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Un débat ordinal met en lumière la difficulté d'écrire la coopération interprofessionnelle

Publié le 22/12/2009

Les modalités de mise en œuvre des coopérations interprofessionnelles prévues par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) nécessiteront une large concertation pour être acceptées par l'ensemble des acteurs, est-il ressorti d'un débat organisé mardi par l'Ordre des médecins.

Si la coopération multidisciplinaire et interprofessionnelle fait partie des mesures phares de la loi, les intervenants ont pu mesurer la difficulté de s'accorder sur une sémantique commune et de trancher entre la "délégation de tâches" ou le "transfert de compétences", toujours polémiques.

La présidente de l'Ordre national infirmier, Dominique Le Boeuf, a plaidé pour une évolution vers des "compétences partagées" par les professionnels, en soulignant que "la notion de délégation de tâches, très française", était issue d'une mauvaise approche du rapport du Pr Yvon Berland, dont l'objectif était alors de répondre à la problématique d'une pénurie de médecins.

"Qu'est-ce qu'on partage ensemble? Très souvent, on s'adapte en équipe, même en ambulatoire, chacun en fonction de son champ de compétence [y compris] au champ médical. (...) La notion de compétences partagées est beaucoup plus large, n'est pas réductible à une notion de tâches", a observé Dominique Le Boeuf, ajoutant que la question se résumait à "qui fai[sai]t quoi".

"Porter la réflexion sur des compétences partagées et sur un travail en équipe dans lequel les rôles se trouvent répartis, est une bonne façon d'appréhender le problème. On travaille sur un plan en santé, sur un plan réseau, et pas sur une organisation pyramidale au sommet de laquelle se trouverait un mandarin disant comment faire les choses", a expliqué le Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) chargé des systèmes d'information en santé.

Travail commun entre ordres

Le Dr Lucas a indiqué que la commission permanente du Cnom travaillait actuellement à la rédaction d'un rapport sur les coopérations interprofessionnelles, "qui donnera[it] la vision non seulement de l'Ordre des médecins, mais aussi peut-être des autres Ordres professionnels [qui seraient entendus] à cette occasion".

"Il faut que les sept actuels Ordres des professions de santé coopèrent d'abord entre eux, pour trouver les termes justes, qui ne blesseront pas", a-t-il ajouté.

Le président du Cnom, le Dr Michel Legmann, qui a rappelé les expériences de transfert de tâches conduites sous l'égide de la Haute autorité de santé (HAS), s'est déclaré en faveur de ce dispositif pourvu que les professionnels concernés subissent une formation spécifique, et à condition de repréciser les responsabilités juridiques qui en découlent.

Dominique Le Boeuf et le Pr Guy Vallancien, professeur des universités-praticien hospitalier (PUPH) et président du Conseil national de la chirurgie, ont toutefois observé que, dans certains domaines, la réglementation permettait déjà des glissements de tâches ou de compétences.

Pour le Dr Ayden Tajahmady, coordinateur du programme de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), le débat devrait également prendre en compte deux problématiques: les glissements de tâches informels constatés à l'hôpital après une mauvaise organisation (brancardage par des médecins ou des infirmiers), et la création de nouveaux métiers spécialisés dans l'organisation et la coordination à la frontière entre le soignant et l'organisationnel, à l'image du gestionnaire de flux de blocs opératoires, avec le développement de la chirurgie ambulatoire notamment.

Si cette évolution est attendue à l'hôpital, elle se posera également au sein des maisons de santé, lieu privilégié des coopérations interprofessionnelles, considère le Dr Tajahmady.

Vers 3.000 maisons de santé dûment labellisées ?

Pour le Pr Guy Vallancien, le nombre de maisons de santé pluridisciplinaires, qu'il qualifie "d'églises de demain", pourrait bondir d'une centaine actuellement à "environ 3.000" à terme, si les pouvoirs publics laissaient l'initiative aux acteurs locaux pour monter leurs projets.

"Ce sont les futurs piliers de la formation des médecins généralistes", a-t-il affirmé, plaidant pour une augmentation "substantielle" des chefs de clinique et des professeurs associés en médecine générale.

Invité par Michel Legmann à préciser comment il comptait remplir ces milliers de maisons de santé alors que la tendance actuelle était d'une inscription sur 10 au tableau de l'Ordre en libéral, Guy Vallancien a reconnu qu'il faudrait sans doute envisager une mixité de la rémunération, avec davantage de forfaitisation sur une base privilégiant toutefois le paiement à l'acte.

Pour le président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), Christian Saout, laisser l'initiative aux seuls professionnels de santé et acteurs locaux conduirait à reproduire les carences du système actuel, qu'il juge "désorganisé".

Christian Saout réclame une concertation de tous les acteurs (professionnels de santé, pouvoirs publics, collectivités territoriales, associations de patients, etc.), une cartographie des implantations et un cahier des charges afin que les structures permettent une réelle coordination.

Guy Vallancien propose une labellisation des maisons de santé selon cinq critères obligatoires: un exercice "sous le même toit", la participation à la permanence des soins, un dossier partagé, un réseau de télémédecine et une rémunération adaptée en fonction des tâches (salariat et paiement à l'acte).

Un schéma peu adapté à la pratique infirmière ?

Dominique Le Boeuf s'est déclarée dubitative sur l'adaptation de ce schéma à la pratique des infirmières libérales, en particulier de l'exercice dans un même lieu.

"Les infirmières sont pragmatiques. La vraie question, c'est la démographie, l'évolution des patients et les restructurations des établissements", a commenté la présidente de l'Ordre national infirmier, soulignant le glissement qui conduisait les libéraux à prendre désormais en charge en ambulatoire des patients réclamant des soins complexes et qui sortaient de l'hôpital plus tôt qu'avant.

"La question n'est pas celle de la maison de santé. La question, c'est le projet de santé autour de données partagées", a expliqué Dominique Le Boeuf, remarquant que le rythme des patients, pour les soins infirmiers, ne s'accommoderait pas aisément des horaires fixes des maisons de santé.

"Un infirmier fait plutôt des soins entre 7 heures et 9 heures et ne va pas tenir la main au médecin quand il ouvre la maison de santé à 9 heures (...), ou entre 20 heures et 21 heures, samedi et dimanche", a-t-elle précisé, rappelant que les soins infirmiers s'effectuaient davantage à domicile qu'au sein d'un cabinet.

 

Paris, 22 décembre 2009 (APM)


Source : infirmiers.com