« Le cap qui a été fixé par Emmanuel Macron le 6 janvier », lors de ses vœux aux soignants, « c’est de redonner du sens à tous les professionnels de santé », a rappelé Agnès Firmin le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, invitée du débat des Contrepoints de la Santé, le 23 février dernier. « Et l’objet de la refondation, c’est de refonder l’hôpital mais aussi la ville. » Car notre système de santé fonctionne sur « deux jambes », menacées par l’épuisement des professionnels de santé, « physiquement et psychiquement » essorés par la crise sanitaire. Une crise, signale-t-elle, qui est venue aggraver une autre crise structurelle du secteur de la santé et qui résulte d’une succession de « mini-crises » qui n’ont pas été traitées de manière adaptée. « Aujourd’hui, nous sommes dans le mur parce que, depuis de très nombreuses années, on a mis des rustines », regrette-t-elle. Or, ce sont désormais près de 6 millions de Français qui n'ont pas de médecin traitant, dont environ 650 000 atteints de maladies chroniques.
La réponse passera par un travail collectif
Dans ce contexte, et faisant écho aux propos du chef de l’État, la ministre a réaffirmé l’importance de « travailler ensemble ». « Comment, en tant que pouvoirs publics, pouvons-nous répondre aux besoins de santé de manière équitable ? C’est avec les professionnels de santé et les territoires, que nous allons construire ensemble cette réponse. » Malgré ses très lourdes conséquences, la crise sanitaire a permis de démontrer que les différentes professions de santé étaient capables de se coordonner sur le terrain pour prendre en charge les patients et a joué comme « accélérateur » dans le développement de la coopération.
Un discours qui, pour autant, se heurte actuellement aux tensions entre les médecins et les autres professions de santé, notamment autour de la proposition de loi de Stéphanie Rist pour l’amélioration de l’accès aux soins. Adopté à l’Assemblée nationale et au Sénat, le texte, qui autorise entre autre l’accès direct à certaines professions paramédicales dont les infirmiers en pratique avancée (IPA), provoque un tollé chez les représentants des généralistes. « Ces réactions sont excessives, d'un côté comme de l'autre », réagit Agnès Firmin le Bodo. « Le médecin traitant reste la pierre angulaire du système de santé. Mais à côté, nous avons d’autres professionnels de santé qui ont des compétences » à faire valoir. « Comment en faire profiter à un patient dans un parcours coordonné : c’est ça l’objet », poursuit-elle. Il faut dire que le contexte est particulier : celui des négociations entre généralistes et Assurance maladie qui, parce que les discussions ne répondent pas aux attentes des professionnels, tendent à raidir leur position. Celles-ci se sont depuis achevées, mardi 28 février, sur un échec ; Annick Morel, inspectrice générale des affaires sociales, a donc été désignée comme « arbitre » pour fixer les nouveaux tarifs.
Un « Tour de France des CPTS » annoncé
Pour autant, observe la ministre, « quand je vais sur les territoires,la coopération se fait naturellement. » Et de citer l’exemple des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui « fonctionnent très bien » et qui sanctuarisent « une certaine liberté d’action ». Leur généralisation est d’ailleurs prévue pour la fin de l’année, promet-elle. « On va s’en donner les moyens », déclare-t-elle, alors qu’un peu plus de 300 CPTS sont actuellement en activité, et 700 en cours de création. Un « Tour de France des CPTS » a été lancé à cet effet pour voir « si elles fonctionnent, comment elles fonctionnent, comment elles ont été construites, identifier les freins, encourager les territoires qui n’en ont pas encore. »
Si on s’engage dans ces métiers, c’est dans l’intérêt du patient ; et l’intérêt du patient, c’est que tout le monde travaille ensemble.
Faire appel à la « responsabilité collective »
Les territoires qui ont, d’ailleurs, tout un rôle à jouer dans l’organisation des soins en fonction des besoins exprimés, défend-elle. « Il faut s’adapter selon les problématiques de chaque territoire. Les déserts médicaux couvrent 87% de la France. Mais la réponse en Ile-de-France ne peut pas être appliquée à l’identique ailleurs ». D’où l’intérêt des Conseils nationaux de refondation (CNR) santé, où sont associés tous les acteurs de la santé et des territoires : hôpitaux, privés comme publics, collectivités territoriales, CPTS, EHPAD…, et qui doivent permettre de définir « un pacte territorial ». En ligne de mire, l’organisation de la permanence des soins, que la ministre souhaite partagée équitablement entre le public et le privé. « Il n’est pas normal que, dans le cadre des soins, ce soit toujours le public qui prenne en charge les gardes », déclare-t-elle. « Nous allons faire appel à la responsabilité collective. Lamine Gharbi, de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), y est très favorable. » Mais encore faut-il que « ça se construise » en commun. « Tout le monde a intérêt à travailler ensemble. Sur le plan purement professionnel, c’est intéressant de travailler avec d’autres professionnels. Et si on s’engage dans ces métiers, c’est dans l’intérêt du patient ; et l’intérêt du patient, c’est que tout le monde travaille ensemble. »
Selon le sondage BVA réalisé pour cet épisode des Contrepoints de la santé,
- 29% des Français ayant répondu considèrent qu’ils vivent déjà dans un désert médical, et 46% sur un territoire qui est en train de le devenir.
- 36% n’obtiennent pas de rendez-vous avec un médecin généraliste en moins d’une semaine, 11% en moins de 3 mois.
- 33% n’arrivent pas à avoir un rendez-vous avec un spécialiste en moins de 3 mois, et 66% en moins d’un mois.
- 91% souhaitent que les infirmiers soient mieux protégés et reconnus, contre 87% pour les médecins.
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