Pensé comme un guide, l’article, publié dans le numéro de septembre de l’American Journal of Nursing (AJN, voir encadré), identifie les voies, les recours possibles des infirmiers qui souhaitent peser plus largement auprès des décideurs politiques. Car, « parce qu’ils sont présents en première ligne des systèmes de santé, le besoin d’un engagement actif des infirmiers en politique n’a jamais été aussi urgent », insistent ses auteurs. « De nombreux rapports nationaux et internationaux les appellent à mener des changements de politique. » L’Organisation mondiale de la santé (OMS) dispose depuis 2017 d’un poste d’infirmière-administrative en chef, preuve de l’importance de la profession dans l’élaboration des politiques de santé au plus haut niveau.
Un lien de proximité avec les patients à faire valoir
Les infirmiers, parce qu’ils interviennent au plus près des patients, sont les mieux placés pour identifier les questions de santé qui nécessitent un changement de paradigme ou de gouvernance. « Ils se soucient d’une variété de problématiques, comme la pénurie de soignants, la qualité des soins délivrés aux patients, la sécurité du lieu de travail, les faits de violence, la télésanté, l’épidémie d’opioïdes, le racisme, la justice sociale, et les pratiques liées à leur spécialité », listent ainsi les auteurs.
Les infirmiers pensent souvent que l’action politique est synonyme d’élaboration de politiques publiques.
Nombreux sont les travaux, notamment anglo-saxons, qui insistent sur l’importance du rôle des infirmiers dans le maintien en bonne santé des populations, en particulier dans le cadre de la mise en place de la couverture sanitaire universelle. De leur « savoir unique » des besoins en soins des patients dont ils disposent découle une responsabilité à défendre l’amélioration de la santé : en promouvant la justice sociale, en défendant les politiques qui tentent de résoudre les facteurs et déterminants d’inégalité en santé, en assumant un certain leadership et en s’’impliquant dans la gouvernance. Car c’est d’elle que proviennent les protocoles, les régulations, les normes et lignes budgétaires qui viennent cadrer la pratique infirmière.
Trop de barrières limitent encore l’implication des infirmiers
Or, bien souvent, les infirmiers hésitent, voire refusent, de s’y impliquer, regrettent ses auteurs. « Les infirmiers pensent souvent que l’action politique est synonyme d’élaboration de politiques publiques », constatent-ils. Or, si la politique publique se développe bien dans les arènes gouvernementales, au niveau des décideurs politiques, il n’en est pas nécessairement de même pour la gouvernance. Par ce terme, on entend les actions définies par des organisations gouvernementales ou non gouvernementales, qui peuvent certes inclure des lignes directrices, des processus budgétaires, des réglementations, mais aussi procédures ou protocoles, plus proches du terrain. Elle « s’infiltre dans tous les aspects de la pratique professionnelle et n’est pas limitée à l’élaboration des politiques », expliquent-ils. « Les soins de santé, comme les soins infirmiers, sont réglementés par une myriade de politiques, et les infirmiers sont tenus de s’emparer des problématiques de gouvernance associées à la prise en charge des patients et aux pratiques professionnelles. »
Il faut dire qu’au-delà de leur seule motivation les infirmiers sont aussi souvent confrontés à de nombreuses barrières, qui limitent leur implication : dynamiques de pouvoir inter et intra-professionnelles, marginalisation, tendance à assumer des rôles passifs ou encore tout simplement manque de connaissances ou de préparation. Aussi, comme le souligne l’article, si « les infirmiers devraient être prêts à prendre la parole et à s’impliquer dans les processus de gouvernance », ils en sont très souvent empêchés.
Quels leviers d’action pour les infirmiers ?
Une fois ce constat posé, comment inciter et favoriser l’implication de ces professionnels dans l’élaboration des politiques publiques et leur mise en application ? C’est tout l’objet de ce guide, qui propose des pistes en fonction de 3 dimensions : l’engagement, le partenariat, et la portée. Elles-mêmes sont déclinées en trois niveaux d’intervention, auxquels correspondent des leviers d’action. L’engagement se divise ainsi entre la littéracie – soit « la capacité à acquérir, comprendre, intégrer et diffuser » des processus politiques et qui suppose donc une compréhension des règles et réglementations gouvernementales, des standards de pratique ou des politiques organisationnelles –, le plaidoyer, « l’action ou la procédure de plaider pour, défendre ou recommander une cause ou une ligne de conduite », et la capacité d’influencer les politiques. Les auteurs listent la mise à jour des connaissances en termes de réglementation, l’implication dans une organisation professionnelle ou encore la diffusion d’informations sur les réseaux sociaux comme actions possibles.
Les clés du partenariat
Le partenariat, lui, repose, du plus proche du terrain au plus éloigné, sur le groupe ou la communauté, tel un groupe dédié à l’accompagnement des familles en proie à un deuil périnatal qui développe des processus spécifiques pour améliorer la prise en charge, l’équipe interdisciplinaire, et, à plus large échelle, les coalitions. Celles-ci « représentent le niveau le plus complexe du partenariat ainsi qu’une stratégie efficiente pour renforcer l’action de plaidoyer et faire avancer le développement de nouvelles politiques. » C’est le cas notamment du SIDIIEF, qui a accueilli récemment deux Français dans son Conseil d’administration, ou du Conseil international des infirmières, qui a développé un programme de formation au leadership infirmier. Les professionnels qui s’impliquent dans ce type d’organisations peuvent ainsi devenir mentors, apporter les contributions issues de leur exercice dans un contexte pluridisciplinaire, ou, au plus haut degré d’implication, porter la parole d’une coalition auprès des décideurs.
Les infirmiers peuvent et doivent s’impliquer dans la gouvernance.
Viser à plus longue portée
Enfin, la portée comprend les actions pour améliorer les résultats cliniques aux échelles locale, régionale, nationale/mondiale. Les politiques définies au niveau local ou régional en partant d’une problématique identifiée sur le terrain peuvent ainsi avoir « un effet sur le long terme sur la santé d’une communauté et peuvent servir d’impulsion à une action plus large. » À l’échelle nationale et mondiale, l’élaboration des politiques et réglementations échappe certes plus aux professionnels de santé, mais ceux-ci ont toujours la possibilité de « s’engager activement dans des efforts collectifs organisés afin d’amplifier leur impact », en témoignant notamment des difficultés ou réussites rencontrées sur le terrain à la suite d’un changement de politique.
« Les infirmiers peuvent et doivent s’impliquer dans la gouvernance », conclut l’article, qui rappelle les propos de Pamela Cipriano, la présidente du CII : l’implication politique est essentielle pour « faire passer les infirmiers d’invisibles à acteurs incontournables dans l’esprit des décideurs, du public et de tous ceux qui prennent les décisions qui affectent la délivrance et le financement des soins de santé », avait-elle ainsi déclaré à l’occasion de la journée internationale des infirmiers en 2023.
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