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Réflexions sur l’utilisation d’internet dans l’enseignement des soins

Publié le 23/03/2009

Durant ces dernières années, Internet s’est développé de façon très importante. Il existe, il est là. Que nous le voulions ou pas, nous ne pouvons le « négliger ». Il parait donc intéressant de réfléchir à son utilisation dans l’enseignement des soins.

Les applications pédagogiques d’internet

Pierre SEGUIN, reprenant les travaux de Judi HARRIS, classe les applications pédagogiques d’internet en 3 grands chapitres :

  • La communication interpersonnelle
  • La recherche d’informations
  • La création et production de nouvelles données.

La communication interpersonnelle

Pierre SEGUIN souligne l’importance et la richesse des échanges interpersonnels entre individus et/ou groupes. Les échanges peuvent se faire entre étudiants et/ou formateurs. Ils peuvent aussi se faire entre « groupe ». Ainsi plusieurs Instituts de formations en soins infirmiers peuvent échanger leurs documents pédagogiques, leurs « cas concrets », leurs expériences pédagogiques.

Les échanges peuvent se faire par :

  • Courrier électronique
  • Listes de diffusion ou », « mailing List » ou « groupes de diffusion ».
  • Forums ou groupes de nouvelles
  • Discussions en temps réel ou IRC (Internet Relay Chats) appelé plus familièrement Chats (causeries, bavardages en anglais).
  • Visioconférence avec par exemple MSN Messenger ou SKYPE

Nous évoquerons aussi les Plates-formes d’apprentissage en ligne. Wikipedia en donne cette définition : « Une plate-forme d'apprentissage en ligne, appelée parfois LMS (Learning Management System), est un site web qui héberge du contenu didactique et facilite la mise en œuvre de stratégies pédagogiques.

On trouve aussi les appellations de centre de formation virtuel ou de plate-forme e.learning (FOAD).

Une plate-forme e.learning (ou LMS) est un produit dérivé des logiciels CMS (content management system) mais présente des fonctions différentes pour la pédagogie et l'apprentissage.

Il s'agit d'une composante d'un dispositif e.learning mais ce n'est pas la seule. Il est entre autre un des outils des Technologies de l'information et de la communication (TIC) et des Technologies de l'information et de la communication pour l'éducation (TICE).

On peut trouver un comparatif intéressant de différentes plateformes à l’URL suivante : http://www.e-cursus.paris4.sorbonne.fr/texte/etudecomparative.htm

Avec Internet, nous assistons au développement de communautés virtuelles pour partager et mutualiser des ressources, des expériences, des parcours pédagogiques. Mais II est souvent plus facile de communiquer avec un collègue à l’autre bout du monde que de s’entendre avec son collègue dans la salle des professeurs voisine…

La recherche d’information

Internet est un outil inépuisable d’informations. La recherche documentaire avec validation des sources est un secteur en constante évolution. Internet propose un océan d’informations hélas très peu organisées et pas toujours « fiables ». Pour y remédier, les documentalistes des écoles para médicales d’île de France ont crées un annuaire de ressources validées pour les élèves.

Le Web n’est pas « parole d’évangile ». Comment l’étudiant va-t-il effectuer sa recherche ? Le formateur peut par exemple l’aider à déployer des mots clefs dans le cadre de sa recherche thématique ou pour son TFE. Il doit surtout l’aider à faire des liens avec ses pré-requis. Mais l’étudiant devra-t-il tout lire? Devra-t-il se fier à tout ce qu’il lit ? Ici, le rôle du formateur est important pour viser à l’autonomie de l’apprenant. Il faut que l’étudiant puisse à un moment comprendre ce qu’il lit, fasse des liens avec ce qu’il a déjà appris.

Un bon conseil : utiliser plusieurs sources d’informations, les citer et surtout les recouper avec d’autres sources qu’elles soient sur internet ou sur « papier » (revues, livres…).

Quand on visite un site, les bonnes questions à se poser sont : Qui l’a conçu ? Pour qui ? Quelles sont les missions de ce site ? Quelle est la date des sources ?... Pour les sites santé, celui-ci est-il certifié par la Fondation Health On the Net (HON) dont l’objectif est d’améliorer la fiabilité et la crédibilité de l'information médicale et de santé.

Le HONcode est un standard internationalement reconnu pour l'information en ligne, digne de confiance et employé par des milliers d'éditeurs de sites médicaux et de santé. Il vise à protéger les citoyens contre l'information médicale et de santé douteuse, voire fausse. Il est déjà utilisé par près de 4 500 sites. Les sites Web accrédités forment un « espace de confiance » où les citoyens peuvent sans risque explorer les informations mises à disposition. L’HON vient de passer un accord avec la HAS (Haute autorité de Santé) pour la certification des sites santé.

Création et production de nouvelles données

Comme nous l’avons vu, recueillir de l’information n’est pas suffisant, il faut traduire cette recherche en « nouvelle production ». L’étudiant peut alors devenir producteur de savoir. II n’est plus consommateur, il a un rôle « actif » et devient acteur de sa formation.

L’ingénierie pédagogique

Avec Internet, nous pouvons assister à la non-appropriation des connaissances par les apprenants. C’est le «Syndrome du surfeur », le « zapping ». On « visite » le maximum de sites en grappillant le maximum d’informations, sans transformer pour autant ces informations en connaissances personnelles « réutilisables » dans un contexte autre que celui de l’apprentissage. Le « zapping » n’est pas une méthode pédagogique…

Comme le dit justement Joël de ROSNAY « C’est une illusion de croire qu’en brassant de l’information sur Internet, on acquiert des savoirs ».

Canaliser la navigation sur Internet dans une perspective pédagogique peut être un moyen de réguler des connaissances fiables et conduire à un projet collectif constructif.

Savoir qu’internet dispose d’outils pouvant vous aider au plan pédagogique n’est pas non plus suffisant. Il faut aller plus loin et réfléchir sur la manière dont ils vont être utilisés. Internet doit être inscrit de façon « concrète » dans le projet pédagogique des instituts. Une « stratégie pédagogique » doit être développée permettant l’exploitation optimale de tels moyens.

Certains IFSI commencent par installer des salles internet et cherchent difficilement l’usage qui peut en être fait. Ne faudrait-il pas créer le besoin pédagogique dans le projet avant de réaliser l’aspect pratique des choses ?

Le rôle des Formateurs

Avec Internet, Il est clair que le rôle de l’enseignant change. Il n’est plus l’unique source du savoir. Il doit être là pour « accompagner » l’étudiant dans sa quête du savoir. Tuteur médiactif *, un nouvel accompagnement, une nouvelle communication peuvent tisser d’autres liens pédagogiques avec l’utilisation d’Internet comme outil didactique interactif.

Des questions restent ouvertes. Ainsi le tutorat demande du temps pour le formateur. Comment cela est-il prévu? Sil est extérieur à la structure de formation, comment va-t-il être rémunéré? Le tutorat électronique n’entre pas encore dans le décompte des heures de cours. Comment l’intégrer dans la tâche du formateur ? Comment vérifier la pertinence d’un tel travail?

Le formateur doit d’un coté accepter qu’internet existe et qu’il peut l’utiliser. Il doit aussi dépasser « la magie internet ». Il devra lui-même apprendre à utiliser internet. La recherche d’informations sur internet n’est pas uniquement l’utilisation de Google…

Internet est un outil, ce n’est pas une fin en soi. Nous pouvons aussi avoir des « échecs ». Il est alors important de « réfléchir » sur ces échecs. Pourquoi ? Qu’est ce qui n’a pas fonctionné ? Que faut-il faire pour « évoluer ». Les formateurs devront donc à un moment donné réfléchir ensemble sur leurs réussites et leurs échecs de l’utilisation d’Internet. Comme on apprend aux étudiants à réaliser une nouvelle « pratique », les formateurs devront recevoir une formation spécifique à l’utilisation d’internet, se familiariser avec lui, « l’apprivoiser » et en percevoir les possibilités pédagogiques.

Il ne faut pas oublier le coté « évaluation » de la formation. Comment évaluer ce que l’étudiant a fait, compris, retenu. Est-ce bien cet étudiant et pas un autre qui est derrière son écran. Le « copier / coller » est tellement facile. Comment évaluer ces nouvelles activités ?

Mais pourquoi également refaire 25 fois le même cours ?Nous pouvons évoquer également la multiplicité des cours faits au sein d’un même IFSI.

Mais chaque Institut de formation a sa « propre » subtilité, ses « pré carrés » dans lesquels il s’enferme et ne veut, ne peut pas sortir… il faut donc savoir « oser », tenter de nouvelles expériences, et aussi les faire partager à d’autres…

Une question reste ouverte : Toutes les matières sont-elles transposables sur internet ou faute de connaissance des outils techniques mis à disposition nous ne savons pas imaginer de nouvelles formes de dispensation du savoir classique ?

Le formateur ne peut plus déposer ses textes et reproduire le même scénario qu’il utilise avec ses exposés magistraux. Pour rendre son cours « attractif », il doit développer des compétences en «créativité». Les mots clefs sont :

  • accessibilité, flexibilité, interaction
  • jouer, lire, naviguer, discuter, jouer encore.
  • L’autoformation (et non solo formation) qui vise un accompagnement

Compte tenu de son aspect « virtuel », l’enseignant devra prévoir et multiplier les temps de communication synchrone/asynchrone avec l’étudiant. Il faut également savoir qu’il est plus long de préparer une séquence d’enseignement via Internet que de rédiger un simple polycopié. C’est 4 à 8 fois plus long, sans compter la création éventuelle de supports illustratifs (photos, films)

Comme tout va vite sur Internet, le formateur devra prévoir du temps pour remettre à jour ses cours et son enseignement. Mais il est moins coûteux que de racheter une collection complète d’ouvrages devenus obsolètes.

Des réflexions, des perspectives s’ouvrent. Mais sommes-nous prêt à partager nos travaux? Et si oui sous quelle forme? Des blogs d’apprentissage peuvent être de moyens de partage que le Web 2.0 offre aux Instituts. N’oublions pas l’existence de droit d’auteur et de copyright. Comment favoriser la mutualisation des innovations pédagogiques et des supports didactiques? Avec qui le fait-on : d’autres équipes pédagogiques ? Université ? Etc.

Les conditions techniques

La seule volonté des équipes pédagogiques n’est pas suffisante. La réussite d’un tel projet passe par l’évaluation des pré-requis nécessaires. Tout d’abord, étudiants et formateurs doivent maîtriser correctement l’outil informatique et l’accès à Internet. Ceci nous apparaît comme un pré requis incontournable.

Celui-ci concerne :

  • les connaissances et compétences manipulatoires de base des différents équipements informatiques et multimédias connectés ou non aux réseaux;
  • la capacité à effectuer des recherches sur réseau connecté (notamment Internet);
  • la capacité à produire un document comportant du texte, des tableaux et des images.

Il faut rajouter les ressources « matériels » et la légalité des informations (Loi DADVsi) .

Souvent dans ce genre de réalisation, nous « bricolons » et après nous sommes déçus du résultat. Nous connaissions une Faculté de médecine française qui disposait pour ses milliers d’étudiants d’un seul poste avec accès à Internet. Les étudiants devaient être fortement motivés pour pouvoir y accéder !

L’accès à Internet doit être organisé, facilité avec formation des étudiants à la recherche d’information, accompagnement, horaires d’ouverture larges, … sans oublier de calculer le coût (matériel et fonctionnement : abonnement internet…).

Quelques autres réflexions

Il existe un « certificat informatique et santé » avec une option « Métiers de la santé ». Ne va-t-elle pas devenir comme l’AFGSU (Attestation de formation aux gestes d’urgence) obligatoire pour l’obtention du Diplôme d’Etat ?

A quand une université virtuelle en soins infirmiers ? Il en existe une en médecine mais elle ne propose rien pour les infirmières. L’UMVF (Université Médicale Virtuelle Francophone) a donné l’idée aux pharmaciens, aux professeurs de sport de faire la même chose, c’est en ligne.

On peut également citer d’autres IFSI qui développent des plateformes collaboratives d’enseignement (Marne La Vallée, Croix rouge Nîmes et bien d’autres)

Mais ce n’est qu’un début…

Qui aura donc le « courage » de se lancer dans cette expérience mais aussi avec quelle légitimité ? Il faudra surtout réussir à vaincre la réticence de certains responsables qui ont du mal à admettre qu’internet est une chance, une de plus, et non une affreuse machine infernale qui tire vers le bas l’accès à la connaissance. Internet n’a-t-il pas débuté par des échanges d’informations entre deux universités américaines…

Depuis septembre 2007, Infirmiers.com a mis en place une plate forme d'e-learning accessible sur le site Médiformation. Actuellement une préparation au concours d'admission en IFSI est proposée mais d'autres formations à destination des IFSI sont en cours de préparation. Pour obtenir plus de renseignements, vous pouvez prendre contact avec le coordinateur pédagogique.

Conclusion

Internet n’est qu’un outil et l’existence des formateurs n’est pas compromise. Toutefois les méthodes pédagogiques développées en parallèle des outils liés à internet demanderont aux formateurs ingéniosité et créativité.

Pour nous Internet est une voie possible dans le dispositif pédagogique, mais il ne pourra jamais détrôner l’homme complètement. Que les formateurs se rassurent, leur fonction n’est pas encore en voie d’extinction ! Mais elle va inévitablement changée.

Sachons être imaginatif, créatif, oser et oser encore, viser la perfection et accepter humblement nos erreurs. Et enfin n’hésitez pas à partager vos expériences…

Bon courage …

Notes

* PAILLARD Christine - Quand le centre de documentation et d’information se fait virtuel -Soins cadres de santé ; Vol 16 - N° 64 - Novembre 2007 ; p. 57 – 58

Webographie

 

Guy ISAMBART
Rédacteur en chef infirmiers.com


Source : infirmiers.com