Les cas de dépression ont connu un bond sans précédent après la crise sanitaire, notamment chez les jeunes de 18 à 24 ans, révèle une étude de Santé publique France publiée mardi 14 février. Cette hausse frappe toute la population, mais pour cette tranche d'âge, la proportion des épisodes dépressifs a quasiment doublé pour atteindre environ un jeune sur cinq parmi les personnes interrogées*. La dernière étude de cette envergure date de 2017.
L'impact majeur de la crise du Covid
Impossible, bien sûr, d'établir dans chaque cas un lien précis de cause à effet entre la crise du Covid et la survenue d'une dépression, d'autant que les causes de cette maladie obéissent toujours à de multiples facteurs. Malgré tout, «le stress causé par le virus du Covid-19 et les restrictions imposées pour le contrôler apparaît comme l'une des principales hypothèses explicatives de cette hausse», jugent les chercheurs.
Dans ce contexte, les jeunes se sont trouvés particulièrement fragilisés. Pour Antoine, 20 ans, c'est bien le premier confinement, décrété en mars 2020 et particulièrement strict, qui a joué un rôle dans l'aggravation de son état mental. «Mes symptômes, je les laissais à la maison», résume l'étudiant, qui connaissait déjà des symptômes typiques de la dépression -pleurs inexpliqués, idées suicidaires. Ceux-ci ont pourtant atteint une intensité intolérable lorsqu'il s'est trouvé dans l'impossibilité presque totale de sortir de chez ses parents, à Nice. «Avec le confinement, je me suis retrouvé coincé avec (mes symptômes)». Sans compter que la fermeture des universités et l'impossibilité d'entamer ses études à l'automne 2020 est venue encore aggraver les choses.
« Ça ne se rattrape pas»
«Est-ce que je vais avoir mon diplôme ? est-ce que je vais pouvoir suivre les cours ? Ce qui a beaucoup joué, c'est l'incertitude par rapport à l'avenir, qui a une dimension très importante à cet âge-là», avance ainsi Enguerrand du Roscoat, qui a cosigné l'étude et est spécialisé dans les questions de santé mentale au sein de Santé publique France. Le chercheur pointe aussi le sentiment d'irréversibilité : «Ce que vous vivez entre 18 et 24 ans sont des choses qui ne se rattrapent pas a priori». Le chercheur avance aussi d'autres hypothèses : la précarité financière, l'isolement dans des logements souvent minuscules, ainsi qu'une forme de culpabilité face à l'épidémie. «Les jeunes ont été un peu montrés du doigt comme voulant sortir, se contaminant d'avantage et constituant potentiellement un danger», rappelle-t-il.
Et les jeunes Français ne sont pas les seuls dans ce cas. Lundi 13 février, la principale agence sanitaire fédérale des Etats-Unis, CDC, a tiré la sonnette d'alarme face à des chiffres très préoccupants concernant la santé mentale des lycéens américains, en particulier des jeunes filles. Près d'un tiers d'entre elles (30%) a sérieusement envisagé de se suicider en 2021 (contre 19% en 2011).
* Ce travail, réalisé à partir de questionnaires auprès d'environ 25 000 Français sélectionnés aléatoirement, a mesuré la fréquence des épisodes dépressifs au sein de la population en 2021.
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