Comme le préfiguraient les premières discussions fin octobre, les débats autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2024) auront été écourtés par le recours à une succession de 49.3, déclenchés par Elisabeth Borne à chaque lecture du texte en Assemblée. Vendredi 1er décembre, la navette parlementaire entre les députés et les sénateurs s’est d’ailleurs accélérée, avec un rejet de ce PLFSS au Sénat suivi de sa transmission aux élus de l’Hémicycle et de son adoption sans vote. Pour justifier le déclenchement de ce vingtième 49.3 depuis sa prise de fonction, la Première ministre a défendu un budget intégrant « des moyens en hausse pour notre santé, pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ». Face à elle, La France Insoumise (LFI) a sans surprise répliqué en annonçant le dépôt d’une motion de censure, dénonçant l’impossibilité pour les « représentants de la nation » de débattre sur un texte qui, selon eux, « détricote la Sécurité sociale et brutalise notre hôpital public et ses soignants ». Pour autant, et même si l’ensemble des oppositions désapprouvent ce PLFSS, la motion de censure a été rejetée lundi 4 décembre par l’Assemblée, actant de fait son adoption.
Un PLFSS qui manque "d'envergure", s'agacent les syndicats
Chez les acteurs de la santé, on dénonce aussi un PLFSS insuffisant au regard des besoins du système de santé, frappé par une double crise : la pénurie de professionnels et l’inflation, qui a entraîné une augmentation des dépenses qui n’ont par ailleurs pas été compensées. Côté syndicats, le Syndicat national des infirmiers libéraux (Sniil) déplore ainsi la suppression d’un certain nombre d’amendements déposés par le Sénat lors du premier examen du texte, dont un « obligeant une consultation des professionnels de santé concernés par les parcours coordonnés » et un second « incluant l’ensemble des professionnels de santé libéraux dans le dispositif d’aide financière complémentaire en cas d’interruption d’activité pour cause de maternité ou paternité ». Un grief que porte aussi l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS), qui voyait dans cette inclusion « une avancée majeure pour l’installation des professionnelles libérales de santé ». Sa suppression va ainsi « à l’encontre de l’objectif d’amélioration de l’attractivité du secteur de la santé ». Plus globalement, elle pointe un PLFSS qui manque « d’envergure » et qui s’inscrit dans un contexte où se multiplient « les propositions de lois disparates et sans cohérence entre elles ». S’il partage ce point de vue, le Sniil formule toutefois une espérance : que 2024 voit arriver l’application de mesures attendues par la profession, à commencer par la refonte du métier.
De nouveaux champs d'exercice pour les infirmiers
Côté réforme pour les professionnels de santé, ce PLFSS intègre la mise en œuvre de la campagne de vaccination contre les papillomavirus humains (HPV), à laquelle peuvent participer les infirmiers, ainsi que les trois rendez-vous de prévention. Pour ces derniers, l’Article 20 propose de « recourir à la loi afin de préciser [leurs] conditions de réalisation », à commencer par les modalités de rémunération. Pour justifier ce parti pris, le texte avance la pluralité des professions de santé habilitées à les réaliser (médecins, sage-femmes, infirmiers, pharmaciens). Un argument auquel les syndicats infirmiers opposent la crainte de voir bafouée la vie conventionnelle, la rémunération devant être fixée par arrêté et non pas par le biais de négociations. Une mesure offre également aux médecins de santé au travail la possibilité de déléguer certains actes aux infirmiers qualifiés, tel que le renouvellement périodique de l’examen médical d’aptitude.
Est également prévue la mise en place d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce des enfants de moins de 6 ans « susceptibles de présenter un trouble de santé à caractère durable et invalidant de quelque nature que ce soit, notamment un trouble du neurodéveloppement ». Il implique, entre autres, les acteurs des secteurs sanitaire et médico-social ainsi que les professionnels de santé de ville et les services de protection maternelle et infantile (PMI). Cette mesure vient s’intégrer dans la nouvelle stratégie nationale 2023-2027 annoncée en novembre par Emmanuel Macron, qui s’élargit aux troubles du spectre de l’autisme, du développement intellectuel, du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, et les troubles dys (dyslexie, dyscalculie, dysgraphie…). Sont enfin définies les modalités pour les parcours coordonnés renforcés (structures habilitées à piloter ces parcours, obligation de formalisation, continuité des soins…),qui accompagnent l'entrée dans le droit commun des expérimentations Article 51.
Un ONDAM inférieur aux demandes de l'hôpital
Côté budget, ce PLFSS embarque ainsi un budget de 640 milliards d’euros, et estime finalement un déficit de la Sécu de 8,7 milliards d’euros pour 2023 et de 10,5 milliards d’euros, toutes branches confondues, pour 2024. Ce sont essentiellement les dépenses de l’Assurance maladie qui plombent ces comptes, et dont le gouvernement espère maintenir la hausse à 3,2% (hors dépenses liées au Covid-19) via un certain nombre de mesures : facilitation des contrôles sur les prescripteurs et assurés pour diminuer les arrêts de travail non justifiés et limitation des arrêts de travail prescrits par téléconsultation, renforcement du dispositif de lutte contre la fraude avec l’ajout d’une sanction pénale pour ceux qui incitent à la fraude… L’objectif national des dépenses d’Assurance maladie (ONDAM) pour 2024 est ainsi fixé à 254,7 milliards d’euros. De quoi décevoir les différentes fédérations hospitalières, qui réclamaient une hausse de 5% en 2024 pour assurer la soutenabilité du système hospitalier. Mi-novembre, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) alertait ainsi le gouvernement, indiquant que plus de la moitié de ses établissements seraient en déficit. À noter également : une sortie progressive du tout T2A dans le financement du champ « Médecine Chirurgie Obstétrique » avec l’amplification de « la part de financement par dotations ou sans lien direct avec l’activité, tant pour les missions de soins qu’au titre d’objectifs de santé publique ».
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