« 2022 aura été une année éprouvante pour les infirmiers. » C’est en ces termes que Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers (ONI), a ouvert ses vœux à la profession, jeudi 19 janvier. Durant la crise Covid, les infirmiers se sont effectivement retrouvés en première ligne, dans le contexte d’un système de santé qui vacille de plus en plus. « 6 millions de Français sont sans médecin traitant, dont 600 000 en affection de longue durée. Les besoins en santé vont augmenter alors que la population vieillit. Les urgences enregistrent plus de 20 millions de passages par an et sont confrontées à un engorgement symptomatique de la crise générale que subit le système de soin », a-t-il souligné. Et ce alors que la suppression du numérus clausus ne suffira pas à former suffisamment de médecins pour garantir l’accès aux soins pour tous.
Le recours aux infirmiers, une des réponses à la crise du système
Ces constats, l’Ordre s’est efforcé de les monitorer tout au long de l’année passée, notamment par le biais des consultations organisées auprès de ses professionnels inscrits réunissant chacune en moyenne 70 000 répondants. Ces consultations, relayées ensuite auprès des pouvoirs publics, ont vocation à « porter la voix de la profession et à objectiver l’avenir du système de santé », a défendu Patrick Chamboredon. L’avenir du système de santé, il en a d’ailleurs été beaucoup question au cours de l’année 2022, avec, en particulier, la publication en septembre dernier d’une étude réalisée à partir de la démographie infirmière.
C’est l’engagement des 640 000 infirmiers qui a garanti la survie du système de santé.
De la cartographie qui en découle, deux enseignements ont pu être tirés. D’une part, les infirmiers, qu’ils exercent en libéral ou en établissement, sont présents dans les 1 663 bassins de vie du territoire. « La profession infirmière est un pivot essentiel de l’accès aux soins dans les territoires », a-t-il observé. « Il n’y a pas de déserts infirmiers. » D’autre part, corollaire de cette première leçon, « il y a des infirmiers dans les déserts médicaux, là où l’offre de soin est la plus fragile », illustrant le rôle de ces professionnels dans les zones où les soins ne sont quasiment plus assurés. C’est « l’engagement » des 640 000 infirmiers qui a « garanti la survie du système de santé », a-t-il affirmé.
Des avancées à saluer
Or, pour le président de l’Ordre, face à ce constat, « le statu quo ne peut plus être tenu ». Entendez : il est temps que la profession infirmière évolue et que ses compétences soient reconnues. Un message que l’ONI s’est évertué à marteler tout au long de cette année électorale, réclamant des « réformes indispensables pour pérenniser le système de santé et garantir la montée en compétences » du métier. En formulant 66 propositions, portées à l’attention des candidats à la présidentielle, d’abord, puis en engageant des échanges bilatéraux avec le ministère de la Santé.
Et le fait est que l’année 2022 a été marquée par certaines avancées : « l’accord historique du CLIO pour ouvrir le transfert des actes médicaux vers les paramédicaux » pour favoriser, entre autres, le premier recours aux infirmiers, « l’extension des compétences vaccinales », actée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023, qui autorise les infirmiers à prescrire les vaccins, « l’expérimentation de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée pendant 3 ans sans prescription médicale, dans le cadre d’un exercice coordonné », la possibilité pour les infirmiers de réaliser les certificats de décès, ou encore « la préparation d’un rapport fixant un ratio entre soignants et résidents en EHPAD », a listé pêle-mêle Patrick Chamboredon. Autant de sujets que l’Ordre a défendu auprès des pouvoirs publics et qui tendent à confier plus de responsabilités à la profession.
Le décret infirmier, « mère de toutes les batailles » à venir
Et si l’heure est au bilan, il s’agit aussi de projeter les prochains combats que l’ONI entend mener au cours de l’année 2023. Celle-ci s’est déjà ouverte sur l’adoption en première lecture de la proposition de loi de Stéphanie Rist pour l’amélioration de l’accès aux soins, qui embarque l’accès direct aux IPA dans le cadre d’un exercice coordonné. La PPL a permis toutefois d’explorer d’autres pistes, a noté Patrick Chamboredon, tels que la mise en œuvre d’une pratique avancée praticienne ou spécialisée – sur laquelle le gouvernement a pour l’instant choisi de ne pas se positionner – ou encore l’adressage par les IPA vers les infirmiers conventionnés en établissement, sans adressage préalable par le médecin. Un amendement pourrait également viser à ouvrir aux infirmiers la permanence des soins, une avancée que l’Ordre appelle de ses vœux, toujours dans un souci d’amélioration de l’accès aux soins.
L’ambition de la réforme de la santé doit être à la hauteur des enjeux et ne doit plus être freinées par des lourdeurs administratives et des corporatismes d’un autre âge.
« Une nouvelle étape a été franchie à l’occasion des vœux d’Emmanuel Macron aux soignants », a-t-il également avancé, saluant la volonté du président d’augmenter l’offre de formation et de parvenir à fidéliser les jeunes infirmiers afin qu’ils restent en poste. Il se félicite des annonces relatives à la fin de la T2A et à la révision du temps partiel, mais surtout de celles promettant la possibilité pour les infirmiers de devenir les professionnels de santé référents pour les patients, que soit leur statut et leur mode d’exercice. « Ce sont des mesures que nous avons soutenues et que nous continuerons de soutenir » car elles sont doublement vertueuses. Elles apporteront des « réponses concrètes et efficaces aux patients », tout en offrant aux infirmiers des perspectives d’évolution, dont un concours direct aux missions de prévention, un champ du soin que le gouvernement s’est engagé à renforcer. « Nous serons vigilants sur l’écriture de ces réformes », a-t-il promis.
L’évolution des professions paramédicales est la solution pour lutter contre les inégalités territoriales de santé.
« L’évolution des professions paramédicales est la solution pour lutter contre les inégalités territoriales de santé » et l’Ordre s’assurera de l’efficacité et de la rapidité de la concrétisation de ces mesures. Avec en ligne de mire, la « mère de toutes les batailles » qui conditionnera les étapes de l’évolution de la profession : la révision du décret socle, qu’il est urgent d’actionner. « L’ambition pour la réforme de la santé doit être à la hauteur des enjeux et ne doit plus être freinées par des lourdeurs administratives et des corporatismes d’un autre âge, de moins en moins compris par la population et les jeunes médecins, avec lesquels nous collaborons de mieux en mieux », a-t-il conclu.
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