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Développement de l’enfant : les recommandations de la Commission "1000 premiers jours"

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Publié le 17/05/2021

Comment mieux prendre en charge les 1 000 jours d’un enfant afin de lui assurer le meilleur développement possible ? C’est la question sur laquelle s’est penchée la Commission « 1 000 premiers jours » initiée par le gouvernement, et dont Adrien Taquet a présenté les conclusions et les recommandations lors d’un webinaire organisé par la FHF.

C’est en septembre 2019 qu’a été lancée la Commission « 1 000 premiers jours », qui regroupe en tout 18 spécialistes de la natalité (cliniciens spécialistes de la grossesse, sages-femmes, spécialistes de l’éducation…) et est présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Sa mission : proposer des recommandations fondées sur des savoirs et des études scientifiques afin de mieux accompagner les parents lors des 1 000 premiers jours d’un enfant. En septembre 2020, elle a remis son rapport à Adrien Taquet, Secrétaire d’Etat à l’enfance et aux familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, qui assure le suivi de ses travaux. Ses conclusions ont été présentées le mercredi 12 mai lors du webinaire « Les matinées de l’offre de soins » organisé en collaboration avec la Fédération Hospitalière de France (FHF).

Difficulté première : le manque d’informations

Pour rappel, la période des 1 000 jours s’étend de la quatrième semaine de grossesse jusqu’aux deux ans de l’enfant. C’est une période cruciale, car c’est là qu’un certain nombre de choses se jouent, même si elles peuvent être rectifiées par la suite, déclare Adrien Taquet en introduction, précisant que le travail de la Commission s’inscrit avant tout dans une démarche de prévention. Dans les faits, il s’agit de s’attaquer aux inégalités au moment où elles apparaissent afin de limiter leur impact sur le développement de l’enfant. En commençant par dispenser une meilleure information auprès des parents, qui se sentent un peu perdus, débordés par les avis, parfois contradictoires, que des professionnels peuvent leur donner, relève-t-il. Deux tiers des parents que j’ai pu rencontrer dans le cadre de mon tour de France sur le sujet déclarent chercher les informations sur les réseaux sociaux, ce qui est tout de même inquiétant. Allaitement, éveil à la culture, impact de l’environnement sur le développement de l’enfant, sont tout autant de sujets sur lesquels il paraît nécessaire d’éclairer au mieux les parents. D’ici à l’été 2021, Adrien Taquet souhaite donc voir diffuser des messages publics, qui s’adresseront aussi bien aux professionnels de santé qu’aux familles, afin de leur donner des repères sur le sujet et de valoriser un certain nombre d’outils existants, tels que le site Agir pour bébé, ou en cours de création, comme l’application "1000 jours". Il ne s’agit pas d’imposer une injonction normative aux Français, mais bien plutôt de leur donner des repères s’appuyant sur des connaissances scientifiques, précise Adrien Taquet.

La prise en charge de la périnatalité(1) et de la natalité par la FHF :

  • 334 maternités
  • 283 services de pédiatrie
  • 9 000 lits de pédiatrie
  • 5 millions de consultations et d’entretiens prénataux par an
  • 70 000 professionnels de santé spécialisés (infirmiers, sages-femmes, psychologues...)

Renforcer l’accompagnement

Retour du conjoint au travail, sentiment de rupture dans le suivi post-natal dû au changement de professionnels de santé…, au manque d’informations remonté par les parents, s’ajoute également le sentiment de solitude que les mères disent éprouver à la suite de leur grossesse. L’enjeu est donc de mettre en place un meilleur accompagnement avant, pendant et après la grossesse, et ce selon deux approches : universelle, mais aussi spécifique, pour prendre en considération les fragilités dont peut souffrir chaque famille, parmi lesquelles la prématurité, le handicap de l’enfant ou des parents ou encore la précarité sociale. Sur ce sujet, nous avons bâti un parcours des 1 000 jours qui s’articule autour de 3 piliers clés, dont l’entretien prénatal précoce, obligatoire et remboursé, est le premier et en constitue la porte d’entrée, annonce Adrien Taquet, qui note que ce dernier est encore trop méconnu. En 2019, 37 % seulement des futures mères en ont ainsi bénéficié. Afin de doubler ce chiffre d’ici 2022, il a été décidé que l’Assurance Maladie disposerait d’un budget de 7 millions d’euros afin de rembourser les actes, 3 millions d’euros étant également dévolu aux ARS pour qu’elles fassent plus largement connaître le dispositif.

 

La dépression post-partum est encore un sujet tabou

D’argent, il est aussi question pour renforcer les maternités publiques, deuxième pilier du parcours, qui absorbent chaque année 70 % des naissances. En 2020 a ainsi été voté un financement pour ouvrir 100 postes de personnels médico-sociaux à destination des maternités les plus en difficulté. Mais il s’agit aussi, prévient Adrien Taquet, de fluidifier l’articulation entre la ville et l’hôpital, notamment en s’appuyant sur les PMI, afin d’éviter les ruptures de parcours et de permettre aux professionnels de se coordonner. L’Etat investira 100 millions d’euros dans ces structures sur trois ans afin de les renforcer par un recrutement de personnel et d’accompagner, entre autres, la délégation par les médecins de certains actes médicaux vers les infirmiers puériculteurs. Enfin, dernier pilier, la prise en charge de la période du post-partum. La dépression post-partum est encore un sujet tabou, alors qu’elle touche 15 % des mères et constitue, à ce titre, un véritable enjeu de santé publique, relève-t-il. La Commission préconise de mettre en place un suivi post-natal s’appuyant sur un entretien entre la cinquième et la douzième semaine après la grossesse, période où ce trouble dépressif apparaît, afin d’accompagner les femmes qui en souffrent. Les sages-femmes seraient tout indiquées pour mener cet entretien, mais nous devons garder un esprit ouvert et, en fonction des problématiques rencontrées, le confier à d’autres professionnels de santé, ajoute le Secrétaire d'Etat.

Reste enfin la prise en charge des personnes en situation de handicap qui souhaitent devenir parents et qui nécessitent un suivi particulier. Sur cette question, Adrien Taquet mise sur la multiplication des Services d'Accompagnement à la Parentalité des Personnes Handicapées (SAPPH), structures qui proposent un accompagnement dédié, de la période de préconception jusqu’aux 7 ans de l’enfant, et bénéficient de compétences spécialisées. S’il espère en voir créé un par région, il ne s’agit toutefois pas de créer des filières spécifiques. À termes, ces SAPPH ont vocation à se transformer en réseau de partage d’informations et de bonnes pratiques, que les professionnels de santé activeront lorsqu’ils seront confrontés à une problématique particulière.

Il faut que nous décloisonnions notre approche de la question

La pédopsychiatrie en souffrance

Autre axe de réflexion : la prise en charge de la psychiatrie prénatale et de la pédopsychiatrie. La première bénéficiera d’un budget de deux fois 5 millions d’euros pour financer la création de 20 équipes mobiles et de 10 nouvelles unités Parents-Bébé au sein du réseau périnatal, respectivement. L’objectif : identifier de manière plus précoce, dans une démarche de prévention et de protection, un certain nombre de fragilités psychiques afin d’éviter que certaines situations ne se dégradent et ne deviennent dramatiques, explique Adrien Taquet.

La pédopsychiatrie, en revanche, traverse une vraie situation de crise, alerte le Professeur Senon, président du groupe de travail en psychiatrie de la FHF, dont il a présenté les conclusions en parallèle de celles de la Commission. Selon lui, 200 000 enfants auraient en effet besoin de soins en psychiatrie, alors que seulement 600 pédopsychiatres sont actuellement mobilisés, soit deux fois moins qu’il y a dix ans. La Commission entend donc mettre l’accent sur la formation des professionnels, et notamment sur celle des équipes pluridisciplinaires, et sur la structuration de l’offre de soins. Il s’agit en premier lieu de soutenir la mise en place des Projets Territoriaux de Santé Mentale (PTSM) développant des actions de prévention périnatale, et de réduire les inégalités d’accès aux soins psychiques en s’assurant de la bonne répartition des équipes mobiles et des unités d’hospitalisation Parents-Bébé prévues sur le territoire. Et le Professeur Senon d’insister sur la nécessité de renforcer les échanges et les relations entre les différents acteurs sociaux et médicosociaux, grâce notamment à la création de projets de santé territoriaux.

Cette réflexion va se déployer étape par étape

Quid des IPDE ?

Grandes absentes au sein de la Commission d’experts constituée par le gouvernement, les infirmiers puériculteurs ont toutefois tout leur rôle à jouer dans ce parcours des 1 000 jours, assure Adrien Taquet. Et notamment en tant que coordinateurs entre les différents professionnels de santé qui entourent les enfants et leur famille, de la sage-femme au psychologue en passant par l’orthophoniste. Il faut absolument que nous restions ouverts, que nous décloisonnions notre approche de la question, insiste-t-il. La démarche est d’autant plus pertinente que les infirmiers puériculteurs sont à même de prendre en considération les différentes fragilités – sociales, environnementales, médicales – dont peuvent souffrir l’enfant et sa famille. Et donc les orienter au mieux vers les spécialistes les plus adaptés en remplissant une fonction de référent de parcours. Nous allons expérimenter cette notion dans ce cadre-là et, en fonction du contexte, les référents de parcours pourront être incarnés par différentes professions, afin de coordonner au mieux les professionnels accompagnant les parents. La mise en place de ce parcours des 1 000 jours est inévitablement amenée à s’inscrire dans la durée. Cette réflexion a commencé avant mon arrivée et elle se poursuivra après mon départ. Elle va s’étendre sur une dizaine d’années et se déployer étape par étape, conclut en effet Adrien Taquet.


Source : infirmiers.com