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Violences conjugales : "Il faut systématiquement poser la question" aux patientes

Publié le 04/10/2019
HAS violences conjugales

HAS violences conjugales

Les professionnels de santé sont en première ligne pour repérer les femmes victimes de violence au sein du couple, affirme la Haute Autorité de la Santé (HAS) qui a publié, mercredi 2 octobre, des recommandations sur le sujet, objet d'une vaste mobilisation de la part des associations et du gouvernement. Lésions traumatiques, symptômes inexpliqués ou troubles de l'anxiété doivent ainsi alerter infirmiers, médecins, kinésithérapeutes,... et l'ensemble du corps médical et paramédical sur la possibilité de violences conjugales vécues par les patientes.

Pour la HAS, les professionnels de santé doivent "systématiquement" se poser la question d'éventuelles violences conjugales, "même en l'absence de signe d'alerte", et en gardant à l'esprit que le phénomène concerne "tous les âges de la vie et tous les milieux sociaux".

En moyenne, 219 000 femmes de 18 à 75 ans sont victimes chaque année en France de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur ancien ou actuel partenaire intime, selon la Haute Autorité de Santé, qui rappelle que le phénomène concerne tous les âges de la vie et tous les milieux sociaux. Or, la plupart des femmes ne parlent pas spontanément des violences qu'elles subissent, parce qu'elles ont honte, peur ou parce qu'elles sont sous l'emprise de leur agresseur. Il est donc crucial que les professionnels de santé, qu'ils soient infirmiers, médecins, kinésithérapeutes, dentistes, sages-femmes... soient conscients de leur rôle prépondérant dans la détection de ces violences et l'orientation des femmes qui en sont victimes. Parfois, le cabinet médical, l'hôpital, la salle de soins, est d'ailleurs le seul endroit où les victimes peuvent se rendre seules et ainsi, se confier. Malheureusement, faute de formation et d'outils, la plupart des professionnels de santé sont le plus souvent démunis face à cette problématique qu'ils connaissent peu ou mal, et ne vont pas forcément repérer ces situations ni savoir comment agir pour protéger les victimes, regrette la Haute Autorité. C'est donc tout l'enjeu de sa dernière recommandation qui doit constituer une sorte de vade mecum pour faciliter le repérage, la prise en charge et l'orientation des victimes par les professionnels de santé. Alors que les femmes battues hésitent souvent à porter plainte, elles sont beaucoup plus enclines à se tourner vers un professionnel de santé et le médecin, la sage-femme, l'infirmière ou le pharmacien sont souvent les premiers à pouvoir venir en aide aux victimes. 

Une boîte à outils pour aider les professionnels à agir 

La recommandation de bonne pratique émanant de la Haute Autorité de Santé publiée le 2 octobre 2019, se décline en deux thèmes : comment repérer une situation de violences conjugales d'abord, et comment agir ensuite. Il est en effet parfois difficile d’identifier une femme en danger, notamment quand il s’agit essentiellement de violences psychologiques et ce d’autant plus que de nombreuses femmes battues refusent de reconnaitre la situation et vivent sous l’emprise de leur conjoint. Le professionnel doit ainsi aborder systématiquement la question des violences avec chacune de ses patientes, en posant des questions comme comment vous sentez-vous à la maison?, en cas de dispute, cela se passe comment?, Il arrive que des patientes qui présentent les mêmes symptômes que vous soient victimes de violences. Est-ce votre cas?, ou encore vous est-il déjà arrivé d'avoir peur de votre partenaire? Certains signes doivent également alerter, insiste la HAS, comme des troubles dépressifs ou psychosomatiques, des symptômes physiques chroniques inexpliqués, ou des lésions traumatiques, surtout si elles sont répétées et accompagnées d'explications vagues ou peu plausibles. Autre signal d'alerte : le cas d'un homme qui accompagne sa partenaire au cabinet médical, se montre trop impliqué, répond à sa place ou minimise les symptômes. Et même en l'absence de signes d'alerte, le professionnels de santé doit garder à l'esprit le phénomène et se poser systématiquement la question d'éventuelles violences conjugales. 

S’agissant ensuite de l’aide à apporter à la victime, le professionnel doit adapter sa réponse à la gravité de la situation. Sans prendre de décision à la place de sa patiente, il peut la conseiller et l'accompagner. La HAS détaille ainsi des pistes d'action en cas de doute ou de violences avérées : informer la patiente de ses droits, lui conseiller de porter plainte, l'orienter vers des associations spécialisées, et si besoin, faire un signalement, avec l'accord de la victime. En cas de risque élevé, le professionnel de santé peut conseiller à la victime d'anticiper en mettant en place un plan d'urgence, par exemple en convenant avec des membres de la famille ou des amis de confiance d'un message codé destiné à les alerter en cas de danger imminent, ou encore en identifiant à l'avance un lieu où se réfugier. Le Premier Ministre Édouard Philippe a par ailleurs annoncé, dans le cadre du Grenelle des violences faites aux femmes , que la possibilité pour les victimes de violence conjugale de porter plainte à l’hôpital serait généralisé à partir du 25 novembre prochain. Les députés ont aussi donné mercredi un premier feu vert en commission à la mise en place d'un bracelet anti-rapprochement pour les conjoints violents, en soutenant dans un large consensus une proposition de loi LR sur la lutte contre les violences conjugales.

Enfin, il est également important de se préoccuper systématiquement de la présence d'enfant(s) au domicile afin d'informer les femmes victimes des conséquences des violences sur la santé et la sécurité de celui-ci ou de ceux-ci, y compris en l'absence de violence directe et d'orienter la prise en charge, note la HAS. En cas de doute sur une situation de violence au sein du couple, en présence d'enfant, le professionnel de santé a la possibilité de contacter le médecin référent en protection de l'enfance du Conseil départemental afin d'échanger autour de la situation

EN VIDEO - Ghada Hatem, gynécologue-obstétricien, fondatrice de la Maison des Femmes de Saint-Denis, a pris part à la rédaction des recommandations de la HAS. Nous l'avons interviewé et elle insiste sur la nécessité d'aborder systématiquement cette question avec les patientes.

Un repérage précoce est primordial car les faits de violences s'aggravent et s'accélèrent avec le temps, souligne la HAS.

Violences conjugales : pourquoi ce silence des femmes victimes ?

Souvent on peut se poser la question du silence de ces femmes sur ce qu'elles subissent, a commenté (lors de la conférence de presse donnée par la HAS) Françoise Toutain, directrice du Centre Flora Tristan, un établissement géré par l’association SOS Femmes Alternative. Reconnaître, accepter et dire qu'on est victime de violence ne va pas de soi. Les violences physiques sont relativement identifiables. Ce n'est pas toujours le cas des humiliations, violences verbales ou psychologiques, du cyber-contrôle ou du harcèlement qui sont plus difficilement reconnaissables (et reconnus) en tant que violences... Mais au delà de cela, il faut comprendre que les violences physiques ne sont pas toujours reconnues comme telles par les femmes victimes de violences elles-même, a-t-elle rappelé, ce qui rend d'autant plus difficile le repérage. C'est l'un des gros problèmes de ces violences qui peuvent être intégrées dans un mode de relations et vécues comme normales par certaines femmes. Le phénomène d'emprise également, a été abordé par les intervenants, qui ont comparé les victimes de violences conjugales aux victimes sectaires. L'acceptation de ces violences par ces femmes est ainsi l'un des freins à la révélation de ce qu'elles subissent. Les femmes n'en parlent pas non plus parce qu'elles ont souvent peur d'être jugées et se sentent coupables de ce qui leur arrive. Enfin, quand leur conjoint violent montre un visage charmant à l'extérieur, leur parole est parfois mise en doute. Il est donc important et salutaire que les femmes victimes de violences trouvent une écoute empathique et dénuée de jugement, une écoute active et aidante qui les soutienne dans la révélation de ces violences, a-t-elle martelé à l'adresse de tous les professionnels de santé. Pour rappel 25 femmes par heure sont victimes de violences exercées par leur actuel ou ancien conjoint. Parmi elles, seulement 19% déclarent avoir déposé plainte. En 2017, 130 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire (officiel ou non officiel), soit plus d'une femme tous les trois jours. 25 enfants mineurs sont décédés cette même année, tués par un de leurs parents dans un contexte de violences dans le couple.

Pour aller plus loin

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com