Après l'obtention de l'élargissement de leurs compétences à la vaccination contre la grippe en officine, les infirmiers libéraux redoutent que les pharmaciens ne marchent une fois de plus sur leurs plates-bandes, cette fois en s'emparant des soins à domicile.
C'est un communiqué des syndicats des pharmaciens qui a mis le feu aux poudres. En jeu ? Le périmètre de chacune des deux professions, pharmaciens d'un côté, infirmiers libéraux de l'autre. Dans leur dernier communiqué, les syndicats des pharmaciens mettent la pression sur le gouvernement. Ils prennent même le premier ministre en otage qui a jusqu’au 15 juillet 2018 pour rédiger le décret relatif aux "conseils et prestations" des pharmaciens. Et là tout y passe ! La PDA (préparation, distribution, administration des médicaments) pour les patients dépendants et atteints de pathologies chroniques, la télémédecine, la chimiothérapie orale et tout ceci à domicile
, s'insurge Convergence infirmière, appuyée par la Fédération Nationale des Infirmiers et par l'Organisation Nationale des Syndicats d'Infirmiers Libéraux (Onsil).
Alors que les pharmaciens ont déjà obtenu la vaccination contre la grippe en officine
, effective depuis le mois d'octobre 2017, les infirmiers libéraux craignent que leurs compétences ne soient encore élargies, à leur détriment, cette fois aux soins à domicile. L'idée avait d'ailleurs été évoquée le 23 novembre dernier. Le Comité pour la Valorisation de l’Acte Officinal (CVAO) avait alors posé la question de la place du pharmacien
, présentant les plaies et pansements comme une voie de spécialisation d’avenir
, provoquant immédiatement une levée de boucliers du côté des IDEL.
La FNI s'insurge
Aujourd’hui, à ce que l’on en sait, les représentants des pharmaciens voudraient en réalité changer la nature de leur profession, tentant d’imposer une forme de "big deal" au Ministère de la Santé et à l’Assurance Maladie selon lequel les pharmacies pourraient "tout faire" : des soins ambulatoires en plus de la vaccination, de la prévention comme avec le dépistage du mélanome, de la télémédecine, des conseils...
gronde la FNI. Après le dossier de la vaccination et les promesses de concertation non tenues de la Ministre de la Santé, de nouvelles tensions apparaissent sur le terrain, car les IDEL refusent d’assister bras croisés au démantèlement de leurs compétences orchestré par des syndicats de pharmaciens qui ne daignent même pas dialoguer
, affirme le syndicat des infirmières libérales qui dénonce avec force la prise d’otage à laquelle se livrent les pharmaciens
, et appelle solennellement le Premier Ministre à poser son stylo pour imposer une véritable négociation interprofessionnelle autour du projet de "décret services" qui impacte de facto la profession infirmière et dont le contenu reste sous embargo
.
"Nous ne laisserons pas phagocyter nos compétences"
Même son de cloche du côté de Convergence Infirmière qui évoque, à l'approche du 15 juillet, un rapt sur les compétences des infirmières libérales
et dit vouloir stopper l'hémorragie
. Convergence Infirmière s’insurge contre cette dérive et sur le démantèlement des compétences dévolues aux infirmières libérales. Les kinés ont déjà vu leurs compétences cédées aux chiropracteurs. C’est au tour des pharmaciens et des représentants de leur profession d’essayer de mettre la main sur celles des infirmières et marcher sur nos plates-bandes n’est visiblement pas un problème pour eux ! Dénonçant des propositions concernant la profession infirmière à chaque fois retoquées, Convergence Infirmière appelle le Premier ministre et la ministre des Solidarités et de la Santé au bon sens, qui doit guider l’élaboration de leur réforme en respectant les compétences de chacun, en ne montant pas les professions les unes contre les autres mais au contraire en les faisant travailler ensemble au plus haut niveau pour potentialiser leur complémentarité avec l’objectif d’améliorer la qualité et la sécurité des soins à domicile et d’éviter autant que faire se peut les hospitalisations et les récidives
. Prévoyant d’éventuels mouvements à compter d’une rentrée qui à l’évidence sera très chaude
, Convergence Infirmière appelle d’ores et déjà les infirmières à se tenir prêtes
.
Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre, Monsieur le Directeur général, vous souhaiteriez voir mourir la profession d’infirmier libéral, voire même la profession d’infirmier, que vous ne vous y prendriez pas autrement.
IDEL et patients en danger pour l'Onsil
Quant à l’Onsil, elle dit s’inquiéter terriblement
pour la profession : Entre la surveillance des patients à domicile par les facteurs
et les manœuvres du lobbying des pharmaciens, que restera-t-il de notre profession, seule au chevet des patients 24h/24 et 7j/7 ?
s'interroge-t-elle dans un communiqué. En plus des vaccins, ce sont maintenant les chimiothérapies, la préparation des piluliers, la surveillance de la iatrogénie, les surveillances des glycémies, les chimiothérapies orales, qui leurs sont attribués mettant en péril notre existence
. Et le ton est particulièrement amer : Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre, Monsieur le Directeur général, vous souhaiteriez voir mourir la profession d’infirmier libéral, voire même la profession d’infirmier, que vous ne vous y prendriez pas autrement. Pensez-vous que nous sommes juste bons à allumer l’ordinateur du médecin, lui faire son café, et faire le ménage dans son bureau ? Croyez-vous que nous sommes juste bons à peser le bébé lors de la consultation ? L’Onsil dit NON ! L’Onsil vous demande d’arrêter de nous prendre pour les petites mains, voire les larbins de la Santé en dépeçant notre rôle propre, le temps des cornettes est depuis longtemps révolu
.
Négociations conventionnelles infirmières : les syndicats voient rouge
Le Sniil avait déjà claqué la porte
des négociations conventionnelles au mois de juin. Dans un communiqué commun, la Fni, le Sniil et Convergence infirmière estiment que les propositions de l’Assurance Maladie s’écartent des orientations arrêtées par le Conseil de surveillance de l’UNCAM visant à améliorer l’efficience du système de santé. La faiblesse de l’enveloppe proposée par l’Assurance Maladie est totalement déconnectée des enjeux liés au virage ambulatoire psalmodié par les tutelles
, soulignent les trois syndicats avant de préciser qu'ils ont décidé d'annuler leur participation à l'ultime séance de négociations avec Nicolas Revel, directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, le 11 juillet prochain, s'en remettant à l'arbitrage du Premier Ministre. Un des motifs du blocage actuel des négociations infirmières porte sur le circuit du médicament. L’Assurance Maladie et le Ministère, dont il est permis de penser qu’ils ont conclu un accord avec les pharmaciens, bloquent toutes avancées conventionnelles sur des points qui relèvent pourtant du cœur de métier des IDEL
, affirment encore les syndicats. Sur le dossier du médicament, celui de la chimiothérapie orale, la Fni, le Sniil et Convergence infirmière dénoncent des mesurettes
qui ne répondent pas aux revendications des infirmiers libéraux. Sur le dossier de la chirurgie ambulatoire et du traitement des plaies complexes, les syndicats infirmiers libéraux pointent du doigt, de nouveau, une situation au point mort. Ils rappellent enfin avoir fait des propositions chiffrées
pour répondre aux grandes orientations visant à améliorer le système de santé, propositions qui sont selon eux, là encore, complètement ignorées.
L’Onsil, par voie de communiqué, prend acte du refus des trois syndicats déclarés représentatifs, et jusqu’alors signataires, de se déplacer pour s’asseoir à la table des négociations conventionnelles, refus qui marque enfin le début d’une légitime rébellion !
L’Onsil demande donc qu’un vrai dialogue conventionnel soit entamé, en tenant compte des attaques récentes sur notre décret de compétence
.
Retrouvez le communiqué dans son intégralité sur le site du Sniil.
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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