« La priorité absolue est le recrutement et la fidélisation des professionnels », a martelé Arnaud Robinet, le président de la Fédération Hospitalière de France (FHF), lors de sa conférence de rentrée*. Et pour cause, selon une enquête menée par la fédération, le taux de vacance de postes pour les aides-soignants tous types d’établissements confondus était de 2,4% en juin 2023 (dont 5,59% pour les EHPAD) ; un chiffre qui atteint 4,98% pour les postes vacants d’infirmiers (contre toutefois 5,7% en 2022). Et côté absentéisme, celui-ci reste élevé : 9,67% tous établissements confondus, dont 9,1% dans les CH/CHU. Mais ce taux s’explique notamment « par le variant du Covid Omicron, qui a fragilisé les établissements », a nuancé Sophie Marchandet, la responsable des ressources humaines. Car en réalité, ces taux sont en baisse par rapport à l’année précédente, tandis que la tendance pour la masse salariale est à l’augmentation, de 24%, a-t-elle indiqué. Une « embellie » dans laquelle la Fédération veut voir les effets « des politiques importantes d’attractivité qui ont été menées dans les établissements » et des revalorisations embarquées dans le Ségur de la santé.
98% des établissements rapportent des difficultés de recrutement.
En 2023, les établissements ne sont pas parvenus à retrouver un niveau d’activité similaire à celui précédant la crise sanitaire : si une augmentation de 1% a été enregistrée en 2023 par rapport à 2022, il reste inférieur à celui de 2019 (-1%), avec une augmentation de l’ambulatoire (+16%) par rapport à l’hospitalisation complète (-10%). Or, parallèlement, les revalorisations de sujétions n’ont pas été compensées, engendrant un réel déficit pour les établissements. C’est donc dans ce contexte que la Fédération dresse un état des lieux de la situation dans ses établissements et défend ses propositions pour le système de santé, dans la perspective du prochain Plan de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Des urgences toujours sous tension
Pour autant, 98% des établissements continuent de remonter des difficultés de recrutement, notamment de personnels médicaux et sur des filières bien spécifiques : pédiatrie, gériatrie, dont les ressources sont drainées par le secteur privé et, bien évidemment, les urgences. 27% des structures indiquent ainsi rencontrer des tensions dans leur service d’urgences. « 4 établissements sur 10 estiment que la situation s’est dégradée » par rapport à l’année précédente, même si la majorité d’entre elles (41,3%) jugent que l’activité est demeurée « stable », a détaillé Aurélien Sourdille, adjoint au pôle de l’Offre de soins. Seuls 17,3% déclarent que la situation s’est améliorée. « Ce sont plutôt les questions d’aval et de sortie d’hospitalisation qui sont problématiques. L’accès aux lits s’est dégradé par rapport à 2022 », avec des établissements qui ont dû fermer certains services d’urgences durant la nuit ou les week-ends, voire sur plusieurs jours. 163 services ont ainsi dû fermer ponctuellement entre le 1er juillet et le 31 août. En cause : le manque de personnel médical et paramédical, mais aussi des failles dans la réponse en médecine de ville ou encore la moindre implication des cliniques privées, même si les acteurs du territoire tendent à plus se mobiliser.
Les lignes de SMUR ont également été concernées par ces fermetures, a ajouté le Dr Davy MURGUE, directeur du SAMU 03 (Allier). « Pour la première fois, on a fermé 12 jours les urgences d’un établissement sur un bassin de 170 000 personnes, avec un impact majeur sur le reste du système de santé », les structures devant absorber ce flux de patients étant elles-mêmes déjà en difficulté, a-t-il relaté. Et de mettre en garde contre cette « situation inédite » et « le risque de désengagement complet des urgentistes » qu’elle fait craindre.
Le Service d’accès aux soins (SAS), en cours de généralisation, est « un outil plébiscité par les établissements », a noté Aurélien Sourdille. Selon une enquête de la FHF, 87% d’entre eux estiment en effet qu’ils facilitent les échanges. CPTS et les relations nourries entre ville et hôpital sont de « vrais éléments positifs dans le succès du SAS ». Il permet ainsi d’orienter vers la bonne filière les personnes qui ont besoin de soins non programmés mais qui « n’ont rien à faire aux urgences », telles que les personnes en perte d’autonomie, a rappelé le Dr Davy Murgue, et désengorgeant les services. Néanmoins, le dispositif éprouve « des difficultés pour disposer de plages de soins non programmés », a nuancé Aurélien Sourdille. « Le manque de médecins généralistes régulateurs est un risque pour le long terme du dispositif. Beaucoup d’établissements s’inquiètent de son maintien. »
Situation critique en psychiatrie
Mais c’est surtout en psychiatrie que la situation devient de plus en plus critique avec, d’un côté une baisse des capacités hospitalières et, de l’autre, une hausse des besoins dans le sillage de la crise sanitaire. Selon une enquête menée en mai 2023, au 31 décembre 2022, seuls 42% des établissements disposant d’un service de psychiatrie n’avaient pas été contraints de fermer des lits, contre 80% en 2020 ; et un établissement sur 4 a dû fermer plus de 10% de leur capacité en 2022, contre 1 établissement sur 20 en 2020.
En psychiatrie, 31% des établissements affichent plus de 10% de vacances de postes infirmiers.
Du reste, les délais s’allongent que ce soit pour une consultation ou une sortie d’hospitalisation pour une prise en charge en médico-social,: seuls 13% des structures sont capables de proposer une première consultation pour enfant ou adolescent dans un délai d’un mois, 38% indiquant un temps d’attente oscillant entre 5 mois et un an, a indiqué Dr Sylvie Peron, psychiatre au CH Henri-Laborit de Poitiers (Vienne) et présidente du groupe de travail FHF sur la psychiatrie. Du côté des infirmiers, par exemple, 31% des structures affichent plus de 10% de vacances de postes, et ils sont 14% à en déclarer un quart.
« La situation de l’offre de soins en psychiatrie s’est très dégradée », s’est émue le Dr Sylvie Peron. Pour y remédier, la réponse doit être de deux ordres : proposer des solutions immédiates pour soulager les établissements en difficulté, et d’autres plus sur le long terme qui intègreront notamment des questions de gouvernance du secteur. Comme mieux former les professionnels : « En psychiatrie, on fait du soin relationnel, donc il faut des professionnels qui soient bien formés, qui travaillent en pluridisciplinarité, sous la coordination d’un médecin psychiatre », a-t-elle poursuivi, insistant sur l’intérêt des stages en psychiatrie pour les étudiants infirmiers. Elle a appelé à mieux rémunérer les infirmiers en pratique avancée (IPA), qui ne touchent actuellement que « 38 euros de plus par mois ».
La question RH demeure la mère des batailles.
« La priorité reste les professionnels »
À tout juste un mois des premiers échanges parlementaires sur le prochain PLFSS, « la question RH reste la mère des batailles », a martelé Arnaud Robinet. « Il faut accélérer les réformes. La priorité reste les professionnels. Nous devons former davantage, décloisonner, mieux encadrer, entourer les professionnels dès qu’ils arrivent à l’hôpital, les fidéliser en valorisant les missions des tuteurs de stage. » Le milliard d’euros annoncé par Elisabeth Borne pour la pérennisation des revalorisations de nuit et jours fériés est « un signal fort envers les soignants ». Mais pour que ce « frémissement » positif qui s’observe dans les ressources humaines se maintienne, « il faut mieux organiser les filières sur le territoire, ne plus épuiser les équipes », a ajouté Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF. Car si les métiers du soin sont toujours « des métiers qui attirent », encore faut-il donner « plus de sens à la vie professionnelle. »
Au sein de la FHF, on s’inquiète particulièrement de l’état des ressources humaines dans les EHPAD. La promesse du gouvernement de créer 50 000 postes soignants supplémentaires paraît ainsi difficilement tenable. En effet, seuls 3 000 postes étaient inscrits dans la loi de financement 2022, et seulement 4 300 postes pourraient être budgétés en 2024. « Il n’y a pas d’objectifs clairs affichés par le gouvernement », a déploré Marc Bourquin, conseiller stratégique de la FHF. Pour soutenir le secteur, celle-ci réclame :
- Pour 2023 : 500 millions d’euros supplémentaires, dont 370 millions pour compenser les revalorisations salariales.
- Et pour 2024 : une augmentation de 7,63% du budget, dont 1,2 milliard d’euros dans le cham des personnes âgées et 528 millions pour les personnes handicapées (pour des créations de postes en SSIAD, revalorisations salariales mais aussi pour l’adaptation des structures ou la rénovation de l’offre de soin).
* le 5 septembre à Paris
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