Fabien est aide-soignant. Il souhaite partager avec la communauté soignante « ses tristes confessions » car ce métier qu'il a choisi et qu'il tente de continuer à exercer au mieux est devenu "son fardeau". Ecoutons-le, soutenons-le et partageons sa souffrance.
Je rentre du travail, épuisé. Dans un quotidien réglé comme du papier à musique, je prépare le repas, lance une série et je rejoins mon lit. Mon lendemain ? Il est déjà écrit.
Machinalement, j’enfile ma tenue blanche et mon corps vient me rappeler que je souffre. Mes pensées amères sillonnent entre soucis de logement, obligations personnelles, responsabilités. Je dois rester fort et rassurant. Il y a plus malheureux que moi. Une nouvelle journée commence et je m'efforce de mettre mon masque de scène, celui de soignant.
Mon métier est d’aider, de soutenir, d’être une présence rassurante et disponible. Une part de moi n’était pas destinée à cela. J’ai dans la tête un souvenir, celui de l’admission de mon grand-père en EHPAD. J’ai vu ces femmes, ces blouses blanches, lui faciliter l’hospitalisation. Je me souviens de leurs sourires, de leur sympathie et de leur engagement à ce métier.
Ma sœur a suivi cette voie. C’est dans un sens, une affaire de famille. Je l’ai vue s’épanouir, développer ses connaissances et gagner en assurance. C’est à ce moment-là que je me suis dit : pourquoi pas moi ? Après quelques années, me voilà donc, à mon tour, fier de faire ce métier. Quelle joie de voir un patient sortir sur ses deux jambes, le cœur empli d’espoir ! Je suis sensible à l’émotion des familles, à leur regard apaisé. C’est un sentiment si gratifiant d’entendre leurs remerciements pour nos soins et notre accompagnement.
Malheureusement, il y a dans le théâtre de la profession de soignant, des coulisses moins scintillantes. Les exigences des supérieurs et des patients, le manque d’acteurs, le ras-le-bol de certains, les problèmes internes, le manque de matériel, le travail le week-end… A tout cela s’ajoute un grand manque de reconnaissance, la réalité de la maladie, la peur omniprésente et la mort.
Me voilà prisonnier et victime d’un cercle infernal, mon métier est devenu mon fardeau. On me demande de m’investir, d’être acteur et doublure. Je remplace, je suis vigilant, droit, correct, responsable et professionnel. Qui se soucie réellement de moi, de nous ?
La nature est bien faite. Je recommence, j’essaye. J’oscille entre les bons et les mauvais moments. Mais la réalité est cruelle, nous avons besoin de ce petit salaire pour espérer vivre autre chose. Je garde férocement cette envie de profiter de chaque instant car je sais qu’un jour, je serai peut-être de l’autre côté de la scène, en spectateur du monde autour, à subir une souffrance que je n’ai pas voulue.
Oui, ce métier je l’ai choisi et je vais continuer à la faire du mieux possible. Oui, j’aime être au service des gens. Et oui, j’en ai marre. Je ne refuse pas le changement mais je rejette le manque d’humanisme. Ne me demandez pas d’en faire preuve si vous-même agissez en robots. Dans ce monde si individualiste, je pense aux personnes malades, à mon entourage personnel et professionnel, je pense à la santé de manière générale, aux futurs patients et aujourd’hui, je veux penser à moi.
Aidez-moi, aidez-nous à faire entendre notre voix, rendez-nous la fierté et le courage. Donnez-nous pour que nous puissions donner en retour. Nous sommes tous concernés !
Fabien
Aide-soignant.
Mes remerciements à Sarah Guillou pour son aide si précieuse
Ce texte a été publié le 14 février 2019 sur facebook
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