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Migraine chez l’enfant, une maladie chronique encore mal diagnostiquée

Publié le 13/09/2022

Déjà méconnue de manière générale, la migraine qui touche les enfants est encore plus sous-estimée. Or, si ses symptômes diffèrent de celle de l’adulte, elle s’avère tout aussi handicapante au quotidien.

Les manifestations de la migraine chez les enfants ne ressemblent pas à celles de l'adulte.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, elle est la seconde maladie la plus invalidante dans le monde. La migraine toucherait 10 millions de Français, dont 1 million de migraineux chroniques, avec son lot de conséquences sur la vie personnelle et professionnelle. Et elle n’épargne pas non plus les enfants, qui présentent toutefois des symptômes différents de ceux exprimés par les adultes. En amont de son prochain Sommet, qui se tiendra le 17 septembre, dont la migraine de l’enfant sera l’un des thèmes principaux, l’association La Voix des Migraineux en rappelle les spécificités.

Des impacts sociaux majeurs

Un enfant sur 10, soit 5 à 10% de cette catégorie de population, serait ainsi atteint de cette maladie chronique. Avant la puberté, on constate qu’elle touche autant de petites filles que de petits garçons, note le Dr. Anne Donnet, neurologue et spécialiste des migraines et céphalées. Alors qu’une fois adultes, les femmes sont plus touchées que les hommes (de l’ordre de 3 pour 1), ce qui tend à démontrer le rôle des hormones dans le développement de la migraine. Or, comme pour les adultes, dont elle affecte grandement le quotidien et la productivité, aussi bien au travail que dans la réalisation des tâches ménagères, la maladie a d’importants impacts négatifs sur la vie sociale et scolaire des plus jeunes, en particulier chez les migraineux chroniques.

La migraine a tout de suite bouleversé mon quotidien, témoigne Maïwenn Colléaux, migraineuse chronique qui, à 18 ans, a déjà connu 4 hospitalisations liées à sa maladie. Quand j’étais en crise, je ne sortais plus, ma vie sociale s’arrêtait, je ne pouvais plus aller à l’école, je ne voyais plus que mes parents, et je restais alitée. Une situation d’autant plus compliquée que les enfants atteints de migraine se heurtent aux interrogations et à l’incompréhension des autres. Je me sentais nécessairement différente des autres enfants, qui ne comprenaient pas bien ma souffrance, et pour qui je ne souffrais que d’un simple mal de tête, se remémore-t-elle. Si Maïwenn a finalement pu passer son baccalauréat en juin 2022, c’est notamment grâce à son intégration dans un centre médical, qui lui a permis d’être plus et mieux encadrée.

Des manifestations cliniques qui compliquent le diagnostic

Car la migraine de l’enfant est encore plus méconnue que celle de l’adulte, elle-même déjà peu considérée . Elle l’est d’autant plus que ses symptômes en période de crise diffèrent souvent de ceux présentés par les adultes. Les crises, en premier lieu, sont plus courtes, explique Anne Donnet. Elles ne durent parfois que deux heures et ne sont donc souvent pas prises au sérieux, car les enfants peuvent rapidement reprendre leurs activités, détaille-t-elle, précisant qu’un court sommeil réparateur (entre 30 minutes et 1 heure) suffit à faire passer la crise. Du côté des présentations cliniques, la douleur ressentie n’est pas identique, celle-ci tendant plutôt à être bi-frontale chez les plus jeunes, quand elle est unilatérale chez les adultes. Et chez les enfants, la migraine se manifeste par des symptômes spécifiques, à commencer par des troubles gastro-intestinaux, se traduisant parfois par des vomissements cycliques (avec une périodicité prévisible) et une pâleur importante. Elle peut également se traduire par une migraine abdominale, un torticolis… Peuvent enfin s’y ajouter des auras majoritairement visuelles, mais aussi confusionnelles, celles-ci s’accompagnant de vertiges ou du syndrome d’Alice au pays des merveilles*. Soit autant de phénomènes cliniques qui compliquent un peu plus le diagnostic.

Un enfant migraineux ne deviendra pas forcément un adulte migraineux.

Dans le cas de Maïwenn, c’est notamment la pâleur qui a alerté sa mère, elle-même atteinte de la maladie : C'est parce que j'étais moi-même migraineuse que j'ai pu diagnostiquer la maladie de ma fille, relate Karine Colléaux. Comme chez l’adulte, la migraine peut donc s’avérer particulièrement handicapante. 50% des enfants migraineux souffrent de plus d’une crise par mois, et 78% présentent une intensité de crise modérée à sévère. 40% présentent des nausées ou des vomissements, tandis que 33% évoquent des douleurs abdominales. Chez les adolescents migraineux, la présentation de la pathologie rejoint la sémiologie de celle de l’adulte, note toutefois Anne Donnet. Un enfant migraineux ne deviendra pas forcément un adulte migraineux, ajoute-t-elle. La persistance de la migraine concerne ainsi 42% d’entre eux, tandis que 38,2% présentent une rémission. 20% de ces enfants voient leur migraine évoluer en céphalée tensive. Enfin, dans le cas d’une évolution chronique de la migraine, la neurologue liste un certain nombre de facteurs déterminants : événements biographiques pourvoyeurs de stress (divorce, conflits familiaux, problèmes de santé des parents, violences intrafamiliales…), abus médicamenteux…

Des parcours de soins très compliqués
La Voix des Migraineux a lancé, en partenariat avec la plateforme Moi Patient, une étude afin de mieux connaître le vécu des migraineux et leur expérience patient. L’étude a réuni 683 répondants, dont 92% femmes, avec un âge moyen de 42 ans.
•    L’âge moyen d’apparition des symptômes est de 16 ans, avec un diagnostic posé à 23 ans.
•    Le délai entre les premiers symptômes et le diagnostic est de 7,5 ans.
•    Le diagnostic est réalisé à 51,5% par un médecin généraliste, et à 42,4% par un neurologue.
•    43,9% des patients ne reçoivent pas d’information sur la migraine lors de la pose du diagnostic.
•    En moyenne, les migraineux voient 3 professionnels de santé par an.
•    22% des patients considèrent que les professionnels de santé sont bien informés, et 49,8% d’entre estiment qu’ils sont bien traitants.
•    76% des patients déclarent avoir souffert d’au moins un effet indésirable dû au traitement dans l’année écoulée : trouble de la concentration (73,4%), de la mémoire (58%), du sommeil (58%), ou encore dépression (37%).
•    Pour 92% d’entre eux, la migraine a un impact jugé majeur sur leur vie quotidienne.

Des réponses souvent inadaptées

Quant aux traitements autorisés en France, ils ne sont pas destinés à l’origine à la migraine et ne font pas toujours la preuve de leur efficacité. Dans le traitement de la crise, on commence par utiliser du paracétamol, indique le Dr Donnet. Puis on en arrive assez rapidement aux anti-inflammatoires. Viennent ensuite les triptans, des traitements spécifiques à la crise, autorisés en France à partir de 12 ans. Maïwenn Colléaux, elle, a tout essayé mais demeure résistante à tout traitement. Au début de chaque essai [d’un nouveau traitement], celui-ci va fonctionner un court laps de temps. Mais il ne fonctionne plus dès que la prise devient régulière, témoigne-t-elle. Même les triptans, qu’elle n’a pu commencer à prendre qu’à partir de 16 ans. Elle a aussi eu recours à certaines alternatives non-médicamenteuses : hypnothérapie, auto-hypnose, équithérapie. Si elles l’apaisent sur le moment, elles ne fonctionnent toutefois pas sur le long terme. Quand je suis en crise, je ne prends rien, j’attends que ça passe.

Des professionnels de santé insuffisamment formés

Parallèlement, les professionnels de santé ne sont pas assez formés au diagnostic de la migraine. Il y a une grande méconnaissance de la migraine chez les professionnels de santé, ce qui complique l’inclusion des patients dans des parcours de soins adaptés, déplore Sabine Debremaeker, présidente de La Voix des Migraineux. L’association soumet ainsi plusieurs pistes pour améliorer la prise en charge : création de services labellisés "migraine", liste des professionnels expérimentés ou possédant un DU spécialisé afin de faire un état des lieux des moyens et ressources disponibles et améliorer leur organisation, formation des professionnels, ou encore lancement d’une enquête nationale sur le fardeau économique réel que représente la migraine afin de sensibiliser les pouvoirs publics. De manière plus concrète, Anne Donnet recommande, lors de la première consultation, et ce pour un adulte ou un enfant, de retracer l’historique de la migraine, de prendre le temps d’expliquer le diagnostic au patient, et de lui faire tenir un agenda de ses crises pour évaluer l’intérêt de la mise en place d’un traitement de fond. 

* Trouble neurologique qui entraîne une modification de la perception de l'espace, du temps et du corps.

Journaliste audrey.parvais@gpsante.fr


Source : infirmiers.com