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ESI : "bouche-trou" d'un système de santé malmené par la crise

Publié le 10/12/2020
manifestation esi Paris 10 décembre 2020

manifestation esi Paris 10 décembre 2020

ESI manifestation Paris 10 décembre 2020

ESI manifestation Paris 10 décembre 2020

Les étudiants en soins infirmiers étaient attendus, jeudi 10 décembre, place Laroque à Paris, devant le ministère de la santé, à l'appel de la Fédération Nationale des Etudiants en Soins Infirmiers (FNESI). Dans un communiqué diffusé par l'intersyndicale (SNPI, CNI, SNIES...) et intitulé "formation sacrifiée, patients en danger", les ESI dénoncent en effet un manque de considération, d’accompagnement et de formation durant la crise sanitaire qui risque de peser lourd sur leur cursus de futurs soignants. Infirmiers.com s'est rendu sur place, recueillir leur parole.

Slogans, chansons, panneaux brandis vers le ciel... Les étudiants en soins infirmiers sont venus crier leur indignation sous les fenêtres du ministère, jeudi 10 décembre, à Paris. En effet, ils ont eux aussi souffert pendant la crise sanitaire et se sentent les grands oubliés des pouvoirs publics. C'est en tout cas le message délivré par la FNESI et plusieurs syndicats de soignants à l'origine du rassemblement. Aujourd’hui nous souffrons, alors que 50% d’entre nous se disent fatigués et stressés et que 31,3% des étudiants en sciences infirmières prennent des anxiolytiques, rien n’est fait. Nous sommes délaissés, abandonnés par les pouvoirs publics.

En cause notamment : le traitement qui leur a été réservé pendant les deux vagues épidémiques successives qui se sont abattues sur les hôpitaux. Les étudiants, appelés en renfort dans les services hospitaliers sous tension, se sont sentis utilisés, sans aucune considération. Depuis 8 mois nous remplaçons des professionnels épuisés, nous 'bouchons les trous' d’un système de santé malmené par cette crise. En bafouant autant notre formation, nous perdons en compétences et mettons en danger les patient.e.s de demain. Ils étaient donc dans la rue ce jeudi pour alerter sur la précarisation de leur formation pendant cette crise sanitaire (de nombreux ESI dans les rangs des manifestants, évoquaient leurs stages annulés pour cause de renfort) et exiger la reconnaissance de leur travail, contribution essentielle en ces temps difficiles.

Depuis le début de la crise sanitaire, les ESI sont fortement mobilisés et investis, et ce dans l'intérêt des patients et la continuité des soins. Cependant, comme le soulignait déjà la FNESI il y a quelques jours, leurs belles valeurs d'engagement ont été rattrapées par des conditions de stage déplorables, des stages annulés car transformés en renfort, avec une faible reconnaissance de la part des institutions.

Depuis 8 mois nous remplaçons des professionnels épuisés, nous 'bouchons les trous' d’un système de santé malmené par cette crise. En bafouant autant notre formation, nous perdons en compétences et mettons en danger les patients de demain

Accompagnés, soutenus dans leur formation - qui ne doit pas être sacrifiée 

Pour pouvoir soigner il nous faut avant tout apprendre et des apports théoriques sont nécessaires, estiment les signataires du communiqué qui craignent pour leur apprentissage de futurs soignants. Plusieurs solutions, concrètes, sont avancées par la FNESI et les syndicats : Il faut au plus vite investir dans le numérique et permettre aux étudiant.e.s en soins infirmiers d’avoir accès à l'Université numérique en santé et en sport (UNESS) et à l’Espace Numérique de Travail (ENT) de l’université. Il n’est pas concevable que la santé mentale des étudiant.e.s en soins infirmiers soit mise à mal à cause d’un manque d’accompagnement et de suivi. Il est urgent d’investir massivement dans des structures de suivis tel que le Centre d’Appui National ou les services de santé universitaire. Il n’est pas concevable que des étudiant.e.s en situation de fragilité soient abandonnés dans leur apprentissage. Un aménagement de formation et de validation des ECTS (système de points pour valider les diplômes) pour les ESI considéré.e.s à risque. Il n’est pas concevable que des étudiant.e.s en soins infirmiers soient rappelé.e.s par leurs employeurs indéfiniment alors qu’ils devraient être en plein apprentissage. Les promotions professionnelles sont des étudiant.e.s comme les autres. Il faut agir rapidement pour que notre formation soit dispensée à tou.te.s de manière égale.

Il n’est pas concevable que la santé mentale des étudiants en soins infirmiers soit mise à mal à cause d’un manque d’accompagnement et de suivi. Il est urgent d’investir massivement dans des structures de suivis tel que le Centre d’Appui National ou les services de santé universitaire.

Un message relayé au-delà des étudiants 

Les étudiants, pourtant moins nombreux que prévu (les organisateurs évoquaient des problèmes de transport), faisaient un maximum de bruit place Laroque, soutenus dans leur action par des collègues soignants (sages-femmes, infirmiers en poste...) qui disaient tous comprendre leurs revendications, les voyant souffrir dans les services hospitaliers depuis le début de la crise sanitaire. On a tous été très sollicités en tant que soignants pendant le Covid et on s'est rendu-compte des conditions des étudiants : à la fois de leur sollicitation (et là dessus ils ont été exemplaires) mais derrière, il n'y avait pas de rémunération pour eux (...) l'encadrement aussi était très difficile, on avait beaucoup trop d'étudiants à encadrer, témoignait par exemple Clément Radi, infirmier à l'Intercommunal de Créteil, dans le 94 et venu gonfler les rangs de la manifestation étudiante.

La Fédération Nationale des Infirmiers (FNI), dans un communiqué publié ce jeudi, a également tenu à apporter son soutien total aux étudiants, qui, estime-t-elle, payent aujourd’hui un double tribut, celui des perturbations de leur formation et celui sur leur propre santé alors qu’ils n’ont pas débuté leur carrière. L’alerte lancée doit être entendue au plus haut niveau afin d’assurer le renouvellement générationnel nécessaire pour garantir l’accès aux soins de tous les Français, conclut-elle.

Même chose du côté des instituts de formation et des formateurs qui alertent depuis longtemps déjà : les 5 et 20 novembre dernier, le CEFIEC, dans une communication commune avec la FNESI et l'ANDeP, alertait déjà les pouvoirs publics face aux risques potentiels qu'allait engendrer un appel massif en renfort dans les établissements de santé des étudiants en soins infirmiers (ESI) sans un cadrage national. La volonté des acteurs de la formation est d'éviter que les étudiants deviennent la variable d'ajustement des établissements de santé. L'objectif est de garantir la continuité des formations et les diplômes.

Pourtant reçus au ministère, les étudiants ragent de n'avoir rien obtenu

Comme escompté, une délégation de représentants des étudiants a été reçue au ministère : Bleuenn Laot, Présidente de la FNESI , Aurélien Ivars, premier Vice-Président de la FNESI en charge du réseau et des partenariats et Mamadou Ndoye, Vice-Président en charge des affaires de santé à la FAGE (Fédération des Associations Gérénrales Etudiantes) ont pu s'entretenir avec le conseiller formation/recherche auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, Philippe Morlat, dans l'après-midi. Une réunion qui aura duré 1h20 au lieu de 30 minutes mais qui n'aura débouché sur rien, d'après Thomas Hostettler, responsable de la communication à la FNESI. Nous avons avancé de nombreuses preuves de la situation des étudiants, soigneusement récoltées durant la 2e vague (des mails, des témoignages de la part des IFSI...) autant de témoignages très factuels pour prouver qu'il s'agit bien d'une situation très globale et non pas de cas isolés. Malgré tout, les échanges se sont soldés par une fin de non-recevoir : On nous a seulement promis de prendre d'autres rendez-vous en janvier pour en parler et continuer les négociations. Ça fait 8 mois que nous échangeons avec le ministère et rien ne bouge, s'agace Thomas Hostettler, qui énumère les très nombreuses rencontres depuis plusieurs semaines, sans résultat. On a déjà rencontré Olivier Véran il y a 2 semaines, ça n’a rien donné, pendant la 2e vague, nous avions rendez-vous tous les jeudis avec le ministère de la Santé, le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et toutes les autres organisations étudiantes de santé. La FNESI ne cache pas sa déception donc. On attendait vraiment des résultats après ce rendez-vous. Un arrêté ou un cadre législatif, mais même ça, on ne l'a pas obtenu, tempète Thomas Hostettler, sans pourtant s'avouer vaincu : A la FNESI, on va continuer à essayer de se faire entendre et à porter la voix des 96 000 étudiants en sciences infirmières.

Propos recueillis par Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin

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Source : infirmiers.com