Sylvaine Mazières-Tauran, vous avez été élue il y a quelques mois à la présidence de l’Ordre national des infirmiers. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle du métier ?
Nous sommes dans une situation pour le système de santé en général et pour les soignants en particulier, en état de choc post-traumatique après le Covid. Là nous avons une nécessité de repartir sur une réorganisation du système de santé et donc de repositionner les infirmiers dans ce système, notamment avec la refonte du métier et la publication attendue de notre décret d'activité et de compétence. Et nous avons beaucoup d'attentes afin que les compétences mises en œuvre par les infirmières et infirmiers pendant ces dernières années soient enfin reconnues dans le dispositif réglementaire.
Il y a un champ vraiment très important à développer et à formaliser afin que les infirmiers puissent contribuer au système de santé tel qu'il a besoin d'être organisé pour permettre un accès aux soins à tous.
Et dans cet objectif global, quels sont vos grands chantiers ?
Tout d'abord le parcours de santé. Nous mettons l'accent en l’occurrence sur le savoir-faire en termes de soins relationnels des infirmiers pour la prise en charge des patients, mais également dans toutes les missions, qu'elles soient du soin, de la coordination, de l'éducation thérapeutique, de la prévention. Il y a un champ vraiment très important à développer et à formaliser afin que les infirmiers puissent contribuer au système de santé tel qu'il a besoin d'être organisé pour permettre un accès aux soins à tous.
Dans ce cadre, quels projets d'action avez-vous planifiés ? Lesquels sont mis en œuvre ou devraient l’être prochainement ?
Il y a déjà, par exemple, pour ce qui concerne les infirmiers libéraux, la validation des textes qui permettent de désigner un infirmier référent. Donc on aura bien un triptyque médecin traitant-pharmacien correspondant-infirmier référent autour du patient. Celui-ci, notamment s’il est atteint d'une maladie chronique ou d'une polypathologie, va ainsi pouvoir avoir une triade de professionnels qui vont permettre son entrée dans le dispositif de soins et la coordination de son parcours avec une meilleure efficience du système de santé.
Vous évoquiez la refonte du métier, quels sont précisément le rôle et la mission de l'Ordre infirmier dans ce projet de refonte ?
L'Ordre, bien sûr, a participé à tous ces travaux, aux côtés de tous les partenaires institutionnels, en veillant à ce que les équilibres soient respectés entre les différentes missions des professionnels de santé, et à promouvoir l'autonomie professionnelle des infirmières et des infirmiers. Il était important d'être là en appui des groupes de travail afin d'apporter notre expertise plurielle puisque l'Ordre infirmier regroupe la totalité des modes d'exercice des infirmiers. Nous sommes sur tous les secteurs de soins : en ville, à l'hôpital, auprès des enfants, auprès des personnes âgées, en psychiatrie. La psychiatrie est d’ailleurs également un sujet qui nous préoccupe énormément. Et donc, sur tous ces sujets, nous avons apporté le témoignage et la connaissance de la profession auprès des instances. Ce qui a permis de faire émerger ces nouveaux textes.
Plus largement, quels sont les autres sujets qui tiennent à cœur à l'ordre aujourd'hui ?
Ce qui nous préoccupe beaucoup, en termes de santé pour les infirmiers et tous les professionnels de santé, ce sont tous les risques d'exposition : les risques d'exposition à la violence, les risques musculo squelettiques, les risques liés au travail de nuit. C'est d’autant plus important d'accompagner ces professionnels en situation de tension, notamment du fait de la charge mentale qui repose sur eux actuellement. Tous ces sujets nous préoccupent énormément et nous souhaitons véritablement travailler en collaboration avec les parties prenantes et en particulier le ministère de la Santé, pour avancer et trouver des solutions pratiques de prévention de ces risques professionnels.
Nous avons l'intention de lancer une grande enquête nationale sur le sujet des violences sexuelles et sexistes afin d’évaluer l’ampleur de ce phénomène et mettre en place des solutions.
Autre préoccupation des professionnels de santé ces dernier temps : le mouvement "MeToo"qui a gagné le monde de la santé. Comment se positionne l'Ordre par rapport à cela ?
Alors bien sûr, nous nous sommes engagés aux côtés des différents partenaires pour travailler sur ce sujet, et notamment à l'initiative du ministère. Nous avons aussi pris contact avec la FNESI (Fédération nationale des étudiant.e.s en sciences infirmières), parce que les étudiants en soins infirmiers peuvent être aussi des victimes potentielles de par leur vulnérabilité lors des situations de formation. Nous avons aussi l'intention de lancer une grande enquête nationale sur ce sujet afin d'évaluer auprès des professionnels l'existence de ces violences sexuelles et sexistes. Nous avions déjà relevé lors d’une de nos précédentes enquêtes sur les violences en général, qu'il y avait bien un sujet de violences sexuelles et sexistes. Mais là, nous allons vraiment faire une consultation ciblée sur ce sujet afin d'évaluer l'ampleur de ce phénomène et construire avec les professionnels au sein de l'Ordre et les groupes de travail, des solutions pour lutter précisément contre ce type de violences.
* Interview réalisée le 22 mai 2024 à l'occasion du Salon Infirmier à Paris
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