Infirmière au service des urgences adultes du CHU de Rennes, Marion Verdaguer a créé un site Internet à l’usage des professionnels de la santé et des patients : Tralelho. Un outil qui permet de traduire plus de cinquante phrases dans 120 à 130 langues pour faciliter la prise en charge des patients étrangers. Entretien.
Quel a été le déclic pour créer Tralelho ?
En tant qu’infirmière d’accueil, j’ai eu des patients pliés en deux de douleur avec lesquels je ne pouvais pas communiquer. Je ne savais pas s’ils avaient mal au dos, au cœur, au ventre car nous ne parlions pas la même langue. En service d’urgence, on a besoin d’avoir une réponse assez rapide et lorsqu’on ne peut pas communiquer, la prise en charge se complique. On perd un temps précieux à taper dans Google traduction : « Où avez-vous mal ? » sans vraiment connaitre la langue de son interlocuteur pour obtenir une traduction approximative. Je me suis rendu compte que je tapais souvent les mêmes questions alors j’ai décidé de les taper une bonne fois pour toute et de les faire traduire pour que ça puisse être utile partout en France. Tralelho a obtenu le label « droits des usagers de la santé » par l’ARS Bretagne.
Comment fonctionne le site ?
J’ai essayé de faire de Tralelho (traduction pour les étrangers à l’hôpital) le site le plus intuitif possible. Dans un premier temps, on observe le visage du patient pour déterminer au moins son continent d’origine ou bien c’est directement lui qui nous l’indique grâce à la carte du Monde qui est en page d’accueil. Ensuite, il y a les drapeaux nationaux qui s’affichent. Le patient nous montre son drapeau. Quand il n’arrive pas à nous dire en anglais, la langue qu’il parle. Nous appuyons sur le drapeau et là, la langue s’affiche. Lors de la création de Tralelho, j’ai essayé les sites « clé en main » mais ça ne me convenait pas. Il y avait de la publicité, c’était lent, j’ai donc appris à coder pour faire le site comme je l’imaginais. Concernant les traductions, j’ai demandé à des gens qui parlaient le français et au moins une langue en plus, s’ils acceptaient gracieusement de traduire 5, 10 ou 20 phrases. On avance par petit bout. Aujourd’hui encore, je continue à envoyer des messages pour faire avancer la traduction. C’est comme ça que le site s’est construit.
Quelles sont les phrases les plus utilisées ?
« Qu’est-ce qui vous arrive ? », « Où avez-vous mal ? ». Au début, j’ai commencé par des questions d’accueil, celles qui sont posées pour faire un premier bilan. Aujourd’hui, il y a des fiches spécialisées pour le secrétariat, la pédiatrie, la radiologie, le bloc opératoire. J’ai étendu les fiches à ceux qui m’en ont fait la demande.
Comment l’outil a-t-il été adopté par les collègues ?
La radiologie m’a fait une demande pour la création de fiches spéciales. Pour ce qui est des urgences, l’outil sert du début à la fin de la prise en charge du patient puisqu’il est présent à l’entrée administratif chez les secrétaires d’accueil jusqu’à l’infirmière et il suit même dans les services. Pour chaque catégorie professionnelle, il y a une fiche adaptée sur le parcours de l’hôpital.
Du côté des patients, quel a été l’accueil réservé à la méthode ?
Avec un grand sourire parce qu’ils se rendent compte qu’on va pouvoir communiquer et les soigner du mieux qu’on peut. Quand ils arrivent d’un pays très lointain et ils savent que leur langue n’est pas forcément utilisée en France, ça les rassure d’avoir un outil qui leur permet de signifier ce qu’ils ont, où ils ont mal et nous, de leur expliquer les soins. Ça rassure aussi les accompagnants, les familles qui savent qu’il y a un moyen pour communiquer avec les soignants lorsqu’ils vont quitter leur proche.
Tralelho a vocation à se substituer aux traducteurs présents à l’hôpital ?
Dans l’hôpital où j’exerce à Rennes, il y a un réseau qui permet de faire appel à des traducteurs mais c’est souvent pour des consultations, des explications de traitements compliqués. Ce réseau est destiné aux consultations longues et sur rendez-vous. Cela ne correspond pas à ce que l’on attend dans un service d’urgence où on a besoin d’une traduction dans les premières minutes de l’arrivée du patient.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Je n’ai pas de budget donc je ne peux pas rémunérer les traducteurs qui sont en demande d’une contrepartie financière. Sans budget, le travail avance tout doucement. J’avais un projet d’application pour Tralelho mais c’est en suspens. S’il y a des gens qui veulent aider ou relire, il y a un bouton sur le site pour me contacter. S’ils ont ne serait-ce que cinq minutes pour le faire, c’est déjà beaucoup.
Inès KheireddineJournaliste infirmiers.comines.kheireddine@gpsante.fr
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