« En quelques heures de débat parlementaire, la transformation urgente de l’organisation des soins a été renvoyée à plus tard. Une fois de plus. Une fois de trop. » Dans une tribune publiée le 28 février dans Le Monde, huit présidents de syndicats de paramédicaux* et celui de France Assos Santé, association des usagers, s’insurgent face à une loi Rist, qui ouvre notamment l’accès direct aux infirmières de pratique avancée (IPA) aux kinés et orthophonistes, aurait été « vidée de son contenu initial ».
« C’est un coup d’épée dans l’eau », déplorent-ils. Le motif de la grogne : un accès restreint aux seules structures d’exercice coordonné, soit une disposition qui exclut les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pourtant bien mentionnées dans le texte initial mais évacuées lors de l’examen du texte au Sénat. Or ces structures d’exercice coordonné étant « peu nombreuses », la loi risque de « n’avoir aucun impact sur l’accès aux soins. Cela rendra les parcours de soins illisibles pour les patients et créera une rupture d’égalité pour les usagers. Les patients ne verront aucune amélioration », estime le collectif. Une aberration pour ces professionnels, qui rappellent que le vieillissement de la population va s’accélérer : un tiers de la population aura plus de 60 ans à la fin de la décennie. « Déjà, le vieillissement de la population et la transformation des besoins accentuent les difficultés d’accès aux soins liées à la crise des urgences hospitalières et aux déserts médicaux. »
"Utiliser pleinement les compétences de chacun"
Le rétropédalage effectué par les sénateurs est d’autant plus incompréhensible pour eux que le niveau de formation des paramédicaux « a augmenté de manière significative » ces dernières années. « Malgré cela, leurs compétences propres ne sont pas pleinement mobilisées, alors qu’ils sont capables de répondre à de nombreux besoins en améliorant souvent la rapidité de la prise en charge au bon niveau », s’indignent-ils. Dans un contexte de tensions démographiques chez les médecins, ils appellent à recentrer les ressources médicales sur les cas complexes et à pousser à la délégation « de tout ce qui peut l’être » aux professions paramédicales. « Tous, nous pensons que le médecin doit être le garant du parcours de soins du patient ; personne ne songe à le remplacer. Il s’agit seulement d’utiliser pleinement les compétences de chacun », martèlent-ils, arguant que cela permettrait de mieux répartir la charge entre les différents professionnels de santé. « Prolonger le statu quo n’est plus une option face aux retards de soins, à l’encombrement des urgences et au détournement des patients vers les "médecines alternatives" », alertent-ils.
* Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ; François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes ; David Boudet, président de la Fédération nationale des podologues ; Sarah Degiovani, présidente de la Fédération nationale des orthophonistes ; Luis Godinho, vice-président du syndicat des audioprothésistes ; Sébastien Guerard, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs ; Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers ; Mélanie Ordines, présidente du Syndicat national autonome des orthoptistes ; Gérard Raymond, président de France Assos Santé, l’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé.
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