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Prise en charge du cancer à domicile : les gestes à adopter pour éviter le risque infectieux

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Publié le 05/10/2023

Le risque infectieux associé aux actes invasifs est une problématique récurrente à laquelle les soignants doivent être particulièrement attentifs. Tel est le cas lors de la prise en charge de chimiothérapies à domicile où les voies d'accès vasculaires peuvent s'avérer la porte d'entrée de bactériémies ou être associées à la survenue d'autres complications graves1. Focus sur les bonnes pratiques*.

D'après les résultats d'une étude du Réseau de prévention des infections associées aux soins (Répias) de la mission nationale Spiadi2, trois quarts des bactériémies associées aux soins (BAS) sont acquises à l'hôpital. Elles n'en restent pas moins également à combattre en ville où 15% d'entre elles y sont par ailleurs acquises. Parmi ces BAS, deux sur trois sont associées à un dispositif intra-vasculaire (B-DIV), sachant qu'à domicile les dispositifs en cause sont les chambres à cathéter implantable (CCI, 52%), suivies des PICC Lines (26%), des cathéters veineux centraux (CVC, 13%) et divers (9%).

Un risque infectieux perçu comme élevé à très élevé par les Idel

Ce risque infectieux est d'ailleurs perçu comme élevé à très élevé par les infirmiers libéraux (Idel), qu'il s'agisse des soins de chambres implantables (58%), de ceux concernant les soins de Midlines (60%), ou encore des soins de PICC Lines (66%), voire en ce qui concerne le contexte de soins aux patients porteurs de bactéries multi et hautement résistantes (BMR et BHRe)3. Il faut dire qu'à domicile les Idel se retrouvent parfois confrontés à un environnement loin d'être toujours propice à la réalisation de tels soins ; les conditions d'hygiène et d'asepsie n'y sont en effet pas optimales en toutes circonstances (accès à un lavabo, à du savon liquide, à une serviette propre, présence d'animaux domestiques, lit non médicalisé…). Et le manque de références et/ou le défaut de remboursement de certains dispositifs médicaux à disposition dans ce secteur de soins (antiseptiques alcooliques non remboursés par exemple) ne vient pas arranger les choses !

Un arbre décisionnel pour le choix d'un accès vasculaire

Les infirmiers ne sont pas habilités à choisir la voie d'accès vasculaire pour leurs patients sous chimiothérapie. Il n'empêche, connaître les règles générales relatives au choix d'un accès vasculaire se révèle toujours utile.

Dans ses recommandations de mai 2019 sur la prévention des infections liées aux cathéters périphériques vasculaires et sous-cutanés, la Société française d'hygiène hospitalière (SF2H) a ainsi publié un arbre décisionnel relatif à ce choix. Selon la toxicité du traitement à perfuser, celui-ci d'un abord périphérique ou central sera donc opéré. La durée d'implantation prévisionnelle, le dispositif de première intention ainsi que l'alternative possible y sont également spécifiés.

Source : Prévention des infections liées aux cathéters périphériques vasculaires et sous-cutanés. Recommandations. SF2H, 2019 ; n°2: 13.

Conduite à tenir et bonnes pratiques de gestion des DIV

Reste que de bonnes pratiques de gestion des DIV permettent – autant que faire se peut – de réduire ce risque infectieux. Hervé Vergnes et Evelyne Boudot, tous deux cadres de santé hygiénistes au sein du Centre d'appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPias) Occitanie (sites de Toulouse et de Montpellier), les ont notamment rappelées à l'occasion de ce 7e forum ILO.

•    Optimiser les CCI
On retiendra que les aiguilles de Huber de type II (avec une gauge de 20 à 22) sécurisées sont recommandées, leur manipulation unimanuelle évitant notamment l'effet rebond au retrait. Outre une asepsie rigoureuse lors de la pose de l'aiguille (blouse, charlotte, masque, gants stériles lors de l'antisepsie et de la pose), il convient d'enfoncer l'aguille jusqu'à toucher le fond de la chambre – toutefois sans pression excessive –, puis de ponctionner à angle droit par rapport au septum. À noter : l'aiguille de Huber doit être maintenue par des bandelettes adhésives stériles et un pansement semi-perméable transparent est recommandé afin de dépister précocement des signes cliniques locaux et de réduire les manipulations au plus près de l'aiguille (pansement à refaire tous les 7 jours/8 max, voire 4 jours si opaque ; pas de pansement sur une CCI non branchée). Quant au retrait de l’aiguille, son changement s'avère obligatoire tous les 7-8 jours max après un rinçage pulsé en saccades et réalisé en pression positive. Ce changement peut être cependant plus précoce en cas de pansement souillé ou décollé.

•    Sécuriser les Picc
On retiendra tout d'abord leur pluralité : avec valve bidirectionnelle intégrée, sans valve ou avec un ajout de valve bidirectionnelle, laquelle autorise l'injection et l'aspiration (voir encadré).

-    Pour la réfection du pansement, l'Idel devrait systématiquement porter un tablier/blouse à usage unique, un masque, une coiffe ainsi que des gants stériles (pour l'antisepsie et la pose de l'aiguille de Huber) et le patient un masque (ou tête opposée). Afin de diminuer les manipulations à cette occasion, le soignant doit changer la valve proximale dans le même temps que le système de fixation (stabilisateur : Grip-lok, 3M, Statlok), soit tous les 7 jours avec des gants stériles. Le changement des valves en distal, c'est-à-dire en continuité d'une voie veineuse (perfusion) s'effectue en même temps que celui de cette voie (tous les 4 jours). À noter : le système de fixation par ancrage ne se change pas et sera éliminé lors du retrait du dispositif.

-    Lors de manipulation des connexions (injections, perfusions), l'Idel doit se tenir en distal. Après avoir réalisé une désinfection des mains avec une solution hydro-alcoolique et désinfecté la valve avec une compresse stérile imprégnée d'un antiseptique alcoolique (alcool 70°) pendant 30 secondes, il effectue un rinçage pulsé avec 10 mL de sérum physiologique avant l'administration puis connecte la seringue ou la perfusion à la valve et effectue de nouveau un rinçage pulsé avec 10 mL de sérum physiologique immédiatement après l'administration afin de limiter le risque d'obstruction du cathéter.
Rappel : changement de valve tous les 7 jours en même temps que le pansement pour la valve proximale et tous les 4 jours en même temps que le changement de ligne veineuse pour les valves en distal.

-    Le prélèvement sanguin sur Picc est préconisé chez des patients à capital veineux limité et nécessitant des prélèvements sanguins répétés. Pour ce faire, il convient d'utiliser un corps de pompe à usage unique pour tous les prélèvements. Là encore au plus près du patient, l'Idel, après une friction hydro alcoolique (FHA) et le port de gants stériles, désinfecte la valve, effectue un rinçage pulsé avant le prélèvement, une purge de 5 mL à 10 mL puis le prélèvement ; et enfin réalise un rinçage pulsé efficace immédiatement après.

-    Le rinçage pulsé doit être réalisé avant administration et après utilisation et tous les 7 jours pour un Picc non utilisé. Le rinçage s'effectue avec au moins 10 mL de NaCI 0,9% en poussées successives de 1 mL (avec au moins 20 mL de NaCI 0,9% en poussées successives en cas de produits à haute viscosité : sang, lipides, mannitol).

-    Le retrait du Picc à domicile peut être réalisé par un Idel sur prescription médicale et sous réserve qu'un médecin puisse intervenir à tout moment (médecin traitant ou médecin coordonnateur en HAD), dans les faits le patient retourne la plupart du temps dans son établissement de santé pour qu'on le lui retire (à la différence du Midline4 qui peut être retiré à domicile bien plus aisément).

 

•    Les points de vigilance
Enfin, deux points de vigilance ont été relevés. Premièrement, l'hygiène des mains, laquelle n'est pas bien réalisée ou pas au moment où il faudrait, a observé Hervé Vergnes. Le lavage des mains reste en effet trop souvent effectué au détriment de la FHA notamment chez les Idel5 alors même que cette technique doit être privilégiée à domicile que ce soit avant de manipuler les lignes veineuses ou bien après le retrait des gants. Secondairement, la traçabilité des actes réalisés et des incidents/accidents lors d'un des soins sur le dispositif dans le dossier de soins et le carnet de suivi infirmier reste encore à améliorer, nombre de professionnels se retrouvant sans ces documents au retour à domicile du patient.

Du bon usage des valves bidirectionnelles
Les valves bidirectionnelles (ou connecteurs de sécurité) sont des dispositifs de perfusion permettant un accès direct à la voie veineuse et assurant son obturation automatique. Leur système clos permet des injections continues ou discontinues et/ou des prélèvements sur une durée maximale de 7 jours.
•    L'embout Luer mâle (seringue, prolongateur, perfuseur), en se connectant à l'embout Luer femelle de la valve autorise l'injection comme l'aspiration.
•    La valve bidirectionnelle se referme automatiquement lors du retrait de l'embout Luer mâle.
•    Déconnexion de la valve :
-    pour une valve à flush négatif (ou neutre), il faut clamper la voie veineuse et déconnecter l'embout Luer ;
-    pour une valve à flush positif, il convient de déconnecter l'embout Luer sans clamper la voie veineuse.
•    Attention au risque de limitation du débit si plusieurs valves sont montées en série.
Source : support visio Picc-VD, CPias Occitanie, déc. 2021

 

Pour en savoir plus :

- "Gestion d'un Picc à domicile" sur le site du CPias : https://cpias-occitanie.fr/soins-de-ville/

7e forum régional des infirmiers libéraux d'Occitanie

-          Bonnes pratiques et gestion des risques associées au PICC, https://www.sf2h.net/publications/bonnes-pratiques-gestion-risques-associes-picc

-          Prévention des infections associées aux chambres à cathéter implantable, https://www.sf2h.net/publications/prevention-infections-associees-aux-chambres-a-catheter-implantables-acces-veineux

* Informations recueillies d'après l'intervention d'Hervé Vergnes et d'Evelyne Boudot lors de la session "Chimiothérapie et bonnes pratiques des dispositifs intra-vasculaires" dans le cadre du 7eme forum Idel Occitanie
1 Occlusion, thrombose avec retentissement clinique, infection justifiant un retrait, décès.
2 Étude réalisée conjointement avec Santé publique France en 2020.
3 D'après l'enquête de besoin des infirmiers exerçant au domicile concernant le risque infectieux réalisée en octobre 2021 par le Répias Primo auprès de 131 Idel.
4 Ce cathéter périphérique profond mais non central demeure toutefois peu ou pas utilisé en cancérologie.
5 45% des Idel ne l'utilisaient pas lors de la dernière enquête 2020 sur la prise en charge d'un PICC à domicile en HAD à laquelle 334 Idel ont participé.


Source : infirmiers.com