Dans la rue comme sur les réseaux sociaux, les esprits s’échauffent. Amendée et adoptée à l’Assemblée nationale le 19 janvier dernier, la proposition de loi Rist (PPL Rist) prévoit notamment d’ouvrir la primo-prescription aux infirmiers en pratique avancée (IPA) sur certains produits et la création de deux statuts : IPA « spécialisés » et IPA « praticiens », la mission de ces derniers pouvant être de prendre en charge les pathologies identifiées comme bénignes.
Par ailleurs, un article du texte autorise les infirmiers en exercice coordonné à prendre en charge la prévention et le traitement de plaies, mais aussi à prescrire des examens complémentaires et des produits de santé. Dans les deux cas, examens et produits doivent encore être définis par décret. L’exercice des professionnels paramédicaux demeurerait néanmoins encadré par les médecins. Enfin, la loi Rist entend faire contribuer infirmiers, sages-femmes et chirurgiens-dentistes à la permanence des soins dans les établissements. Or si le texte représente une avancée pour les paramédicaux, chez les médecins, l’opposition demeure très forte et dénonce une « médecine à deux vitesses. »
Un premier pas vers la réforme nécessaire du système de santé au bénéfice des patients, en renforçant le rôle des infirmiers de pratique avancée et en ouvrant la porte à l'évolution de l'ensemble de la profession infirmière
Une évolution très attendue pour les infirmiers
L’Ordre national des infirmiers (ONI) soutient la proposition de loi, « car elle constitue un premier pas vers la réforme nécessaire du système de santé au bénéfice des patients, en renforçant le rôle des infirmiers de pratique avancée et en ouvrant la porte à l'évolution de l'ensemble de la profession infirmière », réagit l’’instance dans un communiqué. Le dispositif, rappelle-t-il, intègre bien les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), garantes de la coopération entre les différentes professions de santé. Surtout, à terme, le texte entend bien démontrer que tous les infirmiers ont vocation à intégrer la pratique avancée, dans le respect et la reconnaissance de leurs compétences et de leur pratique. « Il ne faut pas reculer dans la réforme mais au contraire aller plus loin en rendant effectifs les partages des tâches entre les médecins et les professionnels paramédicaux, et en favorisant l'accès direct à ceux-ci », défend l’Ordre. Et ce d’autant plus que la population semble prête à intégrer ces transformations : à l’heure où 6 millions d’entre eux n’ont pas de médecin traitant et où les déserts médicaux ne cessent de s’étendre, 84% des Français se disent favorables au partage des tâches entre les médecins et les autres professionnels de santé.
Il ne faut pas reculer dans la réforme mais au contraire aller plus loin en rendant effectifs les partages des tâches entre les médecins et les professionnels paramédicaux.
Les infirmiers peuvent d’ailleurs compter sur le soutien de l’Association des maires de France (AMF). « Considérant les tensions grandissantes en termes d’accès aux soins, l’AMF est convaincue de la nécessité d’adopter des mesures urgentes et immédiates pour faciliter l’accès aux soins des citoyens », affirme-t-elle dans un communiqué. Le projet de loi Rist permettra, selon elle, de dégager du temps médical via la délégation de tâches et de partager collectivement la responsabilité de la permanence des soins entre l’ensemble des acteurs de santé. Et le tout en sécurité puisque le médecin « reste au cœur de cette nouvelle organisation ».
Contestation violente et appel à la grève des médecins libéraux
Mais que ce soit chez les infirmiers ou les médecins traitants, le texte ne fait pas l’unanimité. Le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) déplore ainsi une loi qui « restreint déjà l’accès direct aux seuls IPA, au lieu d’élargir à la profession infirmière » et dont les amendements condamnent la profession infirmière à demeurer sous le « joug » des médecins.
Mais c’est évidemment du côté de ces derniers que l’opposition est la plus virulente. Les libéraux ont ainsi été appelés à la grève ce mardi 14 février pour réclamer, outre une augmentation des tarifs des consultations, le rejet du projet de loi. Quand Agnès Giannoti, présidente de MG France, dénonce un texte qui contraindrait les professionnels de santé « à travailler en silo », omettant de rappeler qu'il prévoit la production obligatoire de comptes-rendus et de bilans devant être systématiquement adressés au médecin traitant, le collectif Médecins pour demain se mobilise autour des slogans « Pas de médecine sans médecin » et « #MedecinSansRist ». « Des officiers de santé pour les pauvres et de vrais médecins pour les riches ? Moi vivant, cela n’arrivera jamais », grondait par ailleurs Franck Devulder, président de la Confédération des syndicaux médicaux français dans Libération.
Devant cette levée de boucliers, le SNIIL, notamment, « appelle à la responsabilité des professionnels de santé, pour dépasser les corporatismes ainsi que des législateurs pour avoir le courage d’assurer les réformes qui permettent l’accès aux soins des Français ». Les besoins de santé de la population ne doivent pas être relégués au second plan et obligent les professionnels à travailler en bonne intelligence, défend-il. Sur les réseaux sociaux, a été lancé le ##InfirmiersPasTroufions, en réponse aux propos tenus le 17 janvier dernier sur France Info par Julien Sibour, généraliste dans les Bouches-du-Rhône et porte-parole du collectif Médecins pour demain. Toute la journée, les infirmiers sont appelés à se mobiliser autour de ce # pour soutenir la profession en attendant le vote des Sénateurs.
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