CYCLES DE VIE ET GRANDES FONCTIONS

Cours IFSI - L'ACCOUCHEMENT

Publié le 21/11/2023

L'accouchement est l'ensemble des phénomènes qui aboutissent à l'expulsion, par les voies naturelles, d'un ou de plusieurs fœtus, parvenus à maturité ou à l'âge de la viabilité.

Cours - L'accouchement

1. Définitions

L’accouchement est l’ensemble des phénomènes qui ont pour conséquence la sortie du fœtus et de ses annexes hors des voies génitales maternelles, à partir du moment où la femme a atteint le terme théorique de 6 mois de grossesse [soit 28 semaines d’aménorrhée (SA)] (1). Les progrès de la médecine font que la réanimation néonatale peut parfois prendre en charge des enfants prématurés avant 28 SA. Sur un plan législatif, la déclaration de naissance d’un enfant est obligatoire à partir de 22 SA. L’accouchement qui se produit entre le début de la 38e SA et la fin de la 42e SA est dit à terme. On parle d’accouchement prématuré s’il a lieu avant 37 SA et d’accouchement post-terme s’il a lieu après 42 SA.

Parturiente : femme sur le point d’accoucher.

L’accouchement est spontané lorsqu’il se déclenche de lui-même, il est provoqué s’il est induit par une intervention extérieure : on parle alors de déclenchement.

Un accouchement est eutocique si son déroulement physiologique est normal. Dans le cas contraire, s’il intervient une difficulté, l’accouchement devient dystocique.

2. Prise en charge de la parturiente à son arrivée à la maternité

2 1. Examen général

  • Consulter le dossier obstétrical,
  • Prendre les constantes : pouls, TA, température : si TA > 14/9 rechercher de signes fonctionnels d’HTA gravidique tels que céphalées, acouphènes, phosphènes, oedèmes, barre épigastrique,
  • Faire une bandelette urinaire pour rechercher une protéinurie : si positive, rechercher des signes fonctionnels de troubles mictionnels et/ou d’HTA.

2 2. Examen obstétrical

Le toucher vaginal (TV) permet de déterminer :

  • La hauteur de la présentation : sommet, siège ?
  • L’état du col : position : postérieur, intermédiaire ou antérieur
    longueur : long (3cm), court ou effacé (le col se confond avec les parois de l’utérus), il ne reste plus qu’un seul orifice qui va se dilater jusqu’à ne plus former d’obstacle entre le vagin et le fœtus (dilatation complète).
    Au début de l’effacement du col, il peut y avoir un écoulement d’une substance glaireuse (bouchon muqueux).
  • L’état de la poche des eaux (PDE), membranes entourant le foetus :
    • Si PDE intacte et terme ≥ 40 SA, il faut effectuer une amnioscopie si le col est suffisamment ouvert pour vérifier la couleur du liquide amniotique qui est normalement clair ; s’il est teinté ou méconial, c’est un signe de souffrance fœtale qui nécessite d’accélérer le processus d’accouchement afin que le bébé naisse rapidement,
    • Si la poche des eaux est rompue en dehors du travail, on parle de rupture prématurée des membranes (RPM), cela impose l’hospitalisation de la patiente afin de prévenir une infection fœtale : garnitures stériles après rasage de la vulve, limitation des touchers vaginaux et antibioprophylaxie selon le terme et les protocoles du service. La patiente doit rester allongée afin d’éviter une procidence du cordon (ce dernier est situé en avant du fœtus alors que les membranes sont rompues). Suivant les conditions obstétricales, le terme, et en l’absence d’une entrée spontanée en travail, un déclenchement est programmé dans les 48H après la rupture de la PDE.

2 3. Examen fœtal

Vérifier le terme, la vitalité fœtale par la recherche de mouvements actifs, la présentation du fœtus (palpation abdominale ou échographie). La mesure de la hauteur utérine (normale à terme ≈ 33-34 cm) permet une appréciation du poids fœtal.

Le cardiotocographe permet l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal (RCF) et des contractions utérines de la mère : on parle de « monitoring ».

2 4. Soins à l’arrivée

La patiente reste à jeun, en position allongée (s’il existe une RPM). Déshabiller la patiente et la vêtir d’une chemise s’ouvrant dans le dos. Un bilan sanguin sera pratiqué (Groupe sanguin Rh en l’absence de 2 déterminations, RAI, NFS avec plaquettes, hémostase, toxoplasmose si non immunisée, sérologies (BW, rubéole, HBs, HCV HIV) à compléter si besoin) et une perfusion sera posée en garde-veine.

3. Prise en charge de la parturiente en salle de travail

3 1. Surveillance pendant le travail

Elle s’effectue à l’aide d’un partogramme (diagramme) sur lequel sont reportées les informations de la surveillance horaire.

Les TV permettent de suivre l’évolution de la dilatation du col couplée à celle de la hauteur de la présentation par rapport au bassin de la patiente sous forme d’un graphique (dilation en abscisse et hauteur en ordonnée).

La présentation du sommet est la plus favorable et la plus fréquente (95% des accouchement). Lors d’un TV, la palpation de la fontanelle postérieure de la tête fœtale permet de repérer l’occiput.
Son orientation par rapport au bassin maternel définit la variété de la présentation. Elle est nommée et on décrit six grandes variétés de présentation :

  • OP (occipito-pubienne): l'occiput est sous la symphyse pubienne,
  • OIGA (occipito-iliaque gauche antérieure) : l'occiput est en avant et à gauche, 
  • OIGP (occipito-iliaque gauche postérieur) : l'occiput est en arrière et à gauche,
  • OS (occipito-sacrée) : l'occiput est en arrière, contre le sacrum,
  • OIDP (occipito-iliaque droite postérieure) : l'occiput est en arrière et à droite,
  • OIDA (occipito-iliaque droite antérieure) : l'occiput est en avant et à droite.


On note la fréquence des contractions utérines (CU), leur intensité (évaluation de la douleur) et leur durée. Il faut aussi s’assurer du bon relâchement utérin entre les contractions.

Décrire l’état de la PDE : si rompue, noter la couleur du liquide amniotique. La PDE peut-être rompue artificiellement à l’aide d’un perce-membranes.

Le RCF de base oscille entre 120 et 155 battements par minute, toute anomalie doit être reportée sur le partogramme.

Noter les constantes de la patiente : pouls, TA, température et son comportement

Inscrire les thérapeutiques utilisées :

  • Antibiotique si RPM >12H, si accouchement prématuré, si présence de streptocoques B au prélèvement vaginal,
  • Ocytocine afin de réguler des CU anarchiques et de faible intensité ou pour déclencher un travail,
  • Antalgique utilisé,
  • Analgésie locorégionale (péridurale).

4. Déroulement de l’accouchement

L’accouchement se déroule en 3 phases :

4 1. Le travail

C’est l’ensemble des contractions utérines (CU) régulières, devenant douloureuses, croissantes en intensité et en fréquence (toutes les 5 à 10 min au début, puis toutes les 3 à 5 min) qui entraînent des modifications cervicales : le col se centre, s’efface et se dilate. L’effacement du col correspond à une réduction progressive de sa longueur (de ≈ 3 cm à 0 cm). La dilatation est l’ouverture du col de 0 à 10 cm (dilatation complète), sa durée varie de 7 à 10 H chez la primipare (femme dont c’est le 1er enfant) et de 3 à 6 H chez la multipare.

On parle de « faux travail » lorsque les contractions sont irrégulières, d’intensité stable avec un intervalle long, le siège abdomino-pelvien de la douleur est souvent abolie par une analgésie simple et sans modifications cervicales sur une période de 2 H.

4 2. L’expulsion

C’est l’ensemble des mécanismes aboutissant à la sortie du foetus. Ils comprennent l’engagement (passage du plus grand diamètre de la tête ou du siège à travers le détroit supérieur du bassin), la descente (passage du plus grand diamètre de la tête ou du siège à travers le détroit moyen du bassin) et le dégagement ou l’expulsion (passage du plus grand diamètre de la tête ou du siège à travers le détroit inférieur du bassin osseux et musculaire). Cette phase dure en moyenne 30 min chez une primipare et 15 min chez une multipare.
L’expulsion ne peut se réaliser qu’à dilatation complète.

4 2 1. Expulsion de la tête

L’occiput bien fléchi se fixe sous la symphyse pubienne, puis se défléchit sur la symphyse en créant une ampliation du périnée précédant le dégagement de la tête.

4 2 2. Expulsion du corps fœtal

La rotation de restitution de la tête permet le dégagement de l’épaule. L’épaule antérieure se dégage la première, suivie de l’épaule postérieure. Le dégagement du tronc et du siège ne pose ensuite aucun problème.

4 2 3. Extraction instrumentale

Les forceps permettent l’extraction mais aussi l’orientation et la flexion de la tête du fœtus.
Les indications peuvent être d’origine maternelle [contre-indications aux efforts expulsifs (cardiopathie, lésion cérébrale, …), efforts expulsifs insuffisants] ou fœtale [anomalie du RCF, prématurité, …].

4 2 4. Épisiotomie

Elle est réalisée au début de l’ampliation du périnée (distension des fibres musculo-aponévrotiques périnéales) pour prévenir sa déchirure complète et protéger le sphincter anal lors de l’expulsion. Elle peut être pratiquée de façon médio-latérale ou médiane. Elle est indiquée lorsque le périnée est de mauvaise qualité (tissu infecté, oedématié, cicatriciel …), lorsqu’une macrosomie fœtale (fœtus dont le poids est supérieur au 90e percentile de la courbe de référence, soit >4000 g à terme) est suspectée, lorsque la présentation est une variété postérieure (diamètre du pôle céphalique plus important) et lorsque des manœuvres instrumentales ou manuelles sont effectuées.

4 3. La délivrance

C’est l’expulsion des annexes (placenta et membranes) hors des voies génitales, généralement dans les 30 min suivant l’expulsion. Elle est spontanée lorsqu’elle est réalisée grâce aux efforts expulsifs de la mère. Elle est dirigée lorsqu’il y a eu injection d’ocytociques lors du dégagement des épaules du fœtus. Elle est artificielle lorsque le décollement et l’expulsion du placenta sont effectués manuellement.

Il est indispensable de s’assurer de l’intégrité du placenta et des membranes expulsés. En cas de rétention, une révision utérine préviendra la survenue d’une hémorragie de la délivrance. Pour aider à une bonne rétraction utérine, des ocytociques sont injectés de façon systématique.

5. Accueil du nouveau-né (NNé) en salle de naissance

Nous n’aborderons ici que la prise en charge d’un NNé ne nécessitant pas de soins de réanimation.
La prise en charge du NNé consiste à vérifier l’adaptation cardio-pulmonaire à la vie extra-utérine par le sore d’APGAR au bout de 1, 3, 5  et 10 min de vie (cotation de 0 à 10).

SCORE d’APGAR 0 1 2

Fréquence cardiaque

 

80 à 100

>100

Respiration

absente

lente, irrégulière

cri vigoureux

Tonus

hypotonie

légère flexion des extrémités

normale

Réactivité

nulle

grimace

vive

Coloration

cyanose ou pâleur

imparfaite

rose

Dans la minute qui suit l’expulsion, le cordon ombilical est clampé entre 2 pinces puis sectionné.

Les premiers soins dispensés au NNé visent la prévention de l’hypothermie : il faut l’essuyer et le sécher avant de le mettre sur le ventre de la mère, recouvert d’un lange sec. Ce rapprochement mère-enfant contribue à l’établissement d’une bonne relation.

L’identification du NNé s’effectue par la mise en place de 2 bracelets avant qu’il ne quitte la salle de naissance : y sont inscrits le nom, le prénom (si choisi), le sexe, la date et l’heure de naissance de l’enfant.

La désobstruction bucco-pharyngée permet de vérifier l’absence d’atrésie des choanes (rétrécissement ou absence de communication entre la cavité nasale et le nasopharynx).

Le test à la seringue  permet de s’assurer de l’absence d’atrésie de l’œsophage, par la perception de bruits hydro-aériques à l’aide d’un stéthoscope en regard de l’épigastre lors de l’envoi de 2 à 3 ml d’air dans l’estomac à l’aide d’une sonde gastrique.

Le nombre des vaisseaux du cordon ombilical (2 artères et une veine) sont vérifiés après la mise en place d’un clamp de Barr à environ 3 cm de la base du cordon.

La prophylaxie de la gonococcie ophtalmique impose l’instillation unique d’un collyre à base de rifampicine.

Une dose de vitamine K1 est administrée en prévention de la maladie hémorragique du NNé.

La perméabilité anale est vérifiée à l’aide d’une petite sonde.

Le NNé sera pesé, toisé, baigné et examiné afin de dépister des maladies ou malformations congénitales.

Une mise au sein précoce peut-être effectuée à ce moment là, elle déclenche la sécrétion de colostrum et favorise l’allaitement maternel.

Devant une prématurité, une hypotrophie foetale (fœtus dont le poids est inférieur au 10e percentile de la courbe de référence, soit

6. Surveillance de l’accouchée après la délivrance

La durée minimale de surveillance de l’accouchée en salle de naissance est de 2 heures après l’accouchement avant qu’elle ne puisse regagner sa chambre. Elle s’effectue toutes les 15 min la 1ère heure et toutes les 30 min la 2ème heure.


Elle consiste en une surveillance des constantes (pouls, TA, température), de la coloration de la patiente, de la diurèse, de la rétraction utérine et des saignements vulvaires qui doivent rester inférieurs à 500 ml. Dans le cas contraire, on parle d’hémorragie de la délivrance si elle survient pendant la phase de décollement du placenta ou  d’hémorragie du post-partum immédiat si elle survient dans les 24H suivant l’accouchement.

7. Le Post-partum

C’est la période qui va de l’accouchement au retour de couches.
Elle s’étale sur 6 à 8 semaines et jusqu’à 16 semaines en cas d’allaitement maternel.

7 1. Physiologie des suites de couches

7 1 1. L’involution utérine

Elle est rapide les 2 premières semaines, puis beaucoup plus lente pour se terminer au bout de 2 mois environ. Elle s’effectue grâce aux contractions utérines, qui sont plus douloureuses et nombreuses chez les multipares et lorsque la mère allaite : ce sont les tranchées.

7 1 2. Les lochies

Elles correspondent à un écoulement sanglant, séro-sanglant puis séreux et durent 3 à 4 semaines. En cas d’hyperthermie avec des lochies fétides, il faut suspecter une endométrite, effectuer des prélèvements et mettre la patiente sous antibiothérapie adaptée.

7 1 3. La reprise du tonus

Celle des muscles superficiels du périnée dépend de la façon dont s’est déroulé l’accouchement, de la présence ou non d’une épisiotomie ou de lésions périnéales. Elle est facilitée par une rééducation périnéale appropriée.

7 2. Petits ennuis des suites de couches

Des troubles mictionnels peuvent se traduire par :

  • Une rétention urinaire. Il faut alors s’assurer de la vidange vésicale régulière dans le post-partum et, si besoin  réaliser un sondage évacuateur voir poser une sonde à demeure s’il existe un œdème important du méat urinaire,
  • Des brûlures mictionnelles traduisant une infection urinaire nécessitant un traitement antibiotique,
  • Une incontinence urinaire qui nécessitera une rééducation vésico-sphinctérienne.

La constipation est fréquente dans le post-partum immédiat et doit être prévenue par un lever précoce, une alimentation variée riche en fibres et en eau. Elle favorise l’apparition d’hémorroïdes.

Cette période est propice à la survenue de phlébites des membres inférieurs qu’il faut suspecter devant l’apparition d’une fièvre, accompagnée d’un pouls dissocié, d’une douleur du mollet et d’un signe de Homans positif.

7 3. L’allaitement

La montée laiteuse est due à la chute brutale du taux de progestérone après la délivrance, ce qui entraîne une montée en flèche de la prolactine et une production abondante de lait. Lors de l’allaitement maternel, l’entretien de la sécrétion de lait est réalisée par la succion du mamelon lors des mises au sein régulières (environ toutes les 3H). Les complications de l’allaitement sont l’apparition de crevasses, d’engorgement mammaire (plus fréquent la 1ère semaine), voire de lymphangites à un stade plus avancé, de galactophorites et d’abcès.

L’allaitement artificiel nécessite la prise de bromocriptine pour inhiber la montée laiteuse. S’il existe des contre-indications (pathologie dépressive, HTA, pré éclampsie …), le seul traitement sera la mise en place d’un bandage serré des seins associé à une restriction hydrique et parfois à la prise de médicaments homéopathiques.

7 4. Le « baby blues »

Fréquent vers le troisième jour du post-partum et souvent contemporain de la montée laiteuse, cet état dépressif est transitoire. L’entourage contribue à une évolution favorable de cet état en maternant et rassurant l’accouchée. Il faut cependant préconiser un soutient psychologique si cette dépression persiste.

8. L’examen post-natal

Il s’effectue dans le courant du 2ème mois suivant l’accouchement. Il permet de s’assurer du caractère physiologique des suites de couches, de vérifier le retour à l’état normal des voies génitales, de tester le tonus périnéal (prescription d’une rééducation si besoin), de constater la disparition ou la persistance des pathologies révélées par la grossesse (HTA, diabète…), de proposer un moyen de contraception.

Bibliographie

  • R. Merger, J. Lévy, J. Melchior – Précis d’obstétrique – Masson – 2001
  • J. Lansac, C. Berger, G. Magnin – Obstétrique pour le praticien – Masson – 2003
  • J. Lansac, G. Body – Pratique de l’accouchement – Masson – 2006
  • F. Pierre, J. Bertrand – Mémento d’obstétrique – Maloine – 2000
  • www. who.int/fr – site de l’Organisation Mondiale de la Santé

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Maïté DOMINGUES, sage-Femme Texte revu le 18 août 2023 par Bruno GUERRY, Cadre de santé infirmier

Source : infirmiers.com