Depuis la crise sanitaire, les tensions en personnel « s’accroissent dans certains métiers du soin : infirmiers, aides-soignants ou sages-femmes ». La conclusion que tire la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dans sa publication « Les tensions sur le marché du travail en 2022 » ne surprendra personne.
Les infirmiers au 6e rang des métiers les plus tendus
Malgré un contexte post-Covid de reprise de l’économie, « les tensions sur le marché du travail atteignent, en 2022, leur plus haut niveau depuis 2011: 8 métiers sur 10 (représentant 87% de l’emploi) sont en tension forte ou très forte, contre 7 sur 10 l’année précédente. » Les métiers du soin, et notamment les paramédicaux, étaient déjà en tension avant la crise sanitaire et celle-ci n’a fait que creuser un peu plus le déficit en personnel. Ainsi, « les infirmiers et les aides-soignants se situent respectivement aux 6e et 28e rangs des métiers les plus tendus (contre les 46 et 40 rangs en 2019) », indique-t-elle dans une seconde publication, plus récente.
Un décalage entre la formation et la réalité du terrain
Les explications à ces tensions en personnel sont connues. Vient d’abord le manque de main d’œuvre disponible, trop réduite pour absorber les besoins en personnel. La Dares pointe également un déficit de lien entre la formation et les attendus sur le terrain. « Un décalage entre les compétences requises par les employeurs et celles dont disposent les personnes en recherche d’emploi peut être l’une des causes des tensions », observe-t-elle. Les conditions de travail, particulièrement difficiles dans le secteur du soin, font évidemment partie des facteurs d’explication. Et ce d’autant plus que les rémunérations ne sont pas jugées suffisantes. À ces trois facteurs vient s’en ajouter un autre : les tensions dans les embauches. Parce qu’il manque du monde partout, presque la totalité des établissements cherchent à pourvoir des postes infirmiers. Rien que dans le public, il manquait en juin 2022 15 000 infirmiers, selon une étude de la Fédération hospitalière de France (FHF), et 99% des établissements éprouvaient des difficultés à recruter. Ou quand la demande dépasse de loin l’offre disponible. L’ensemble de ces éléments conduit le métier d’infirmier à perdre de son attractivité. Nombreux sont d’ailleurs les professionnels en poste qui, s’ils aiment leur métier, déconseilleraient toutefois de l’exercer.
Dans le privé, une hausse de fins de CDI due à la multiplication des démissions
Et dans le privé, cliniques et EHPAD confondus, la situation n’est guère plus brillante. Dans une seconde publication, « Les fins de CDI dans les hôpitaux et hébergements pour personnes âgées du secteur privé », la Dares s’inquiète ainsi d’une augmentation du nombre de fins mises à ce type de contrat depuis la crise Covid. « Au 3ème trimestre 2023, les fins de CDI s’établissent à 22 % au-dessus de leur niveau d’avant-crise dans les Ehpad privés, 15 % pour les hôpitaux privés et 18 % dans le secteur privé pris dans son ensemble », détaille-t-elle. Cette hausse est en grande partie portée par les démissions ; entre fin 2019 et le 3ème trimestre 2023, celles-ci ont augmenté de 40% dans les EHPAD et de 29% dans les hôpitaux, pour un accroissement global au sein du secteur privé estimé à 33%.
Une réduction des ruptures conventionnelles
A contrario, les ruptures conventionnelles tendent à se réduire depuis fin 2020, avec des niveaux bien inférieurs à ceux précédant la crise : une diminution de leur nombre de 21% est observée dans les EHPAD, contre 16% dans les hôpitaux. Dans un contexte post-crise, les employeurs seraient moins enclins à accorder ce type de dispositif. Et côté salariés, les tensions en personnel, en favorisant la possibilité de retrouver facilement un emploi, en limiterait l’intérêt.
Quid du recours aux CDD ?
« Entre fin 2019 et le 3e trimestre 2023, les fins de CDD de moins d’un mois progressent nettement dans les Ehpad privés (+18%) et dans le secteur hospitalier privé (+20%) », constate la Dares. En comparaison, ces embauches en contrats courts restent stables dans l’ensemble du secteur privé. Mais là encore, ce sont les manques structurels de personnel qui expliqueraient cette croissance. Les employeurs recouraient ainsi plus fréquemment aux CDD pour pourvoir des postes en attendant une embauche en CDI, mais aussi dans le cas d’absences ponctuelles de salariés en poste. C’est d’ailleurs l’argument principal avancé par les employeurs : « au 3e trimestre 2023, 83% des CDD dans les Ehpad privés sont signés pour ce motif ; c’est le cas de 71% des CDD dans les hôpitaux privés, contre 31% dans l’ensemble du secteur privé », relève la Dares.
Lire l'étude « Les tensions sur le marché du travail en 2022 »
Lire l'étude « Les fins de CDI dans les hôpitaux et hébergements pour personnes âgées du secteur privé »
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