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Infirmier en psychiatrie : un métier motivant au-delà de la crise

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Publié le 23/09/2024

Services débordés et effectifs réduits, difficultés de recrutement, travail en tension et temps patient insuffisant : le secteur de la psychiatrie est aujourd’hui en souffrance partout en France. Mais la motivation des équipes perdure avec la volonté d’assurer la meilleure qualité de soins possible. Britt Leblanc, cadre de santé en psychiatrie, à la direction des soins du centre hospitalier de Plaisir et Maud Amiot, infirmière au GHU Paris Psychiatrie et neurosciences en témoignent invitées sur le plateau TV d’Infirmiers.com.

Infirmier en psychiatrie : une motivation forte

Crédit photo : Sébastien Toubon

Comment se porte le secteur de la psychiatrie dans votre établissement ?

Britt Leblanc : Je suis depuis deux ans à la direction des soins, et en fait j'ai observé une évolution plutôt positive de la situation avec une attractivité pour ce secteur qui demeure en dépit des circonstances et notamment chez les étudiants infirmiers. Et c'est quelque chose que je ne percevais pas forcément quand j'étais en poste au sein d’un service de psychiatrie. Le fait est qu’il existe un vrai problème de recrutement dans la profession en général et en santé mentale. De plus, les demandes et les attentes des infirmiers en psychiatrie ont beaucoup évolué ces dernières années avec des exigences plus fortes pour concilier vie professionnelle et vie personnelle. Et c’est à prendre en compte dans le recrutement tout comme dans la définition des missions. Par exemple, nous avons beaucoup plus de demandes de travail en 12h (voir encadré en fin d'article), parce que cela offre ensuite un plus long temps de récupération et cela permet ainsi de rester plusieurs jours d’affilée chez soi. Mais cela demande aussi une organisation du service en conséquence.

Et vous, Maud Amiot, en tant qu'infirmière dans un hôpital spécialisé, quel est votre regard sur la situation ? Ressentez-vous les effets de cette « crise » de la psychiatrie dans votre quotidien ?

Maud Amiot : Je pense que le plus gros problème aujourd’hui, c'est la pression des lits. C'est à dire que pour un patient qui sort, il y en a plusieurs en attente d’un lit de libre. Et sous cette pression on fait sortir les patients de plus en plus tôt, au risque parfois qu’ils ne soient pas tout à fait prêts pour ça. Or, les soins en psychiatrie prennent du temps, un temps précieux pour permettre une bonne prise en charge des patients. C’est pour cela d’ailleurs que j’ai préféré travailler en 7h30. Cela implique que je suis entre 4 et 6 jours par semaine à l’hôpital et cela me permet de travailler en continuité pour un meilleur suivi de mes patients.

                    

Ce que j’entends c’est qu’en dépit des difficultés du secteur, vous conservez un intérêt évident et une véritable motivation pour votre métier et vos missions, mais subsiste aussi une grande frustration...

Maud Amiot : Parce qu'il y a une perte de sens pour nous en tout cas. Nous, nous sommes une unité de secteur, notre mission devrait être focalisée sur l’accompagnement des patients. Mais en pratique, nous passons beaucoup de temps à faire des entrées, des sorties, des changements de chambre pour accueillir de nouveaux entrants. C'est extrêmement chronophage de faire une entrée ou une sortie et c'est du temps en moins passé auprès des patients qui en ont besoin. 

Comment pourrait-on selon vous améliorer la situation dans les services de psychiatrie ? 

Maud Amiot : En renforçant les effectifs avant tout ! Nous avons besoin de plus de médecins, plus de cadres, plus d'infirmiers. Par exemple, nous sommes aujourd’hui une quinzaine d'infirmiers pour une unité de 26 lits temps plein et 15 lits à temps partiel (pour les patients qui viennent à la journée) avec trois postes de PH (praticiens hospitaliers) dont seulement deux pourvus en ce moment, et pas d'internes. Donc on sent que pour les médecins, c'est assez compliqué de prendre en charge correctement les patients. Et cette pression se déverse forcément sur les épaules des infirmiers.

Britt Leblanc : Pour moi, il faut plus largement souligner l’importance de la qualité de vie et des conditions de travail. Et aussi, l’implication des infirmiers dans la recherche et l’innovation. Cela permet de se distancier un peu de la pression quotidienne et des missions opérationnelles parfois épuisantes, comme celle de la gestion des lits par exemple. La conduite de projet est en ce sens un bon moyen de lutte contre l’épuisement professionnel. Elle permet de développer sa pensée réflexive et de faire naître des initiatives, et de fédérer aussi. Tout ce qui peut permettre de mettre en œuvre l’intelligence collective, ouvrir le débat ou la réflexion sur nos pratiques, échanger contribue à favoriser une meilleure cohésion des équipes et une meilleure qualité de vie au travail. 

Et vous arrivez à vous mobiliser sur des projets de recherche ?

Maud Amiot :  Alors moi, j'ai la chance d'avoir été sollicité par une équipe de Lyon pour participer à un projet de recherche sur les "entendeurs de voix". Nous sommes d’ailleurs 5 ou 6 de mon pôle à y participer, et pour le coup, effectivement, cela remet du sens dans notre travail. Et comme nous avons de plus la chance d’avoir un chef de service qui soutient ce genre de participation, cela motive vraiment. 

Le temps de travail en 12h à l’hôpital
  • La durée quo­ti­dienne de tra­vail ne peut excé­der 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit. Lorsque les contrain­tes de conti­nuité du ser­vice public l’exi­gent en per­ma­nence (dif­fi­cultés pro­lon­gées de recru­te­ment par exem­ple), il peut être dérogé à la durée quo­ti­dienne du tra­vail fixée pour les agents en tra­vail continu, sans aller au-delà de 12 heures par jour. Les temps de trans­mis­sion, d’habillage et de désha­billage, de pause et de res­tau­ra­tion sont com­pris dans ce décompte.
  • Heures sup­plé­men­tai­res com­pri­ses, la durée heb­do­ma­daire de tra­vail ne peut excé­der 48 heures au cours d’une période glis­sante de 7 jours. Il découle donc notam­ment de ces condi­tions que les per­son­nels ne peu­vent tra­vailler plus de 3 jours de suite en 12 heures. Source : INSTRUCTION N° DGOS/RH3/2015/ 3 du 7 janvier 2015
Betty Mamane, directrice de la rédaction

Source : infirmiers.com