Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

MODES D'EXERCICE

Témoignage sur le travail d'infirmière au Québec

Publié le 11/03/2009

Je suis infirmière française, diplômée depuis 2 ans et demi, et je travaille actuellement à Montréal, dans la province du Québec.

Ici les conditions de travail sont bien différentes, la façon de travailler, de s'habiller, les noms des médicaments également...Bref, pas évident au début, mais on s'y fait!

Tout d'abord, la profession d'infirmière au Québec est régie par un Ordre Infirmier (OIIQ= Ordre des Infirmières et  Infirmiers du Québec), qui va approuver ou non votre demande de reconnaissance de votre diplôme d’état infirmier français. En général, venant de France, il n'y a pas de problème, la pénurie étant mondiale, le Québec n'y échappe pas!

     

Les études


Ici, il existe différents titres et donc différents niveaux scolaires des infirmiers. Le premier est l'infirmier(e) technicien(ne) qui correspond à un DEC (Diplôme d'Etudes Collégiales) en Soins Infirmiers. Un DEC se fait en en 3 ans, au CEGEP (Collège d’Enseignement Général et Professionnel) (qui correspond à notre lycée général et professionnel). Les étudiants au CEGEP, choisissent soit une filière classique, en sciences pure par exemple, qui dure 2 ans et  qui conduit à entrer à l'université, soit une filière technique de 3 ans  qui conduit directement à un métier (ex: DEC en soins infirmiers, DEC en techniques policières etc...). C'est la reconnaissance que le Québec nous donne de notre diplôme d'état Français d'infirmière (qui n'est pas juste selon moi, mais ca c'est une autre histoire!).

Le deuxième, c'est infirmière(e) clinicien(ne) qui correspond à 3 années universitaires en Sciences Infirmières et qui conduit à un Baccalauréat en Sciences Infirmières (Baccalauréat au Québec est la traduction littérale de Bachelor en anglais qui correspond à un Licence en France...A ne pas confondre avec notre baccalauréat français...). Elle est également appelée dans le langage courant infirmière bachelière. Ce diplôme permet d'enseigner aux étudiants infirmiers dans les CEGEPs, de travailler dans le domaine communautaire (dans les CLSC, qui n'existent pas en France, mais qui sont des centres ou des infirmiers et médecins reçoivent des patients en consultation, avec ou sans rendez-vous pour administrer des vaccins, faire le suivi de plaies, etc...).

Ensuite, l'infirmière clinicienne peut décider de poursuivre ses études à l'université en Maîtrise : cela dure 2 ans à temps plein, avec la première année assez générale, et la deuxième année 2 voies possibles : Maîtrise en Pratique Avancée qui conduit au titre d’infirmière praticienne, ou praticienne de première ligne qui au Québec vient tout juste d’être reconnu et les premières cohortes d’étudiants viennent d’être admis. Cette spécialité existe déjà depuis un bout de temps en Ontario, la province voisine du Québec. Elles peuvent prescrire, faire des diagnostics cliniques etc…Actuellement, il n’existe que 3 spécialités dans lesquelles elles peuvent exercer : en cardiologie, en néphrologie et en néonatologie. Je ne connais pas encore vraiment tout à fait leur champ de compétence.
Puis l’infirmière peut encore continuer jusqu’en Doctorat (phD) en sciences infirmières et participer à de la recherche en soins, réaliser des études cliniques, enseigner à l’université, avoir accès a des postes de gestion (déjà accessible au niveau de la maîtrise).

Voilà pour les études. C’est déjà assez différent de la France, n’est ce pas?

     

Le travail


A propos du travail maintenant, les hôpitaux, à Montréal en tout cas, ont 2 modes de fonctionnement.
Les hôpitaux francophones disposent de 3 quarts de travail. La plupart du temps fixes : de jour, de soir et de nuit (jour=8h à 16h, soir= 16h à 0h, nuit= 0h à 8h du matin).Un temps plein, c’est 36.25h par semaine, soit 10 jours de travail par quinzaine. Ici en effet, la base du temps de  travail est la quinzaine, soit deux semaines, et non le mois. On est en effet payé toutes les deux semaines. Il y a également beaucoup de postes à temps partiel (ce dont je dispose), appelé comme suit : 7/15 (sept quinzaine), 8/15 (huit quinzaine).
Les hôpitaux anglophones travaillent majoritairement en 12 heures, de 8h à 20h, et de 20h à 8h généralement.

     

Les démarches pour une infirmière française venant travailler au Québec


Il y a beaucoup de papiers à remplir, de documents à envoyer au Québec. Il faut prévoir au moins 6 mois entre le moment où vous planifiez de partir et le moment où tous vos papiers sont en règles pour vous envoler vers le pays des Caribous !

Je ne détaillerai pas les procédures car, ce serait long et fastidieux, mais en gros, vous pouvez vous adressez à la délégation du Québec à Paris, dont une personne en particulier, Mme Rolande Chartier, s’occupe de faciliter l’obtention des papiers nécessaires à l’émigration en ce qui concerne les infirmières et vous aidera à remplir tout vos documents. Elle fera également le suivi de votre dossier à l’ambassade du Canada à Paris, et pourra vous donner de précieux conseils sur la vie au Québec. Dans mon cas, elle m’a beaucoup aidée et c’est une femme très ouverte et sympathique…

Allez voir la page « Santé et service sociaux Québec » qui est très bien faite avec toutes les démarches à accomplir
Il faut aussi que vous lisiez la page de l’Ordre des Infirmiers et Infirmières du Québec (O.I.I.Q) avec la délivrance des « permis » de travail.
http://www.oiiq.org/infirmieres/diplomes/index.asp
Attention, les démarches (émigration et permis de travail) peuvent prendre du temps…

     

Où travailler ensuite ?


Il est certain qu’à Montréal, qui est la plus grosse ville du Québec (3 millions d’habitants avec la banlieue), il manque beaucoup d’infirmiers, mais il est également possible de travailler en région plus éloignée voir dans le Grand Nord (Nunavik, terre des Inuits) si ça vous tente. C’est très bien payé, mais vous devez être capable de travailler en grande autonomie.

     

L’examen de l’Ordre


L’OIIQ exige de tous les infirmiers qui travaillent de passer leur examen dans la première année où vous exercez sur le sol québécois. C’est un examen déstabilisant, très diffèrent de tout les examens que vous avez pu passer en France durant vos études, mais il existe des façons de bien s’y préparer. Il coûte cher (500 CAN $ soit environ 370 Euros) et l’on ne dispose que de 3 tentatives pour l’obtenir sinon on est radié de l’ordre et l’on ne peut plus exercer comme infirmier au Québec. Une fois obtenu, il faut payer chaque année sa licence d’infirmière qui donne le droit de pratiquer et qui coûte cette année 305 CAN$. Et oui, il faut payer ici pour travailler ! ! ! !

     

Le salaire


En fonction de ses études (voir plus haut), un infirmier peut gagner entre 35 000 CAN $ et  plus de 100 000 CAN $. Evidemment, ici on parle de salaire brut, et le taux d’imposition dépend du salaire, moi, je suis imposée à 36%, soit je gagne environ 40 000 CAN$ ce qui fait environ 28 000 CAN$ net, soit environ 2300 CAN$ net par mois, ce qui ferait approximativement 1550-1600 euros net par mois. Je suis pour ma part rendue à un échelon plus avancé de salaire qu’une débutante, mais les hôpitaux reprennent généralement les années d’expérience en France.

     

Pourquoi le Québec ?


Je suis partie m'expatrier au Québec, pour différentes raisons, dont l'intérêt pour de nouvelles pratiques, et une organisation différente du système de santé... Ici, à Montréal, le système de santé vit les mêmes problèmes qu'en France, avec une chose en plus, le manque cruel de médecins. Mais le Canada en général a su depuis environ 15 ans s'adapter à la situation et valoriser la profession infirmière qui est ici une profession d'avenir, où une grande place est laissée à son expertise clinique, tant en milieu hospitalier qu'extrahospitalier (communautaire) ex : depuis 2004, les infirmières vaccinent de façon totalement autonome, sans prescription TOUS les vaccins et font le suivi des nourrissons (pesée, taille, informations sur la nutrition...). Cela s’apprend lors d’une formation spécifique bien sûr, mais ces formations sont disponibles et offertes gratuitement par la Direction de la Santé Publique de Montréal, les hôpitaux, etc... Les infirmières sentent ici qu'elles participent activement au mieux-être de la population et font de la vraie prévention.
D'autre part, ici il existe 2 niveaux de diplômes d'infirmière : une infirmière technicienne (DEC en Soins infirmiers= Diplôme d'Etudes Collégiales) qui n'a pas vraiment son équivalant en France, et le Baccalauréat en Soins Infirmiers (traduction de l'anglais Bachelor =Licence=3 ans d'université) qui permet d'obtenir le titre d'infirmière clinicienne. Or, en France, nous n'avons toujours pas cette reconnaissance. Ici, en arrivant comme infirmière française, on ne nous reconnait que comme ayant obtenu un DEC, et non un Bachelor, étant donné qu'en France nous n'avons pas nous même encore cette reconnaissance de licence...!!! Or les problématiques de santé ont beaucoup changé, il est nécessaire d'avoir une bonne expertise et de solides connaissances théoriques propre à l'enseignement universitaire, qui de plus permet aux infirmières d'avoir l'accès à différentes maitrises, qui lui permet de travailler dans le domaine communautaire, enseigner etc... Ici , il y a également une pénurie, mais valoriser une profession par sa reconnaissance universitaire, et en élargissant son champ de responsabilités et de compétences, permettrait aux infirmières d'avoir plus de poids pour revendiquer une revalorisation des salaires et une revalorisation de sa place comme pivot dans le système de santé, et donc attirer plus de jeunes dans une profession qui doit être synonyme de milieu valorisant, stimulant, etc...
Je suis révoltée que l'on refuse cette reconnaissance universitaire comme si on nous faisait sentir que notre métier pratique n'a pas sa place sur les bancs de l'université....Et que dire alors des médecins qui eux aussi ne devraient plus avoir cette reconnaissance universitaire !!!! En France le partenariat médecin-infirmière n'existe pas à son plein potentiel, et l'on sent encore l'infirmière comme une exécutante, ou tout du moins comme un personnel dévoué, bienveillant, mais qui ne dispose pas de jugement clinique....

Je trouve qu'en Amérique du Nord, au moins, il y a plus de place pour l'épanouissement professionnel comme infirmière et je souhaite que les décideurs de tout ordre se penche un peu sur ce qui se passe dans le reste du Monde, en Amérique du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande, et en Europe du Nord, pour s'en inspirer...

En vous remerciant de m'avoir lu, et en vous souhaitant bonne continuation pour votre site !

     

     

    Julie BENOIT
    infirmière aux Soins Intensifs et en hémodynamie de l'hôtel-Dieu de Montréal du CHUM

Source : infirmiers.com