Quand on passe les larges portes vitrées, on se sent un peu comme à la maison. En mieux. Tout ici est pensé pour le confort : parquet au sol, beaux espaces, coussins, jolie lumière, grand parc paisible. «L'idée de la Maison de répit est d'accueillir des aidants et des aidés», explique Raphaëlle Jacquemont, infirmière et chef de service. Une «équipe mobile» (binôme composé d'un médecin, d'un infirmier, d'une assistante sociale ou d'une psychologue selon les visites) se déplace ainsi à domicile, «pour aller rencontrer les aidants et évaluer leurs besoins», qu'ils soient d'ordre administratifs (des conseils pour des dossiers, des tutelles), ou de repos («certains aidants, épuisés, nous appellent parce qu'ils portent un proche à bout de bras depuis 5 ans», confie Raphaëlle Jacquemont). «On fait vraiment un point très complet avec les familles. L'idée, c'est de tout faire pour que le domicile tienne», souligne-t-elle.
«On ne vient pas voir la personne qui est malade mais tout ce qui résonne autour», résume l'infirmière, qui insiste sur le principe original de ce dispositif : le soutien des familles, pour les aider à prendre des pauses et à repartir. «Parfois il s'agit de mettre en place un soutien à la maison, avec éventuellement des problématiques d'aménagement du domicile, ça peut être trouver un psychologue... On accompagne. Ou bien on programme des séjours à la Maison de répit».
La Maison de répit offre des moments aux aidants selon plusieurs «formules»: soit l'aidant est hébergé sur place avec son proche tandis que l'équipe soignante de la maison prend en charge l'ensemble des soins, soit seul l'aidé est hébergé et pris en charge tandis que son proche peut partir en vacances, ou tout simplement couper avec son quotidien et souffler.
Traitements, rythme et habitudes à la loupe
Pour assurer la prise en charge de la personne aidée, qui doit avoir entre zéro et soixante ans, l'équipe prend contact avec la famille afin de connaître à la fois ses traitements, ses besoins mais aussi, ses habitudes. «On a un rôle de relais des familles, donc on se plie au maximum au mode de vie de la maison», résume ainsi Adrien Bard, infirmier à plein temps dans ces murs. «Si la personne est habituée à se lever à 11h du matin, on ne va pas la lever à 7h. On se calque sur le rythme du domicile... ce qui implique beaucoup d'organisation».
Sécuriser les familles
Première étape : une visite à domicile permet d'évaluer finement les besoins. Béatrice Fouletier est infirmière à la fois sur l'équipe mobile et dans la maison. «En général, la personne commence d'abord par nous parler de son aidé, parce que la situation est souvent pesante pour elle. Il faut savoir laisser ce temps-là pour en venir à elle. On passe chez les gens entre une heure et une heure et demie. Après nous avoir partagé ce qu'ils vivent, ils nous expriment leurs besoins, qui sont très variés. Et en fonction de cela, on propose une visite de la maison, qui nous permet de prendre note de toutes les habitudes de vie de l'aidé avant de passer au premier accueil».
Prise en charge sur place
Pour résumer : ce qui peut être fait à domicile peut être fait à la Maison de répit. Une équipe de professionnels soignants est dédiée à cette prise en charge, parfois très technique.
Lors des accueils, les équipes refont le point avec l'aidant sur les médicaments, les besoins... Une enquête minutieuse qui constitue un gros travail de préparation de séjour, effectué par l'infirmière de coordination. S'assurer que les ordonnances soient à jour, que les médecins puissent re-prescrire les traitements, qu'il n'y ait pas eu de changements conséquents dans la prise en charge afin d'anticiper au mieux : rien n'est laissé au hasard.
Pendant le séjour, les équipes se laissent la possibilité de téléphoner aux proches à tout moment, «d'autant que de nombreux aidés ne communiquent pas, donc on a besoin de comprendre ce qu'ils expriment», rappelle Béatrice Fouletier. «L'approche de l'entourage a toujours été importante pour moi, confie l'infirmière qui exerce depuis 20 ans. A l'hôpital, on n'a pas du tout la même relation avec les familles. Ici, je me mets au service des aidants en leur demandant : qu'est-ce qui correspond le mieux à votre aidé ?»
«La plupart du temps, les aidants viennent uniquement pour passer le relais, mais une fois que c'est fait, on comprend bien qu'ils aient envie d'aller respirer un peu à l'extérieur, explique Raphaëlle Jacquemont. Malgré tout, de plus en plus de gens optent pour des séjours communs. Ou bien encore, les aidants viennent tout seuls pour se ressourcer. On propose même aujourd'hui des séances de bien-être (sophrologie, réflexologie plantaire, couture, estime de soi, ostéopathie...) pour les aider à se ressourcer.»
Seuls les salles de bain qui sont toutes adaptées ou encore les lits médicalisés et notre charriot de soin rappellent un peu l'hôpital. On est habillés en civil justement pour montrer qu'on n'est pas dans un milieu hospitalier.
Havre
Une fois le soin réalisé, les résidents, au lieu de rester en chambre sécurisée comme à l'hôpital, peuvent se retrouver dans «la salle de vie» . Des bénévoles sont là chaque matin et chaque soir pour créer du lien et insuffler un état d'esprit collectif. «Avec les enfants polyhandicapés, il s'agit surtout d'assurer une présence, de lire une histoire, de faire un jeu... L'idée c'est de pouvoir vivre des moments conviviaux (activités cuisines, jeux de société...), un peu comme dans une vraie maison».
L'ensemble de l'équipe consacre une part de son temps à cela. «On essaye de donner du temps aux enfants», glisse l'infirmière Béatrice Fouletier. «C'est vraiment une prise en charge globale. On essaye donc de rendre les journées agréables, au-delà de la prise en charge médicale. On s'adapte au maximum. On fait un petit jeu, ne serait-ce que de 5 minutes, on fait de petites balades dans le parc... C'est vraiment une collaboration de tout le monde qui fait que ça fonctionne». L'équipe est aidée en cela par la présence de deux « maîtresses de maison » qui se relaient pour proposer des ateliers, préparer les repas etc.
Réactivité
Pour que l'aidant se repose pleinement, il faut qu'il puisse être en confiance au sujet des soins apportés à son proche. L'infirmière coordinatrice intervient donc en amont du séjour, pendant le séjour et au moment du retour à domicile. «Comme on a beaucoup d'allées et venues d'aidants et d'aidés, mon rôle est d'accueillir la personne en toute sécurité, et donc de m'assurer que les équipes ont tout le matériel à disposition (faut-il commander un matelas anti-escarres ? Un appareil particulier ?), que le séjour est viable, de m'assurer que ça se passera bien avec les autres personnes qui sont accueillies dans le même temps, qu'on a bien tous les documents, tous les traitements et de faire le lien entre les différents partenaires si c'est nécessaire» , détaille Olivia Dufour, infirmière coordinatrice au sein de la maison depuis un an et auparavant infirmière dans les lieux. «On est très régulièrement en lien avec l'équipe mobile, ou avec les référents des patients».
«C'est un métier un peu caméléon mais c'est le cas de tout le personnel ici. Je peux aussi avoir des discussions avec les aidants directement bien sûr, pour avoir des retours et améliorer les choses, de séjour en séjour» , confie Olivia Dufour, à qui il arrive aussi de remplacer les absents dans la maison «pour garder les bons réflexes infirmiers. On n'oublie pas que la personne principale c'est l'aidant, donc il faut savoir être à l'écoute, observer», confie-t-elle.
Priorité à l'aidant qui présente une défaillance
«L'équipe mobile accompagne, en file active, environ 400 familles (des aidants qui sont susceptibles d'appeler). Parmi ces personnes, il y en a la moitié qui utilise régulièrement des séjours en tant qu'aidant. En 2021, par exemple, on a organisé quasiment 800 séjours», note Raphaëlle Jacquemont.
Les séjours doivent obligatoirement être réservés à l'avance (pour laisser le temps de l'organisation). «Une commission se réunit chaque semaine et s'occupe de prioriser les besoins des aidants mais également de la maison (parce qu'on ne peut pas avoir, au même moment, 10 personnes complètement polyhandicapées et dépendantes totales sur tous les axes de la vie quotidienne, ce n'est pas possible à 4 soignants matin et soir et 2 de nuit, on ne peut pas faire des miracles)», confie la chef de service qui rappelle que priorité est donnée à l'aidant qui présente une défaillance : «quand ce dernier doit être hospitalisé, qu'il s'est cassé la cheville, et que son proche malade a besoin d'être pris en charge».
Pour ces cas de figure, la Maison de répit fait preuve d'une très grande réactivité. «On a récemment eu le cas d'une dame qui a chuté à domicile. Sa fille dépendante a dans un premier temps été emmenée par les pompiers avec sa mère. Après une nuit à l'hôpital, l'ARS nous a mis en contact. Branle-bas de combat : dans la journée, on a appelé les infirmières libérales qui s'occupent de la jeune fille pour connaître un peu ses habitudes de vie, on s'est aussi mis en relation avec le médecin traitant pour connaître sa pathologie, son traitement et ses soins. On a pu l'accueillir le soir-même».
Des limites, la Maison en a tout de même : «Tout ce qui est troubles psychiatriques, tout ce qu'on appelle troubles du comportements qui engendrent des difficultés dans le collectif, avec des horaires fixes, avec une organisation... On n'est pas adaptés pour ce type de pathologies», reconnaît Raphaëlle Jacquemont.
Beaucoup de choses se font un peu à la carte, se construisent en fonction des familles.
Lorsqu'on a mis ce monsieur dans le lit-douche (balnéo), il a pleuré tellement il était heureux. Il n'avait pas eu l'occasion de prendre une vraie douche depuis plus d'un an.
Travail collectif
«On a la chance d'être une petite équipe, on se connaît tous très bien et on est soudés», remarque Adrien Bard. «On échange beaucoup, il n'y a pas un donneur d'ordres et des exécutants. Ce n'est pas parce qu'on est infirmier qu'on ne va pas faire une toilette, accompagner quelqu'un aux toilettes ou nettoyer une chambre : on fait tout. Il y a des tâches, bien sûr, qui incombent proprement aux infirmiers : l'administration des médicaments, la surveillance de l'état cutané... Et nous, infirmiers, on va être un peu plus vigilants au bien-être du résident. Il nous faut aussi être à l'écoute, notamment quand les gens ont besoin de vider leur sac».
La difficulté de ces métiers, de l'avis de tous : la charge mentale. «Il faut penser à tout, mais on vit tellement de beaux moments que ça compense complètement», assure Adrien Bard, qui se rappelle avoir accueilli un monsieur il y a peu de temps, en situation de handicap à la suite d'un accident. «Il n'avait pas eu l'occasion de prendre une vraie douche depuis plus d'un an. Lorsqu'on l'a mis dans le lit-douche (balnéo), il a pleuré tellement il était heureux. C'est ce genre de moments qu'on recherche ici. On a beaucoup de reconnaissance de la part des familles, on a le sentiment que notre travail est utile».
Pour tout savoir sur la Maison de Répit de la métropole de Lyon.
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