat, déclare-t-il, qui ne l’empêchera pas de poursuivre son activité d’infirmier libéral, bien au contraire. « Mon quotidien, c’est de rester absolument un infirmier de terrain », déclare-t-il. « Je revendique d’être un IDEL qui travaille au moins 3 jours par semaine sur son territoire, pour rester à la fois au plus proche des patients et des préoccupations des professionnels. »
L’objectif pour nous, c’est d’être dans un opérationnel qui se co-construit et réalisable concrètement sur le terrain.
La transversalité pour répondre aux enjeux d’organisation des soins
Pour autant, tient-il à préciser, il ne s’agit pas pour lui d’utiliser sa position de président pour défendre des intérêts catégoriels. Au contraire, il estime que sa présence à la tête de la fédération s’inscrit dans une vision transversale et illustre le fait que l’ensemble des professions de santé est concerné. « Les travaux vont s’inscrire dans la continuité de ce qui a été travaillé depuis 5 ans », poursuit-il. « Il n’y a pas, avec mon élection, de rupture affichée. » Car la transversalité, souligne-t-il, le regard croisé entre les professions, est garante d’une meilleure articulation des compétences de chacun et des soins, au service des patients. « Il ne faut pas que chaque profession disparaisse derrière des équipes de soins, comme le demandent certains. Il faut qu’on reste vigilant », prévient-il.
Le regard croisé entre les professions est garant d’une meilleure articulation des compétences de chacun et des soins, au service des patients.
Un discours d’autant plus d’actualité que les différents Ordres se sont mis d’accord, au sein de leur Comité de liaison (CLIO), sur la nécessité d’organiser une plus large délégation des tâches des médecins vers les paramédicaux. « Cela a fait l’effet d’une bombe », confirme-t-il. Encore faut-il que l’intentionnel s’incarne dans l’opérationnel, avec une mise en œuvre sur le terrain dans laquelle la FCPTS entend bien s’inscrire. « L’objectif pour nous, c’est d’être dans un opérationnel qui se co-construit et réalisable concrètement sur le terrain. Il n’y a d’intérêt pour personne, et pour les usagers en premier lieu, que ça n’aboutisse pas à des choses concrètes. »
La transversalité est d’autant plus fondamentale, estime-t-il, que, dans un contexte de démographie médicale tendue sur l’ensemble du territoire, les CPTS constituent une réponse aux enjeux d’organisation de soins. « Les enjeux sont énormes : structuration et organisation sur le territoire pour l’accès à un médecin traitant, pour la gestion des soins programmés », liste-t-il. À ces premières urgences, s’ajoute le besoin d’accompagner les parcours patients, notamment en lien avec les hôpitaux de proximité avec, éventuellement, la création d’une « porte d’entrée unique » par la CPTS qui permettrait à la population « moyennant un numéro unique, de solliciter les besoins en santé. » Viennent enfin les sujets de prévention, dont les CPTS et la fédération doivent s’emparer. Celles-ci seront « au rendez-vous », promet-il, puisque, à l’échelle territoriale, « la convergence des bonnes intentions et des pratiques, et des personnes formées permettra d’offrir une meilleure réponse à la population sur des enjeux tels que la maladie chronique, le diabète… ». Autant de dimensions que la FCPTS entend porter tout au long des différentes consultations qui se tiennent actuellement dans le cadre du volet santé du Comité national de la refondation (CNR).
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