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INNOVATION IPDE

Famili Bulle, des consultations de puériculture à domicile pour le soutien des parents et le bien de l’enfant

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Publié le 03/01/2024

Fondée au Havre par une infirmière puéricultrice, l’association Famili Bulle propose un mode innovant d’exercice et de suivi des plus petits : des consultations à domicile qui mettent l’accent sur la prévention et l’accompagnement à la parentalité.

bébé, rieur,

À l’origine de Famili Bulle, il y a un constat. Celui dressé par Virginie Jeanmet, infirmière puéricultrice (IPDE) après plusieurs années à exercer en crèche et en PMI. « Dans nombre de situations, j’avais l’impression d’intervenir trop tard auprès des enfants, alors que le problème » quel qu’il soit « était déjà installé. » Dans un contexte de désert médical qui frappe sévèrement le secteur de la pédiatrie (28,9% des enfants vivraient dans un désert pédiatrique selon une enquête UFC-Que choisir), les parents éprouvent souvent de grandes difficultés à avoir accès à un médecin pour réaliser les bilans de santé ou, tout simplement, obtenir des informations fiables. Fondée en 2021, l'association se veut donc un « service flexible », dont l’avantage est de se construire autour de visites faites à domicile, avec des horaires plus amples afin « de cibler une partie beaucoup plus large de la population ».

Notre intérêt, c’est que nous intervenons sur le lieu de vie de l’enfant.

L’intérêt de ces consultations de puériculture dédiées aux enfants de 0 à 4 ans est donc double : agir en prévention en repérant le plus tôt possible les écarts de développement ou les éventuelles problématiques de santé mais aussi assurer un soutien à la parentalité face à de jeunes parents souvent démunis lorsqu’ils sont confrontés seuls à leur questionnement.

Des consultations d’une heure

Côté prévention, l’association vient compléter l’action des PMI et des professionnels de la pédiatrie en s’appuyant sur l’observation des enfants dans leur environnement quotidien. Soit dans un cadre familier, plus rassurant, où la surveillance est facilitée. « Parfois, en cabinet, certains enfants ne font que pleurer. Notre intérêt, c’est que nous intervenons sur le lieu de vie de l’enfant : soit à la crèche, soit à domicile. Donc il est rassuré », explique Virginie Jeanmet. Les consultations durent en moyenne une heure, ce qui permet aux IPDE « de prendre le temps, d’observer, de repérer les petits détails qui peuvent échapper aux médecins sur une consultation de 10 ou 15 minutes », poursuit Anaïs Jourdain, qui a rejoint Famili Bulle en novembre 2022 après un début de carrière à l’hôpital. « Lorsque les médecins veulent que l’on creuse une problématique, ce sont d’ailleurs eux qui orientent les familles vers nous. » Outre le développement moteur de l’enfant ou celui de ses interactions avec ses parents, les IPDE vont également être attentive aux apprentissages – et aux possibles écarts – ainsi qu’au respect des recommandations vaccinales.

Une mission de prévention et d’orientation

Vient alors s’ajouter une mission d’orientation pour ces infirmières lorsqu’elles détectent des problématiques particulières. Famili Bulle travaille en effet en collaboration avec l’ensemble du réseau libéral havrais, les IPDE assurant alors la coordination entre les différents professionnels mais aussi avec l’ensemble des acteurs autour de l’enfant (dont l’école). « Comme nous avons une première expertise directement sur le terrain, nous arrivons plus facilement à avoir des orientations avec des professionnels. Les prises en charge sont donc beaucoup plus rapides », affirme ainsi Anaïs Jourdain. « Nous fédérons les acteurs sur le terrain », assure de son côté Virginie Jeanmet, qui précise que l’association bénéficie de l’application mise en place par la CPTS du Havre pour que l’ensemble du libéral puisse communiquer de manière sécurisée autour des patients. À noter que les infirmières sont rémunérées par l’association, et non pas par l’Assurance maladie, et que les consultations ne sont donc pas remboursables pour les familles.

Une prise en charge spécifique dans les quartiers prioritaires
L’association Famili Bulle a été choisie par la ville du Havre pour accompagner la mise en place de sa Cité éducative (label créé dans le cadre de la mobilisation nationale pour les quartiers prioritaires) pour assurer le suivi des familles des quartiers prioritaires, où « les prises en charge sont parfois beaucoup plus lourdes » et nécessitent « des suivis beaucoup plus longs », observe Anaïs Jourdain. « Chez les familles des quartiers prioritaires, il y a énormément d’écarts de langage et énormément de troubles du comportement. On oriente alors vers des centres spécifiques, vers les centres médico-sociaux, avec des rendez-vous avec les assistantes sociales pour construire les dossiers pour un accueil en Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), pour coordonner la prise en charge. » Une mission qui s’inscrit « complètement dans les objectifs de l’association : on réduit les inégalités de santé et on prévient les risques de déscolarisation », précise Virginie Jeanmet. Pour ces familles, les consultations sont gratuites car prises en charge par la ville et l’État.

L’idée ici est non seulement d’informer les parents, mais aussi de les rassurer et de les accompagner dans la construction du lien avec leurs enfants.

Des consultations pour valoriser les compétences parentales

Outre ces missions de prévention et de dépistage, Famili Bulle intervient également en soutien à la parentalité. L’idée ici est non seulement d’informer les parents sur certaines problématiques, mais aussi de les rassurer et de les accompagner dans la construction du lien avec leurs enfants. Lors des consultations, les IPDE sont ainsi souvent confrontées à des questionnements autour du sommeil – la question « qui touche le plus d’enfants et de parents, c’est là où il y a le plus de difficulté », confie Anaïs Jourdain ou de l’alimentation. « Sur le sommeil, par exemple, on leur soumet un questionnaire très pratique : de quelle heure à quelle heure l’enfant dort-il ? Comment les nuits précédentes se sont-elles déroulées ? En fonction des réponses, on propose des choses », qui sont réajustées selon les retours des parents lors des consultations suivantes. « On ne travaille pas tout en même temps, mais plutôt en fonction des priorités. » « On vient également valoriser les compétences parentales », ajoute Virginie Jeanmet, En rappelant, entre autres, « que la parentalité est un moment difficile, qu’ils ne sont pas des cas isolés », complète Anaïs Jourdain.

Des ateliers collectifs pour échanger entre parents
En plus des consultations à domicile, Famili Bulle propose des ateliers collectifs autour de la motricité et de l’alimentation, ainsi qu’un troisième réservé exclusivement aux pères, « pour leur donner la possibilité d’occuper leur rôle de père et d’exprimer leurs doutes », explique Anaïs Jourdain. Les ateliers, où les enfants sont présents, sont aussi un moyen de diversifier les activités d’éveil pour les tout-petits. « Avoir un enfant à la maison, qui y prend ses marques, qui gagne en confiance, c’est très bien. Mais c’est aussi intéressant de lui proposer d’autres lieux et activités », témoigne David Salomon, qui a découvert l’association lors de la tenue d’un atelier d’éveil sensoriel. Les ateliers sont également pensés comme des temps d’échange avec les infirmières, qui facilitent la survenue de questions « qu’on ne se serait pas nécessairement posées mais qui surgissent au contact de l’association ou des autres parents et auxquelles on peut avoir des réponses fiables. »

« Nous restons dans une démarche de soin »

Dans la pratique, lors de la première consultation, les IPDE constituent un dossier patient, qui liste les problématiques familiales, les antécédents (déroulement de la grossesse et des premiers mois de vie), l’état de santé de l’enfant (vaccinations, existence de pathologies particulières), puis définissent les besoins des familles. Vient alors le moment de fixer des objectifs de développement « en fonction des attentes des familles : ce qu’elles souhaitent modifier, améliorer, maintenir. Puis on cale le suivi : est-ce qu’on cible une consultation par semaine, tous les 15 jours, ou une fois par mois », explique Anaïs Jourdain. Pour assurer le suivi de l’enfant, les IPDE ont à leur disposition des outils qui leur permettent de proposer des activités ludiques : éveil musical, jeu des émotions (uniquement à destination des parents et a vocation à les aider à identifier les besoins satisfaits)… Le tout étant de créer « un moment d’échange entre parents et enfants, hors du quotidien » et d’observer ainsi « les évolutions, le développement » de ces derniers. « Notre protocole d’intervention s’appuie sur nos compétences d’infirmières, nous restons dans une démarche de soin », souligne Virginie Jeanmet. « On recueille des informations sur la santé de l’enfant, mais aussi de la famille, avec des outils qui nous permettent d’évaluer le bien-être parental. Parce que si le parent n’est pas bien, l’enfant aura logiquement des besoins supplémentaires. »

Nous réexpliquons les situations de soin en adaptant notre langage aux parents.

Une source fiable d’informations et de recommandations

Dans le flot des informations qui circulent, l’association se positionne comme une source fiable. « Au moment de la diversification alimentaire, les parents sont souvent noyés dans les différents discours : celui de la PMI, avec lequel le pédiatre n’est pas d’accord… Le but est de les recentrer sur les bonnes recommandations », explique Anaïs Jourdain. Et si les IPDE n’exercent pas de soins techniques à domicile, elles accompagnent toutefois les parents dans la prise en charge de l’enfant lorsqu’il est malade. « Nous sommes infirmières donc nous savons expliquer les bénéfices d’un traitement ou d’un médicament. Nous réexpliquons les situations de soin en adaptant notre langage aux parents », poursuit Virginie Jeanmet.

Dans un contexte hivernal où les cas de bronchiolite augmentent et sont difficilement absorbés par les services hospitaliers, Famili Bulle propose des ateliers de sensibilisation et de prévention. L’objectif : rappeler les attitudes à avoir pour éviter au maximum la survenue de la maladie et, en cas d’infection, les gestes à appliquer pour soulager l’enfant. « Ça nous a vraiment permis de faire le point sur les gestes à avoir, que seuls les parents peuvent faire sur la durée », témoigne ainsi David Salomon, papa d’un petit garçon qui a assisté à l’un de ces ateliers. « C’est quelque chose d’important dans la mesure où l’épidémie survient tous les ans. » De manière générale, relate-t-il, le recours à Famili Bulle permet de créer un espace de dialogue entre parents et professionnels de santé et facilite la transmission d’informations. « On a grâce à elle une première base d’information, et on peut partager ses interrogations », quitte à modifier certains comportements pour le bien de l’enfant.

Une partie de l'équipe de Famili Bulle. ©Famili Bulle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelle plus-value pour les professionnels ?

Et si les familles y trouvent leur compte, c’est également le cas des professionnels, que ce soit les IPDE qui y travaillent ou le réseau local. D’une part, défend Valérie Jeanmet, l’association offre une voie innovante d’exercice libéral où, du fait d’une absence de cotation qui leur soit spécifique, les IPDE sont quasiment absentes. Outre une mobilisation de ses compétences et connaissances, Anaïs Jourdain y voit, elle, un moyen « prendre du temps » pour échanger avec les familles, une possibilité qui pèche à l’hôpital : « Pour moi, la plus-value réside dans le fait que je peux voir évoluer les familles, observer la manière dont elles s’apaisent », témoigne-t-elle. « C’est très différent de l’hôpital, où on fait peu de soutien à la parentalité. On est sur du technique ; ici, on est vraiment sur de l’humain. »

Quant aux autres professionnels de santé, ils perçoivent ces IPDE comme « une ressource, un relais », « une possibilité de simplifier leur travail », juge Virginie Jeanmet, notamment « quand ils atteignent leurs limites ou qu’ils n’arrivent pas à fidéliser les familles alors qu’ils ont perçu une problématique ». Face à des PMI parfois surchargées, l’association se pose ainsi comme un projet novateur, qui bouscule les lignes mais qui vient surtout renforcer le maillage territorial et proposer une manière complémentaire d’accompagner les familles. « Notre discours, c’est de dire qu’il existe depuis des années des sages-femmes à l’hôpital, en PMI et en libéral. Pareil pour les pédiatres. Et ça fonctionne bien, il y a de la place pour tout le monde. Avec Famili Bulle, c’est pareil. On vient bousculer les pratiques mais, depuis deux ans, on démontre qu’il est possible de travailler tous ensemble ».


Source : infirmiers.com