Début octobre, Pauline Bourdin a succédé à Manon Morel à la tête de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI). Et c’est un vaste chantier qui va occuper l’ancienne vice-présidente en charge de la défense des droits et de la lutte contre les discriminations : celui de la refonte du référentiel de la formation infirmière. Inscrite en Master 1 santé publique, Pauline Bourdin indique d’ailleurs faire « une année de césure pour [se] consacrer pleinement à la FNESI » et à ce dossier majeur. Et à tous les chantiers connexes qui s’y rattachent.
Les attentes de la FNESI pour le nouveau référentiel
Si les travaux sur le nouveau référentiel n’ont pas encore débuté (voir encadré), la FNESI a déjà identifié un certain nombre de thématiques qu’elle entend porter lors des prochaines discussions, numérique en santé et transition écologique en tête. Ces deux champs devront en effet obligatoirement intégrer la formation à partir de 2027, affirme sa nouvelle présidente. Mais pour le premier, « on demande qu’il soit effectif tout de suite dans le nouveau référentiel, car c’est un enjeu majeur, qui évolue beaucoup.» D’autant plus qu’il ajoute une vraie plus-value à la prise en charge : il favorise l’interdisciplinarité, permet de mieux définir les besoins en santé, et facilite la compréhension du rôle de chacun. Quant à la seconde, il est prévu « de l’intégrer dans notre référentiel actuel, alors qu’il est amené à être caduc », s’étonne-t-elle.
Actuellement, la répartition des enseignements n’est pas pertinente sur les 3 années d’étude.
Simplifier l’organisation de la formation
L’autre priorité consiste à simplifier l’organisation de la formation, plombée par des unités d’enseignement trop denses et trop cloisonnées. La FNESI note ainsi un cursus comprenant une charge de travail estimée à 5 100 heures, réparties sur 3 années, et comportant 59 unités d’enseignement, et qui, depuis 2009 et son entrée dans le modèle Licence-Master-Doctorat, a intégré rajouts sur rajouts (dont le Service sanitaire des étudiants en santé (SSES), qui introduit de l’interprofessionnalité). Soit, à l’arrivée, « une formation socle en manque de sens ». « La répartition des enseignements n’est pas pertinente sur les 3 années d’étude », tacle-t-elle, appelant notamment à faire plus de lien entre les différentes unités d’enseignements, « comme la pharmacologie et les processus pathologiques ».
« Les travaux sur la refonte de la formation n’ont pas débuté car ceux sur le métier ont pris du retard », explique Pauline Bourdin. Les groupes de travaux sur l’évolution de la profession, composés de personnalités issues du terrain, dont des étudiants, et pilotés par la DGOS et le Conseil professionnel national infirmier (CNPI), ont commencé en juin. Si les échanges sont confidentiels, une restitution doit avoir lieu avant le lancement des travaux sur la formation. « Il faut d’abord identifier les missions qu’on confie à la profession infirmière, voir si on élargit certaines compétences. Aujourd’hui, le système de santé réclame un partage des compétences entre les différentes professions. Et c’est en revoyant notre métier qu’on pourra ensuite faire évoluer la formation. Opérer dans l’autre sens aurait manqué de cohérence », détaille-t-elle.
Pour une reconnaissance de l’engagement des étudiants
La FNESI souhaiterait enfin intégrer la possibilité pour les étudiants infirmiers de faire reconnaître par l’université toute forme d’engagement, « que ce soit associatif ou auprès des sapeurs-pompiers, par exemple », suivie en dehors de la formation. « On y acquiert des compétences, des connaissances qui, pour nous, doivent être valorisées par la formation », poursuit Pauline Bourdin. Cette reconnaissance existe pour les autres étudiants de l’enseignement supérieur, mais reste limitée pour les ESI. « C’est quelque chose qu’on aimerait renforcer, et il y a de nombreuses manières de le faire », assure-t-elle, précisant que la FNESI est actuellement en discussion avec les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur pour y parvenir.
Une universitarisation qui doit s’accélérer
Les évolutions de la formation ne peuvent toutefois pas être pensées sans aborder l’autre grand chantier étudiant : l’universitarisation de la formation. À l’heure actuelle, seules une quinzaine d’universités l’expérimentent réellement, avec la mise en place du dispositif PASS/LAS. Mais depuis 2009, la formation infirmière reste solidement ancrée au sein des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) et pâtit par conséquent d’un certain nombre de limitations. À commencer par l’absence de délivrance du diplôme de grade licence par l’université, qui freine durement la poursuite d’étude. « Pour donner un exemple factuel, le master Santé Publique auquel je suis inscrite est très difficilement accessible pour les étudiants infirmiers. La plupart se font écarter avec ce motif : "compétences académiques insuffisantes" », explique Pauline Bourdin. Or, rappelle-t-elle, la possibilité de poursuivre ses études après une licence est un droit. Les étudiants de l’enseignement supérieur, quand ils ne sont pas acceptés dans un master, « ont le droit de faire un recours. Aujourd’hui, ce droit n’est pas acquis pour les ESI. Et c’est très lié à l’universitarisation. »
L’université, en tant qu’acteur extérieur, apporterait un regard neuf. Et elle est surtout la mieux placée pour faire de la pédagogie.
Une universitarisation qui, dans le contexte de la refonte de la formation socle, aurait l’avantage de faciliter l’évolution des maquettes de formation. À la différence des universités, où les maquettes sont votées en commissions, pour la formation infirmière, « tout est cadré au niveau du référentiel, qu’il est très dur de faire bouger », regrette-t-elle. Pour accompagner le processus, la FNESI propose plusieurs pistes, dont celle consistant à déléguer une plus large partie de la gouvernance des IFSI, actuellement dominée par des acteurs du secteur (Agence régionale de santé, hôpital…), aux conseils d’université. En plus d’apporter plus de bienveillance dans les différentes instances, « l’université, en tant qu’acteur extérieur, apporterait un regard neuf. Et elle est surtout la mieux placée pour faire de la pédagogie ; elle est très compétente avec les autres étudiants », estime ainsi Pauline Bourdin. Pour accélérer le mouvement, la Fédération table également sur les travaux de la mission relative à l’intégration universitaire des professions paramédicales dirigée par la professeure Christine Ammirati, qui fait de l’intégration de la formation infirmière une de ses priorités.
Parallèlement aux différents chantiers relatifs à la formation, la Fédération poursuivra ses missions de défense des droits des étudiants, complète Pauline Bourdin. Elle continuera donc de faire preuve de vigilance sur :
- L’accès des ESI aux droits octroyés aux étudiants de l’enseignement supérieur (accès aux services, droit de vote…), lui aussi très lié à l’avancement de l’intégration universitaire.
- Les frais illégaux (soit les frais complémentaires aux frais d’inscription), encore pratiqués par 80 IFSI en France, malgré leur interdiction.
- Le versement des bourses étudiantes, qui dépend encore pour les ESI des régions et est encore trop aléatoire, et pour lesquels n’est pas encore appliquée la réforme (évolution des critères d’éligibilité, revalorisation des montants…)
La question cruciale des stages
Vient enfin la question de l’attractivité de la formation, essentielle alors que s’observe une tendance chez les ESI à abandonner leur cursus : pour rappel, un étudiant infirmier sur 3 décroche avant d’obtenir son diplôme. Pour Pauline Bourdin: « La vitrine de l’établissement, ce sont les stages. Un stage qui se passe bien, c’est un étudiant qui revient ; un stage qui se passe mal, c’est un étudiant qui ne revient pas. » Et pour qu’un stage se passe bien, il faut pouvoir s’appuyer sur un tutorat de qualité. Investir dans la politique d’encadrement fidélisera les étudiants mais renforcera aussi l’attractivité de la profession, défend-elle. « Investir, ça veut dire former les tuteurs de stage, leur donner un vrai statut, leur octroyer une revalorisation salariale. »
En attendant, la FNESI promeut la mise en place d’une plateforme nationale d’évaluation des stages qui permettrait à la fois de mettre en avant les accompagnements innovants qui fonctionnent, et d’identifier les difficultés sur les lieux de stage plus problématiques pour ensuite réadapter les politiques d’encadrement.
Dans sa contribution, issue d’un état des lieux de la formation et des remontées des étudiants, la FNESI soumet plusieurs pistes pour faire évoluer le cursus des ESI. Elle propose, entre autres de :
- Développer des compétences transversales (dont renforcement de l’apprentissage des langues)
- Décloisonner les différentes filières en santé, notamment pour favoriser les passerelles et les changements d’orientation
- Créer des départements universitaires en sciences infirmières, qui feraient le lien entre les différents IFSI rattachés à une même université et seraient chargés de la répartition des budgets, en lieu et place de la région
- Mettre en place un Master 2 mention Sciences infirmières, avec un tronc commun d’un an dont un deuxième semestre où les étudiants s'orienteraient vers la suite de leurs études, puis un an dédié à la spécialisation (IBODE, IADE, IPDE ou IPA) afin de mutualiser les modes d’entrée et de financement.
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