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Quand la lumière naturelle vient au bloc...

Publié le 16/11/2022
Steven Roux

Steven Roux

Bloc opératoire

Bloc opératoire

Rien ne vaut la luminosité du jour et une salle avec fenêtre pour mieux vivre une longue journée au bloc. Un éclairage en lumière naturelle et une vue sur l’extérieur favorisent significativement le bien-être ainsi que la concentration de ceux qui y opèrent. C’est ce que confirme une récente étude réalisée par un infirmier anesthésiste au CHU de Rennes.

De nombreux blocs opératoires sont encore aujourd'hui des pièces aveugles, au détriment du bien-être et de la concentration des professionnels de santé qui y travaillent quotidiennement. Crédit photo : Steven Roux

Conçues historiquement à l’image de bunkers ou de cabines de sous-marin, pour des raisons d’asepsie, de sécurité et d’isolement, les salles d’opération aveugles ont fait long feu. Les architectes et les ergonomes hospitaliers tardent à s’en préoccuper alors que l’inconfort physique et psychique de ce modèle pèse sur les soignants.

Les blocs opératoires sont de véritables univers artificiels créés par les ingénieurs pour opérer dans un environnement contrôlé, à tout moment de la journée ou de l’année. Ils font partie des rares endroits où l’humain est coupé des fluctuations de son environnement, analyse Steven Roux, infirmier anesthésiste et auteur d’une étude observationnelle sur les répercussions des conditions d’éclairage au bloc opératoire sur le bien-être ressenti des professionnels. Celle-ci, réalisée en 2020 dans le cadre de son mémoire de fin d’études, et publiée plus récemment dans la revue Inter Bloc, a été menée auprès de 49 infirmiers anesthésistes (IADE) et de bloc opératoire (IBODE) du CHU de Rennes.

Un sujet trop rarement étudié

J’ai choisi d’enquêter sur ce sujet, car j’ai pu ressentir moi-même, dans les salles d’opération aveugles où j’ai eu l’occasion de travailler, un manque d’entrain, une lassitude, un mal-être, et cette sensation étrange en sortant de n’avoir pas vu la journée se dérouler, d'avoir été hors de la réalité, confie Steven Roux.

Pourtant les bienfaits de la lumière naturelle et de la vision du monde extérieur sur nos organismes ont été prouvés, notamment sur l'horloge biologique, la production de vitamine D, les performances intellectuelles et sur la psychologie , relève le jeune infirmier. Et de regretter que le sujet n’ait été que trop rarement ou pleinement étudié chez les soignants, encore moins chez ceux opérant au bloc.

Un effet bénéfique notable sur le bien-être physique et mental

En tout état de cause, les résultats de son étude sont parlants. 87,5% des participants amenés à travailler dans des salles d’intervention aveugles se disent insatisfaits ou font avec. Alors qu’ils sont 73% à se déclarer satisfaits des locaux, quand ils exercent dans les salles avec fenêtre(s). Parmi ces derniers, 22% précisent que cela contribue à leur épanouissement.

Plus globalement, l’enquête confirme un effet bénéfique de l’éclairage naturel sur le bien être physique et mental des soignants. Elle révèle aussi une incidence, ainsi qu’un niveau de concentration plus important, chez ceux en fin de poste dans les salles d’intervention possédant une ou plusieurs fenêtres.

Dans les modèles architecturaux les plus anciens, une plus grande pénibilité

Steven Roux, infirmier anesthésiste
Crédit photo : Steven Roux

L’auteur attire en outre l’attention sur le fait que les blocs sans lumière naturelle sont des modèles architecturaux très anciens. Le bloc opératoire a été créé, à raison, comme un lieu isolé et sécurisé au mieux pour le patient. Mais on s’est jusque récemment peu soucié de ce que cet environnement clos, privé de lumière du jour et d’interaction avec le monde extérieur pouvait avoir comme effet sur la santé des personnels amenés à y travailler à longueur de journée, observe l’infirmier. A savoir : dans les salles sans fenêtres, les professionnels déplorent aussi une moins bonne ambiance sonore, un ameublement et un niveau de matériel moins satisfaisants, une propreté moindre et une plus grande difficulté à s’isoler du regard des autres. Autant de paramètres qui ont pu aussi influer sur les conclusions de l’étude, reconnaît-il aussi.

Il reste que ces résultats pointent l’importance de la prise en compte de l’environnement dans la qualité de vie au travail des soignants. Les conclusions de cette étude pourraient offrir des pistes d’amélioration pour la conception des blocs opératoires de demain, espère Steven Roux. Alors qu’il est établi scientifiquement que la lumière naturelle a un réel impact positif sur notre condition physique et mentale, il semblerait invraisemblable de construire aujourd’hui encore des blocs opératoires comme des sous-marins.

Pour aller plus loin :

Le mémoire de Steven Roux Impact d’une vue donnant sur l’extérieur et de la lumière naturelle au bloc opératoire

Betty MamaneDirectrice de la rédaction betty.mamane@gpsante.fr


Source : infirmiers.com