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APRÈS CRISE

Comment le Covid a impacté la vie des professionnels de santé

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Publié le 13/04/2023

Burn-out, sentiment d’être déconsidérés, surcharge de travail, creusement des inégalités… L’Organisation mondiale de la santé liste les conséquences néfastes et durables que la crise sanitaire a provoquées chez les professionnels de santé dans le monde.

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Les préjudices infligés aux professionnels de santé par la crise sanitaire sont d’ampleur et nécessitent de repenser la place qu’ils occupent au sein de nos sociétés ainsi que leur environnement de travail. C’est, en substance, les conclusions du rapport « Ce que révèle la pandémie de COVID-19 : les conclusions de cinq professions de santé mondiales », réalisé conjointement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Alliance mondiale des professions de santé (AMPS). S’appuyant sur les remontées des associations adhérentes aux 5 membres de l’AMPS, dont le Conseil international des infirmières (CII)*, il identifie une pluralité de facteurs qui ont durement et durablement atteints la santé physique et psychologique des professionnels de santé. Un travail de recherche essentiel, dans un contexte généralisé de fuite et d’épuisement des soignants, et de systèmes de santé sévèrement fragilisés. « La pandémie de Covid-19 a mis en avant un besoin urgent de protéger et sauvegarder les professionnels de santé », martèle-t-il, et notamment les infirmiers, envoyés en première ligne et donc particulièrement touchés.

Violence, burn-out et « traumatisme de masse »

Manque d’équipements de protection, difficultés d’accès dans certains pays aux programmes de vaccination, surcharge de travail, redéploiements ponctuels dans les services en tension… Les facteurs de souffrance psychologiques et physiques qui ont affecté les professionnels de santé sont nombreux.

70% des associations infirmières rapportent des incidents de violence ou de discrimination contre les soignants provoqués par la crise.

Les premiers mois de la pandémie, notamment, ont été particulièrement difficiles, entre méconnaissance du virus (mode de transmission, contagiosité…), changements permanents de politique en termes de gestion de crise et afflux de patients malades. « Le CII souligne que le risque d’exposition au virus, les longues amplitudes horaires de travail, la détresse psychologique, la fatigue, le burn-out, et les violences physiques et psychologiques sont à l’origine d’un état de stress chez les infirmiers », indique ainsi le rapport - 70% des associations infirmières rapportent des incidents de violence ou de discrimination contre les soignants provoqués par la crise.

Le manque d’équipements de protection, en plus de pousser les professionnels à craindre pour leur propre sécurité, leur a également donné le sentiment d’être sous-évalués.

En découle un « traumatisme de masse » au sein de cette profession, soumis de plus à l’obligation éthique de prendre soins des malades avant de prendre soin d’elle-même. À titre d’exemple, 80% des infirmiers en Espagne ont indiqué avoir souffert de symptômes d’anxiété ou avoir été victimes de burn-out. Le manque d’équipements de protection, en plus de pousser les professionnels à craindre pour leur propre sécurité, leur a également donné le sentiment d’être sous-évalués. Et ce d’autant plus qu’ils ne sont que très peu, voire pas du tout, représentés au sein des plus hauts niveaux d’organes de décision, alors même qu’ils sont perçus comme l’une des clés de voute de la reconstruction des systèmes de santé. En tout, selon le CII, 1,6 million de professionnels de santé à travers le monde aurait été infectés par le Covid-19, et entre 80 000 et 180 000 en seraient décédés, selon l’OMS ; des chiffres certainement sous-évalués du fait du manque de données fiables et consolidées.

90% des associations infirmières se disent préoccupées par la surcharge de travail imposée à leurs professionnels et par le manque de ressources.

Des conséquences durables et difficilement quantifiables

Les conséquences de ces facteurs conjoints sont désastreuses, poursuit le rapport. Alors que les projections pré-pandémie indiquaient déjà un déficit de 10 millions d’infirmiers, celui-ci pourrait désormais s’élever à 14 millions, toujours selon le CII. En cause, un épuisement qui provoque départs et absentéismes, qui viennent un peu plus grever les moyens humains et alourdir la charge de travail de ceux qui restent. 90% des associations infirmières membres du CII se disent ainsi préoccupées par la surcharge de travail imposée à leurs professionnels et par le manque de ressources. Autre cause d’inquiétude : l’augmentation des inégalités au sein d’une profession majoritairement féminine. « Le CII indique que les effectifs infirmiers sont composés à 90% par des femmes et que l’inégalité entre les sexes a été particulièrement mise en lumière », citant, entre autres, l’absence d’une juste rémunération et de conditions de travail décentes. Enfin, la crise a eu un autre impact dont les conséquences sont encore difficilement mesurables, à savoir de fortes perturbations sur la formation du fait de la fermeture des écoles et du report, voire de l’annulation, des stages.

Or le mal-être des professionnels de santé a un coût sur la santé publique : suspension de programmes de santé et de prévention (telle que surveillance de la consommation de tabac ou des violences domestiques), difficultés d’accès aux services de santé maternelle et/ou mentale… L’accès aux cabinets des dentistes, à titre d’exemple, a été restreint ou interdit par décret durant la pandémie dans la moitié des pays représentés au sein de la FDI (soit 38 sur 77). « Les conséquences réelles de la pandémie demeurent inconnues » et probablement très sous-évaluées en matière de mortalité et de morbidité, prévient ainsi le rapport.

Les professionnels de santé sont des acteurs clés des politiques de santé mondiales et sont les garants de l’accès aux soins, qui est un droit fondamental.

L’importance de guider l’action des pouvoirs publics

De leur étude, l’OMS et l’AMPS tirent un certain nombre de messages clés et de recommandations pour soutenir les professionnels de santé à travers le monde. Ils enjoignent ainsi les pouvoirs publics à édifier des politiques de santé mentale et de soutien psycho-social à destination des soignants, à multiplier les leviers de rétention des personnels (meilleures rémunération et conditions de travail, déploiement de la pratique avancée…) ou encore à développer des réglementations pour mieux les protéger et mieux préparer les prochaines crises sanitaires. Ils appellent également à les intégrer plus largement dans les prises de décisions, qu’elles soient nationales ou mondiales. « Les professionnels de santé continueront d’être vulnérables et de porter une responsabilité disproportionnée » dans la reconstruction des systèmes de santé à la suite de cette pandémie ou dans la prise en charge des futures crises, s’ils ne bénéficient pas « d’une représentation adéquate » au sein des instances dirigeantes. « Les professionnels de santé sont des acteurs clés des politiques de santé mondiales et sont les garants de l’accès aux soins, qui est un droit fondamental. Ils doivent être respectés et protégés », conclut le rapport.

Une pluralité de facteurs pris en compte
Pour réaliser leur rapport, l’OMS et l’AMPS ont déployé une approche holistique multipliant la nature des données recueillies : les facteurs psychologiques et de travail qui ont affecté les niveaux de mortalité et de morbidité (infections, accidents du travail, suicides…), les départs permanents ou ponctuels et leurs facteurs (surcharge de travail, difficulté face à la l’imprévisibilité de durée de la crise…), l’accès à la vaccination anti-Covid, ou encore les causes communes aux mouvements de protestations et de grèves observés dans le monde entier (essentiellement liés aux conditions de travail). Ces données ont ensuite permis d’identifier 4 thèmes pour classer les différents préjudices faits aux professionnels soignants, soit l’offre et la répartition des soins (pénuries, postes vacants, redéploiements…), la santé (burn-out, troubles psychiques), les conditions de travail (contrats de travail temporaires, grèves, violence et harcèlement…), et le bien-être social et au travail (stigmatisation et discrimination, soins apportés aux membres de la famille).

*Auquel s’ajoutent l’Association médicale mondiale (AMM), la Fédération Dentaire internationale (FDI), la Fédération internationale pharmaceutique (FIP), et World Physiotherapy, qui représentent 41 millions de professionnels, répartis dans 130 pays.



Source : infirmiers.com