« Globalement, les maladies cardio-neurovasculaires sont en constante régression depuis quelques décennies, grâce à l’amélioration des traitements et à une meilleure prévention », observe Anne-Laure Laprérie, cardiologue au CHU de Nantes et co-présidente “Cœur de femmes” au sein de la Fédération française de cardiologie (FFC). Toutefois, « cette amélioration est moins marquée chez les femmes » et les pathologies secondaires à une atteinte des artères restent chez celles-ci la première cause de mortalité en France. On dénombre ainsi près de 200 décès par jour dus à ces pathologies chez les femmes, soit six à sept fois plus que pour le cancer du sein ! Et l’experte d’indiquer combien « les données actuelles sont inquiétantes », avec notamment « une augmentation plus marquée de l’incidence de l’infarctus chez les femmes jeunes » (+ 19% avant 65 ans entre 2008 et 2013) et « une moindre réduction de la mortalité post-infarctus ».
Des facteurs de risque “traditionnels” et d’autres spécifiques aux femmes
Face à ce réel problème de santé publique, les infirmiers, en coopération avec les autres professionnels de santé concernés, peuvent apporter leur pierre à l’édifice dans le cadre d’actions de prévention ciblées en ce domaine. En particulier, en informant/sensibilisant davantage « sur l’impact des facteurs de risque cardiovasculaires “traditionnels” » et sur ceux « spécifiquement féminins », souligne la spécialiste. Et de rappeler avant tout que : « La principale cause des maladies cardiovasculaires est l’athérosclérose favorisée par un ou plusieurs facteurs de risque. Lesquels contribuent au dépôt progressif de cholestérol dans la paroi des artères. »
Le tabagisme et le diabète plus dangereux pour le cœur des femmes
Parmi ceux “traditionnels” et bien connus, on retrouve le tabac, l’hypercholestérolémie, le diabète, l’hypertension artérielle, la sédentarité et l’inactivité physique, l’obésité, ou encore, le stress. À noter cependant que certains d’entre eux ont des conséquences plus sévères chez les femmes. C’est ainsi le cas du tabagisme ou du diabète, qui ont respectivement +25% et +50% de surrisque de maladie vasculaire. Néanmoins, ces facteurs de risque cardiovasculaires restent modifiables et accessibles à la démarche préventive. Ainsi 80 % des infarctus sont évitables avec un mode de vie sain (personne non fumeuse, ayant une activité physique régulière et une alimentation riche en fruits et légumes).
Contraception, grossesse, ménopause : à surveiller de près
À ces facteurs de risque “traditionnels” s’en surajoutent d’autres spécifiques aux femmes, essentiellement liés à des facteurs hormonaux ou reproductifs. Trois phases clés sont donc à surveiller de près : celle liée à la contraception (la prise d’une contraception œstroprogestative augmente le risque d’hypertension et de caillot), la grossesse et aux semaines suivant l’accouchement (7% des femmes enceintes ont une HTA ; les facteurs de risque cardiovasculaire “traditionnels” sont aussi des facteurs de risque de complications de la grossesse) et significativement la ménopause, une période de transition métabolique et vasculaire. D’où l’importance d’explorer les facteurs de risque après 50 ans (HTA…) car ils augmentent en effet nettement après cette troisième phase.
- En période d’activité génitale : premières règles précoces (≤10 ans) ; migraines, notamment avec aura ; contraception orale + tabac ; hystérectomie (surtout avant 35 ans, même si préservation ovaires) ; insuffisance ovarienne prématurée (<45 ans) ; fausses couches répétées ; syndrome des ovaires polykystiques ; endométriose.
- À la ménopause : flushs : > 5/jour ; traitement hormonal substitutif (contre-indiqué chez les femmes ayant eu un événement cardiologique ou ayant un haut risque cardiovasculaire)
- Radiation et chimiothérapie pour cancer du sein
- Pathologies auto-immunes inflammatoires : polyarthrite rhumatoïde et lupus érythémateux disséminé.
(Source : Dr Anne-Laure Laprerie dans le cadre du Salon infirmier 2024)
Signes d’alerte et l’urgence de réagir
Les IDE peuvent également contribuer à porter la focale sur les signes d’alerte de l’AVC et de l’infarctus notamment, et sur la conduite à tenir en la matière, laquelle, souligne le Dr Laprérie, commande « d’agir sans tarder » (voir encadré). Car aujourd’hui le retard à la prise en charge reste parmi les principales causes du moins bon pronostic de l’infarctus du myocarde chez la femme. Un retard dû tout à la fois à une méconnaissance/sous-estimation des symptômes (alors que ceux-ci sont les mêmes que chez les hommes, avec le plus souvent une douleur thoracique), aux idées reçues (“l’infarctus est une maladie d’hommes”) ainsi qu’à des facteurs comportementaux et socio-culturels (attentisme, priorisation de la famille, manque de soutien familial).
- Infarctus du myocarde : oppression thoracique, douleur à la mâchoire, douleur au bras gauche. Plus rarement : essoufflement, signes digestifs, palpitations.
- AVC : Les symptômes sont variés et souvent de survenue brutale : maux de tête inhabituels et intenses, asymétrie du visage, troubles de la parole ou de la compréhension, troubles de la sensibilité du visage ou d’un membre, perte de force ou paralysie d’un membre, perte d’équilibre.
- Ischémie aiguë (complication d’artériopathie des membres inférieurs – AOMI) : jambe douloureuse, blanche, froide (du fait de l’obstruction brutale de l’artère).
Pour ces trois urgences, la conduite à tenir est la même : appeler sans retard le 15.
(Source : livret “Cœur de femmes”, Fédération française de cardiologie)
L’importance de l’évaluation du risque cardiovasculaire global
En prévention primaire, les infirmiers libéraux en particulier ont un rôle à jouer. Dans le cadre du dispositif “Mon bilan prévention”, généralisé au courant de l’année 2024, ils peuvent opportunément aborder le sujet des maladies cardiovasculaires avec leurs patientes. Et notamment les inciter à évaluer leur risque cardiovasculaire global, lequel permet de prédire une probabilité d’événement cardiovasculaire à dix ans. Pour ce faire, la Haute autorité de santé (HAS) recommande l’utilisation de l’outil Score 2 (Systemic Coronary Risk Estimation). Même s’il présente des limites (entre autres l’absence de prise en compte des facteurs de risque spécifiques à la femme), ce score de risque peut néanmoins se révéler un outil pédagogique intéressant pour encourager certaines d’entre elles à passer à l’action pour protéger leur cœur. Sachant que ces rendez-vous santé dédiés à la prévention peuvent encore être l’occasion de redire aux femmes l’importance de lutter contre la sédentarité et de pratiquer une activité physique (AP) régulière. A savoir : au moins 2h30/semaine d’une AP modérée ou 1h15/semaine d’une AP plus intense ou mix des deux permet de limiter tous les facteurs de risque. Le soignant pourra aussi aussi évoquer avec elles stress et sommeil et les autres facteurs de risque cardiovasculaires spécifiques chez ces dernières.
1. Vivre sans tabac.
2. Faire de l’exercice de manière régulière et adaptée à sa condition physique.
3. Manger sainement de façon diversifiée, équilibrée et adaptée à ses besoins.
4. Éviter ou limiter les boissons alcoolisées.
5. Réduire son stress et apprendre à le gérer.
6. Prendre soin de son sommeil.
7. Surveiller son poids.
8. Faire régulièrement contrôler sa santé cardiovasculaire par son médecin (surveillance de la pression artérielle, taux de cholestérol, glycémie).
9. Être vigilant lors des trois phases clés de sa vie hormonale (contraception, grossesse et ménopause).
10. Ne pas sous-estimer les symptômes d’un accident cardiovasculaire ; appeler le 15 quand apparaît l’un des signes d’alerte ni négliger l’intérêt d’une réadaptation après.
(Source : livret “Cœur de femmes”, Fédération française de cardiologie)
*Article rédigé à l’issue et en appui d’une présentation du Dr Anne-Laure Laprérie sur le sujet dans le cadre du Salon infirmier 2024.
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