Thomas Barre a été diplômé de l’IFSI Croix-Rouge de Nice en 2023. Après l’obtention de son diplôme d’État d’infirmier, il a fait le choix de postuler directement à l’université, et s’est lancé dans deux années de master IPA (infirmier en pratique avancée). « Cela dépend de son envie, mais j’aurais tendance à conseiller la poursuite d'études dans la foulée de la formation à l'IFSI. Je pense que lorsque l’on est dans une démarche d'études, il est plus facile d'enchaîner mais c'est un ressenti très personnel, témoigne-t-il. Ce qui est certain c’est que l’on ne donne pas la possibilité aux étudiants en soins infirmiers de bien saisir que la poursuite d’études est envisageable. Ce n’est pas valorisé, alors que c'est quelque chose qui devrait nous être présenté de manière officielle en 3e année d’IFSI, voire même avant. On parle beaucoup des spécialités comme un parcours à suivre plus tard, en passant sous silence l’option de le faire dans la foulée. »
Commencer comme infirmier à l’hôpital n’est pas forcément une finalité
Thomas Barre devra, une fois son diplôme d’IPA obtenu, attendre trois ans pour pouvoir pratiquer à ce titre. L’aspect clinique et diagnostic infirmier étant plus poussé dans cette spécialité, l’acquisition de 3 années d’expérience en tant qu’infirmier non spécialisé est requis.
Et l’étudiant de préciser que le fait d'enchaîner directement en grade master après l'IFSI, en formation initiale, reste encore très minoritaire. D’autant que toutes les universités ne l'acceptent pas. « Si je fais le point sur ma promotion à l’IFSI dans laquelle nous étions 74 étudiants, je suis le seul à avoir choisi ce master IPA (infirmier de pratique avancée). J’ai une collègue qui est en formation IBODE (infirmier de bloc opératoire) et deux autres collègues qui sont en puériculture », analyse-t-il.
Un large panel de possibilités
Malorie Dupont est vice-présidente en charge de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'orientation à la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI). Elle suit actuellement un master en santé publique : « Dans les représentations, on a souvent l'impression 'on a le devoir de commencer en tant qu’infirmier à l'hôpital, alors que ce n’est pas forcément une finalité. Il existe des domaines d'exercices très variés et adaptés aux appétences de chacun. Les passerelles sont multiples. Il est possible de changer de mode d'exercice et de se spécialiser » Chacune des spécialités existantes - infirmier puériculteur, infirmier de bloc opératoire (IBODE), infirmier en pratique avancée (IPA), infirmier-anesthésiste diplômé d’état (IADE) - possède toutefois ses propres spécificités.
Pour rappel, sans même parler de poursuite d’étude, il y existe déjà différentes perspectives professionnelles accessible avec le diplôme d'État d’infirmier. Un infirmier diplômé peut aller travailler en intrahospitalier et en extrahospitalier en tant qu’infirmier scolaire, infirmier humanitaire, infirmier en santé du travail. Pour travailler en tant qu’infirmier libéral, 2 années d’expérience sont d’abord requises pour les jeunes diplômés.
Il existe des domaines d'exercices très variés et adaptés aux appétences de chacun.
Infirmier puériculteur
La spécialité d’infirmier puériculteur est une formation payante d’une année, qui devrait prochainement passer du grade licence au grade master (équivalent de master). Pour le moment, c’est une formation de second cycle qui n’a pas de reconnaissance. La formation a lieu dans des établissements dédiés, agrées. La candidature se fait directement auprès de ces établissements et l’admission passe par un concours et des épreuves de sélection. « Le référentiel de la formation date des années 1980. Il est donc assez vieillissant, souligne Malorie Dupont. Être infirmier puériculteur permet cependant de dispenser des soins auprès du nourrisson, de l'enfant et de l'adolescent et d'exercer dans des lieux de spécialités très vastes. En milieu hospitalier, on peut exercer en réanimation néonatale, en réanimation pédiatrique, en maternité, en urgences en service d'hôpital de jour. En extrahospitalier, cela peut concerner l’hospitalisation pédiatrique à domicile, les centres de l'enfance, les centres d'accueil pour enfants handicapés ou ayant une maladie chronique, etc. »
Infirmier de bloc opératoire (IBODE)
Sur le même modèle, la spécialité IBODE est un équivalent grade master qui se dispense dans les établissements de formation dédiés. Elle dure 2 ans, avec une alternance entre théorique et pratique. Une fois diplômé, il est possible d’intervenir plus spécifiquement auprès de patients qui bénéficient d'intervention chirurgicale, endoscopique ou d’autres actes techniques à visée diagnostique et thérapeutique. La révision récente de cette formation en 2022, permet désormais d’y prétendre, sans concours, mais en soumettant un dossier d'admissibilité et en passant un entretien oral. « La grande nouveauté est l’accessibilité directe après les 3 années d’IFSI, relève Malorie Dupont. A l’issue des 5 années d’étude, les étudiants auront, d'une part, leur diplôme d'État infirmier pour exercer en tant qu'infirmier en soins généraux et, d’autre part, le grade master associé afin d'exercer en tant qu'IBODE. Faire des stages en bloc opératoire durant la formation socle est un moyen d'approfondir son projet de formation IBODE. C'est, en effet, un domaine d'intervention très spécifique qui nécessite d'être une spécialité à part entière. »
Infirmier en pratique avancée (IPA)
La formation d’IPA est accessible depuis 2018, mais nécessite, après l'obtention du diplôme de grade master, de réaliser 3 années d'expérience professionnelle en tant qu’infirmier en soins généraux, avant de pouvoir réellement exercer en tant qu'IPA. « Du point de vue de la FNESI, ces 3 années d’obligation d’exercice sont dommageables, car on acquiert de nombreuses compétences et connaissances en formation, que l'on pourrait potentiellement perdre à l'issue de l'obtention du diplôme », regrette Malorie Dupont.
Infirmier anesthésiste (IADE)
De la même manière, pour accéder à la formation IADE qui dure 2 ans et se fait au sein d’établissements de formation dédiés, il faut avoir exercé 2 ans en tant qu’infirmier en soins généraux.
Les étudiants en formation initiale se pérennisent généralement dans un établissement de soins. Thomas Barre : «L'établissement paye l'inscription universitaire et verse un salaire le temps des études. 99 % de mes collègues de promotion de master IPA, financent leurs études de cette façon. »
Les autres masters
Depuis 2009, le diplôme d’État d’infirmier équivaut à un grade licence et de ce fait, rend possible l’admission en master. Cela concerne de nombreux champs d’apprentissage : notamment le domaine « sciences, technologies, santé » mais aussi les sciences humaines et sociales, les master RIS (recherche et innovation dans les soins), « droit de la santé », « droit social et sanitaire », « cadre de santé », management, « solidarité internationale et action sociale », biologie, etc. Certains étudiants profitent de passerelles et enchaînent avec des études de médecine ou avec une thèse de doctorat en sciences infirmières…
Thomas Barre de conclure : « Il ne faut pas se leurrer ; le gouvernement a besoin de soignants disponibles rapidement. Les étudiants infirmiers qui choisissent l’option de la poursuite d’étude, constituent, en quelque sorte, de la manne professionnelle en moins. Ceci explique sans doute le manque de communication sur le sujet durant la formation à l’IFSI. »
Les spécialités infirmières donnent droit à un grade master mais ne sont pas reconnues comme master. « En fait, à la fin de ma formation, je serai titulaire d’un diplôme d'État d'infirmier de pratique avancée reconnu en équivalence grade master. C’est comme si j’avais un bac + 5 sans avoir un diplôme de master d'IPA, précise Thomas Barre. C’est pareil après les 3 années d’IFSI : vous obtenez un équivalent grade licence, non pas une licence d'infirmier. Or certains établissements et certaines universités sont plus frileux à vous recruter à cause de cette nuance. Et puis cela entraîne aussi des freins au niveau de la rémunération qui n’est pas officielle… »
Pour en savoir plus :
Un document recensant l’ensemble des spécialités et des masters accessibles avec le diplôme d’Etat d’infirmier a été édité par la FNESI : recensement des poursuites d'études 2023-2024
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