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Une nouvelle vie d’infirmière à Madagascar

Publié le 04/03/2013

Vanessa, une infirmière suisse, décide il y a un an et demi de partir aider ceux qui pour elle en ont le plus besoin. Mais plus qu’une expérience humanitaire, c’est une nouvelle vie qui commence. C’est en effet en famille qu’elle décide de partir ouvrir son dispensaire à Madagascar.

Vanessa a 30 ans. Diplômée de la Haute École de Santé de Genève en 2008, elle se consacre à l’éducation de ses enfants avant de travailler comme infirmière dans différents services de médecine et chirurgie des Hôpitaux Universitaires de Genève.

Comme de nombreux professionnels soignants en quête de changement, l’envie de se lancer dans l’expérience dite « humanitaire » n’a cessé de lui travailler l’esprit. Il y a dix ans, une première expérience l’a entraînée à Madagascar pour un projet de construction d’une école dans la ville d’Antsirabe. Expérience concluante, car en plus de s’attacher à cette population touchante et de confirmer sa réelle envie de travailler un jour à l’étranger, elle y rencontre son futur mari !

Après plus de dix années de liens tissés avec ce pays, Vanessa et son mari décident de se lancer dans un projet mûrement réfléchi : partir avec leurs deux enfants à Madagascar construire un Centre de Santé de Base (CSB). « Professionnellement, mes envies d’humanitaire allaient être comblées, explique Vanessa. J’avais mon diplôme d’infirmière, un peu d’expérience dans le domaine, et surtout une association genevoise derrière pour soutenir financièrement le projet. Nous avons fondé l’association « Fandresena » en 2010 avec d’autres collègues infirmières et des amis, et nos démarches auprès des mairies genevoises ont été payantes. Pour notre famille personne n’a été contraint, le consentement était mutuel depuis de départ. Nous avons simplement « profité » de nos années en Suisse pour travailler, économiser, et ainsi nous construire une belle maison et un bel avenir à Antsirabe. »

Madagascar, l’île oubliée

Madagascar, la grande île, l'île rouge… Bien de dénominations existent pour parler de cette terre si méconnue et de ses 17 millions d’habitants. En plein océan Indien, la cinquième plus grande île du monde, colonie française il y a encore 53 ans, est un continent à elle toute seule, aussi grande que la France et le Bénélux réunis. Souvent présenté comme le pays le plus pauvre au monde, Madagascar contraste effectivement par son extrême pauvreté et ses richesses aussi bien naturelles que minérales inexploitées. L’île, isolée, est malheureusement désertée par les ONG et autres plans d’aide internationaux en raison du climat politique instable qui règne depuis plusieurs années. Un pays où l’accès aux soins est donc un réel challenge comme l’explique Vanessa : « ce pays, c’est un coffre aux trésors enfoui profondément dans un sable lourd. J’aimerais donner une « bonne » image de cette île, mais la réalité n’est malheureusement pas aussi limpide… Madagascar est un pays pauvre, l’un des plus pauvres économiquement au monde. Néanmoins, il regorge de richesses naturelles et humaines ! C’est réellement un « pays en voie de développement » qui nécessite de nombreux coups de pouce de l’extérieur. Les gouvernements successifs se sont tous montrés incompétents, et la victime reste encore et toujours la population. »

Des embûches mais de la patience !

Vanessa se souvient encore de son premier voyage en Afrique quand elle avait 15 ans. C’était au Kenya. Elle raconte : « j’ai découvert des populations d’une pauvreté inimaginable pour l’ado que j’étais, des gens qui vivaient dans des conditions inacceptables. Ce qui m’avait alors le plus touchée, c’était l’état de santé des enfants, le ventre tiré, rempli de parasites, les membres rachitiques, complètement dénutris. C’est là que j’ai eu le déclic : je voulais travailler dans la santé, à l’étranger, au profit des plus démunis. » Les années ont alors passé, et son idée d’ouvrir un dispensaire n’a cessé de s’affiner. Aujourd’hui, ce rêve est devenu concret.

« Ce pays, c’est un coffre aux trésors enfoui profondément dans un sable lourd. J’aimerais donner une « bonne » image de cette île »

Depuis le grand déménagement familial en juillet 2011 de Genève à Antsirabe, le projet a pu se réaliser en plusieurs étapes. Après la récolte des fonds nécessaires, Vanessa et son mari ont d'abord affronté les nombreuses difficultés administratives. En effet, les administrations du pays sont en général adeptes de la désorganisation et du très mythique « Mora Mora », expression populaire malgache que l’on traduirait en français par : « doucement, doucement »... Mais, malgré ces embûches administratives, il n’aura fallu au jeune couple que quelques mois pour obtenir toutes les autorisations nécessaires. Débute alors la recherche d’un entrepreneur pour la construction du bâtiment et enfin, le recrutement du personnel soignant ; un travail titanesque dans un pays où les procédures nécessitent de s’armer de la plus grande des patiences. « Je l’avoue, ce n’était pas un parcours de santé, mais si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une minute, s’exclame Vanessa ! ».

Le résultat final est de taille : le dispensaire a aujourd'hui une superficie de près de 100 m² et comporte sept pièces dont un accueil, une salle de consultations, une salle de soins, une salle d’accouchement, une chambre post-partum, un local de stérilisation et de stockage et une pharmacie.

Le CSB ouvre ses portes

Le 1er août 2012, le dispensaire ouvre officiellement ses portes dans la ville d’Antsirabe qui compte plus de 185.000 habitants. Un « Centre de Santé de Base » (CSB), comme on les appelle à Madagascar, est catégorisé de type II en raison de la présence de médecins. Même si la jeune infirmière suisse n’est pas toute seule à gérer cette micro entreprise, c’est elle qui en supervise son fonctionnement et la gestion du personnel. A ce jour, Vanessa partage ses journées avec deux docteurs, une aide-soignante et une sage-femme. Du côté des prestations, les tâches y sont évidemment variées et riches. Le CSB propose des consultations médicales et pré-natales, des dépistages de paludisme, des journées de vaccinations… Du côté des soins, le travail porte majoritairement sur des suivis de plaies, des injections, mais aussi des urgences plus sérieuses, comme des accouchements, des plaies à suturer, des brûlures, des piqûres ou morsures, ou encore le traitement d’infections graves.

Malgré la précarité de la population et des journées difficiles, le quotidien du CSB offre aussi son lot de belles surprises et des moments inoubliables, comme par exemple, les accouchements. Vanessa se souviendra toute sa vie de la première naissance dans son dispensaire : « une petite fille, le premier enfant d’un jeune couple ! Comme ils ne savaient pas d’avance le sexe et en découvrant une fille, ils ont décidé de la prénommer Fandresena, en hommage à notre dispensaire. J’en ai eu les larmes aux yeux ! »

Le CSB est officiellement un centre médical privé, ses activités dépendent donc uniquement de leurs revenus. Aujourd’hui, le centre de santé est très bien accepté par la population, même si financièrement, la structure n’est pas encore auto-suffisante. « j’ai souvent constaté que de nombreux clients avaient éprouvé une certaine appréhension à venir consulter, car les locaux neufs, si propres, et une responsable « Vahaza » (étrangère) leur faisaient croire que nos tarifs étaient plus élevés qu’ailleurs, raconte Vanessa. Ils se sont vite rendu compte qu’ils avaient eu tort ! Nous fixons nos tarifs et nos prestations selon nos « envies », qui évidemment correspondent aux besoins réels des patients. Les consultations médicales coûtent 1.500 Ariary (0.50€) contre 10.000 Ariary (3.40€) à l’hôpital. Notre population principale est rurale, donc souvent très pauvre et nous tentons de rendre accessibles au maximum des soins de santé primaires. »

« Ce n’était pas un parcours de santé, mais si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une minute »

S’il ne s’agit que du début de l’aventure, d’autres projets mûrissent dans la tête de l’infirmière. Elle songe notamment à agrandir son espace maternité pour l’année 2013 : « actuellement, nous avons une salle d’accouchement et une salle de post-partum, explique la suissesse. Nous aimerions en ajouter une de chaque afin d’être apte à recevoir deux naissances simultanément. En novembre, nous avons eu trois accouchements en moins de 24h ! C’était fou, nous avions dû pousser les meubles pour que chaque famille puisse avoir son petit espace. Pour le personnel, c’était un peu compliqué, mais nous avons su nous débrouiller. Nous envisageons aussi d’acquérir un petit concentrateur en oxygène et un insufflateur d’air manuel pédiatrique, ainsi qu’un aspirateur de mucosités pédiatrique. A plusieurs reprises, nous aurions eu besoin de tous ces appareils, mais à défaut, nous nous sommes débrouillés autrement. Heureusement, les vingt naissances comptabilisées jusqu’ici se sont déroulées sans souci. Mais je touche du bois… Je ne veux pas attendre un décès néo-natal avant de nous procurer ce matériel spécifique car comme le dit le dicton : " il vaut mieux prévenir que guérir " ».

« Nous ne sommes pas tous suffisamment conscients de la chance que nous avons de vivre dans les conditions qui sont les nôtres »

A des milliers de kilomètres de sa région natale, loin du gaspillage quotidien de nos hôpitaux et du rendement obsessionnel, Vanessa doit probablement regarder son parcours d’un autre œil : celui d’une infirmière plus que jamais consciente des richesses que l’on puise dans la disparité. Et quand on lui demande quel message aimerait-elle passer à ses collègues de l’Occident qui seraient tentés de partir travailler à l’étranger, Vanessa conclut avec le plus grand enthousiasme : « allez-y, foncez ! Nous ne sommes pas tous suffisamment conscients de la chance que nous avons de vivre dans les conditions qui sont les nôtres. Pourtant, nous pourrions tous partager un peu plus avec ceux qui n’ont presque rien. Tout peut se partager, pas seulement l’argent : le savoir, la technique, le temps, l’envie… Le parcours est certes truffé d’embûches mais il ne faut pas se laisser décourager pour autant. C’est comme tout dans la vie, rien n’est facile à 100%. Soyez confiants, croyez en vous et allez-y ! » Et de conseiller : « n’hésitez pas aussi à demander de l’aide à vos prédécesseurs, car ils sauront vous aiguiller. L’entraide est une valeur qui se perd, mais elle est essentielle à la sérénité entre les Hommes. »

Pour soutenir ou encourager le projet de Vanessa, n’hésitez pas à visiter le site internet du CSB : http://fandresena.org

Jérémie THIRION
Rédacteur Infirmiers.com
jeremie.thirion@gmail.com


Source : infirmiers.com