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CROYANCES

Procréation Médicalement Assistée et religions : donner la vie et respecter la dignité de l’enfant

Publié le 16/11/2021
Procréation Médicalement Assistée et religions

Procréation Médicalement Assistée et religions

Bible et Coran expriment l’un et l’autre la douleur liée à la difficulté d’enfanter en contant l’histoire de Sarah, épouse d’Abraham, et de bien d’autres femmes, qui ne peuvent donner une descendance à leurs époux. De nos jours, la médecine propose aux couples stériles la Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour vivre le bonheur d’être parents. Néanmoins, les religions émettent des réserves, voire des réticentes, à son encontre.

Le plus souvent considérée comme un recours ultime à l’absence d’enfant au sein du couple, la PMA est strictement conditionnée par les trois grandes religions monothéistes

Les textes sacrés des trois religions monothéistes - judaïsme, christianisme, islam - prônent la procréation comme le but majeur de l’union physique intraconjugale d’un homme et d’une femme. Croissez et multipliez et remplissez la terre (Genèse 1, 28). La Torah, soit les cinq premiers livres de la Bible, rappelle plusieurs fois ce commandement de procréer, le premier des 613 que Dieu donna à Adam et Eve (1). Les couples croyants frappés par la stérilité ressentent leur incapacité à remplir leur devoir de procréation telle une sanction divine pour une faute commise par le passé (2) ou une épreuve pour éprouver leur foi.

Mariage et procréation

Si aucune religion ne s’oppose au mariage d’un homme et d’une femme ayant dépassé l’âge de procréer ou d’un couple stérile, Tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie (3) lorsque la nature l’accorde aux époux.

La Thora propose à un couple de divorcer après dix ans de mariage infécond, une option offerte au conjoint non stérile de fonder une famille dans le cadre d’un autre mariage. Ceci n’est aucunement un impératif à suivre.

Selon le catholicisme, Même quand la procréation n’est pas possible, la vie conjugale ne perd pas pour autant sa valeur, selon le pape Jean-Paul II. La stérilité physique peut être l’occasion pour les époux de rendre d’autres services importants à la vie des personnes humaines, comme l’adoption, les formes diverses d’œuvres éducatives, l’aide à d’autres familles, aux enfants pauvres ou handicapés.

Les trois religions se reconnaissent dans ses propos, même si le Coran émet une réserve vis-à-vis de l’adoption : Dieu ne fait vos fils de ceux que vous adoptez (33, 4). L’islam lui préfère la kafala. Cette procédure permet à un adulte, stérile ou non, de se voir confier la garde d’un mineur jusqu’à sa majorité suite à son abandon ou à un accord passé avec ses parents biologiques pourvus d’une importante descendance. Conformément aux recommandations coraniques (33, 5), l’enfant conservera (si possible) le patronyme de son père biologique afin de préserver sa filiation légitime et son héritage lorsqu’il aura atteint l’âge adulte.

La PMA sous conditions

Des couples stériles désireront bénéficier d’une PMA. Si toutes les religions, très attachées à la structure traditionnelle de la famille, exigent qu’ils soient mariés et hétérosexuels, leurs positions divergent dans leur suivi médical.

Si les différents courants de l’islam sont plus ou moins conservateurs envers les perspectives offertes par la PMA, la plupart des Églises protestantes laissent la liberté de choix entre les différentes techniques d’aide médicale à la procréation, certaines acceptant l’insémination artificielle avec donneur lorsque cela est nécessaire. L’Église orthodoxe rejette la plupart des techniques de PMA et n’autorise aucune manipulation sur l’embryon. Quant à l’Église catholique, elle s’est longuement exprimée à ce sujet par la voix de ses évêques : La procréation ne doit pas être l’objet d’une volonté à tout prix mais le fruit du désir d’accueillir. Aucune volonté d’avoir un enfant ni aucune souffrance relative au désir d’enfant ne peuvent légitimer des procédés de fécondation et de gestation qui s’apparenteraient à une fabrication, une marchandisation ou une instrumentalisation d’un être humain au service d’autres êtres humains, ou encore au service de la science ou de la société. En d’autres termes, l’Eglise catholique s’oppose à la GPA. Pour Monseigneur Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des Évêques de France, La première question qu’il faut se poser, c’est si la dignité de l’enfant est respectée dans le processus de la PMA. Autrement dit, pour l’Église, un bébé doit être le fruit de la relation sexuelle d’un couple marié et non d’une manipulation en laboratoire.

Quant au judaïsme, La principale objection halakhique (4) à la PMA réside dans la transgression majeure et incontournable qu’elle implique : celle dite de “l’émission de semence en vain”, c’est-à-dire le fait pour un homme d’éjaculer en dehors d’un rapport sexuel. Les gamètes mâles sont considérés par la Halakha comme sacrés parce que potentiellement créateurs de vie. Néanmoins, Les décisionnaires contemporains […], majoritairement, autorisent la PMA lorsqu’il n’y a pas d’autre alternative en prenant en considération la peine et le désespoir que fait régner cette attente au sein du couple, voire le risque de sa séparation. Certaines autorités rabbiniques s’appuient même sur des textes qui comparent celui qui n’a pas d’enfants à un mort ; la PMA devient alors un moyen de sauver une vie, ce qui dans la Loi juive est un impératif supérieur qui justifie la transgression de tous les commandements, à l’exception des trois péchés capitaux que sont l’idolâtrie, certaines transgressions sexuelles (inceste, adultère) et le meurtre. (5)

Insémination artificielle ou fécondation in vitro ?

La Conférence des évêques de France recommande de privilégier l’insémination artificielle à la FIV (6), technique la plus proche de la nature est le plus à même de respecter la dignité de l’enfant tout en excluant le recours au don de gamètes comme à la fertilisation in vitro car elle implique le diagnostic préimplantatoire, soit l’élimination volontaire d’un nombre conséquent d’embryons porteurs d’éventuelles anomalies sans oublier la difficile question du devenir des ovules fécondés surnuméraires. Leur destruction comme leur utilisation pour la recherche scientifique (7) ne sont pas envisageables pour le catholicisme.
 
L’insémination artificielle avec le sperme du conjoint (IAC), technique qui se rapproche le plus du rapport sexuel puisqu’elle consiste à placer les spermatozoïdes préalablement sélectionnés dans l’utérus, est préférée à la fécondation in vitro (FIV) qui requiert plusieurs étapes, depuis la stimulation ovarienne jusqu’au transfert embryonnaire. […] Aujourd’hui, la plupart des décisionnaires autorisent la FIV […] si l’insémination artificielle s’avère infructueuse. Comme préciser par le rabbin Azoulay, l’autorisation préalable d’un rabbin décisionnaire est nécessaire, il la délivrera après un échange raisonné avec le couple. Le recours à la PMA sera vécu en conscience.

Diagnostic préimplantatoire et don de gamètes

Le judaïsme ne s’oppose pas au diagnostic préimplantatoire en vue de déceler d’éventuelles anomalies chromosomiques ou pathologies graves, l’embryon extra-utéro n’étant pas considéré comme un être vivant. Si la question des embryons surnuméraires n’est pas un problème pour leur devenir, l’autoconservation ovocytaire non plus : la loi israélienne l’autorise jusqu’à l’âge de 45 ans. Quant aux femmes de plus de 33 ans, elles sont encouragées à procéder à la congélation de leurs ovocytes pour éviter tout recours à éventuel don de gamètes.

La loi musulmane s’apparente à la loi juive, exception faite de l’autorisation préalable d’un imam, non requise pour entreprendre une demande de PMA. Elle autorise le diagnostic préimplantatoire à stricte visée thérapeutique comme la congélation des embryons et des ovocytes, à condition que le couple soit assuré qu’embryons ou ovocytes ne soient pas mélangés à d’autres et qu’ils seront détruits en cas de divorce.

Les trois religions monothéistes s’opposent au don de gamètes (spermatozoïdes ou ovocytes). Celui-ci remettrait en cause la filiation de l’enfant à naître (8) et le risque d’inceste involontaire un jour à venir.  En revanche, si l’islam et le christianisme interdisent formellement le recours à une mère porteuse (GPA), le judaïsme l’autorise sous certaines conditions : la mère porteuse doit être non-mariée (célibataire, divorcée ou veuve) et avoir déjà au moins un enfant et avoir la même religion que la mère qui élèvera l’enfant ; les parents doivent être mariés religieusement pour que l'enfant soit reconnu comme juif...

Les trois religions monothéistes privilégient le respect de la dignité de l’enfant dans toute démarche de procréation médicalement assistée d’un couple stérile, soucieuses de son développement psychologique et sociétal à tous les âges de la vie. Ceci explique les réserves énoncées précédemment sur certaines techniques proposées.

Isabelle Levy, conférencière - consultante spécialisée en cultures et croyances face à la santé, elle est l’auteur de nombreux ouvrages autour de cette thématique. @LEVYIsabelle2

Notes

  1. À ne pas confondre avec les dix commandements donnés plus tard à Moïse.
  2. Rupture d’un interdit cultuel par exemple.
  3. Lettre encyclique du pape Paul VI1 sur la transmission de la vie.
  4. Loi juive.
  5. Éthiques du judaïsme : Modes de reproduction, fin de vie, dons d’organes, intelligence artificielle, Michaël Azoulay, La maison d’édition, 2019.
  6. 1978, au Royaume-Uni, nait Louise Brown, premier enfant conçu par FIV. 1982, naissance d’Amandine, premier bébé éprouvette français.
  7. Cellules souches, par exemple.
  8. Cela implique le droit de connaître ses origines biologiques.

Pour en savoir plus

  • Guide des rites, cultures et croyances à l’usage des soignants, Vuibert/Estem, 2013
  • Connaître et comprendre le judaïsme, le christianisme et l’islam, Le Passeur Editeur, 2021

Source : infirmiers.com