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Témoignages : aujourd'hui, c'est moi l'infirmière !

Publié le 05/01/2012
Temoignage jeunes diplomes infirmiers

Temoignage jeunes diplomes infirmiers

Ils viennent tout juste de quitter leur statut d’étudiant pour endosser celui de jeunes professionnels infirmiers. Au détour des couloirs et au fil des rencontres nous les avons retrouvés. Armés d'un regard neuf, ils nous livrent aujourd'hui leurs premières impressions sur leur nouvelle activité soignante.

Ils sont infirmiers en médecine, en psychiatrie, en réanimation, en EHPAD, en pédiatrie, en centre de soins... Ils ont été embauchés majoritairement dans la discipline de leur choix. Ceux qui ont verbalisé un projet professionnel au moment de l’entretien d’embauche ont été entendus et ils travaillent dans le secteur souhaité. Tous s’accordent à dire que le stage du projet professionnel est déterminant pour prendre son envol, trouver sa place dans une équipe et affiner sa posture professionnelle. Je vous propose donc de les entendre autour de ces trois thématiques.

Prendre son envol

Le moment tant attendu est arrivé. Après plus de trois ans passés en formation, leur diplôme maintenant en poche, les nouveaux infirmiers arrivent dans les équipes. Chacun est impatient de pouvoir mettre enfin sa vision du soin en pratique. Sa valise remplie d’idées novatrices, collectées au fil de son parcours de formation, ne demande qu’à s’ouvrir pour faire progresser la profession soignante.

Commençons par quatre arrêts sur image de quelques instants de vie d’un jeune infirmier.

  • « Mon début en psychiatrie, enfin j’y suis. La vie d’équipe, la pluridisciplinarité, la richesse du contact humain… Au rythme des entretiens infirmiers et des activités thérapeutiques, les journées défilent, que le temps passe vite !.... Hier soir, je suis rentrée du travail et j’ai trouvé un vide… Finis les révisions, les modules à valider…. Alors ciné ! Vraiment une nouvelle vie commence » (Amandine, pavillon d’admission en psychiatrie).
  • Karine poursuit : « Depuis le temps que tu attends cela… Tu y es. Pour ma part je travaille dans un service de médecine. Le début est difficile, je suis débordée, stressée, il faut que toute l’activité soit bouclée en 8 heures… J’ai l’impression de sauter, de courir partout, d’avoir les neurones en surchauffe… Et puis il y a ces moments de pur bonheur, lorsque tu vas à la rencontre d’un patient, d’une famille et que tu t’arrêtes deux minutes pour échanger…C’est ma bouffée d’oxygène » (Karine, service de médecine).
  • Corinne relate son expérience : « En tant qu’étudiante, j’en avais assez du discours « adaptez-vous », « soyez autonome », « c’est à vous de vous prendre en main ». Aujourd’hui j’en mesure toute l’importance. C’est mon quotidien l’autonomie professionnelle. J’ai été encadrée deux jours et depuis je suis la seule infirmière pour 42 résidents. Je mesure tous les jours le poids des responsabilités et la lourdeur des tâches administratives. » (Corinne, EHPAD).
  • Guillaume : « En tant qu’étudiant de 3ème année, je pensais que j’avais fait le tour du métier dans ses grandes lignes. Pour moi aucun souci pour être l’infirmier que je rêvais d’être… Aujourd’hui, je ne dirais plus forcément la même chose car je découvre de nouvelles facettes du métier. Je travaille dans le centre de soins où j’ai réalisé mon stage professionnel. J’ai eu la chance d’être encadré par des soignants qui m’ont montré tous les aspects du métier libéral. Je n’ai pas trop de surprise sauf pour les papiers administratifs… Je galère… Heureusement il y a la secrétaire et les collègues. » (Guillaume, centre de soins)

Nouvelle approche, nouvelle vision du métier… que de nouveautés après trois ans de préparation à ce nouveau poste. La réalité du terrain devient le quotidien, appréhendé concrètement dans la peau d’un soignant. Dans les échanges, tous disent découvrir de nouvelles tâches, administratives essentiellement, et de nouvelles responsabilités.

« Que de papiers… Il y a des jours où j’ai l’impression de ne plus voir les patients… Je me demande si tout est vraiment nécessaire… » (Karine et Emilie)

Tous mesurent et prennent conscience du contexte général du métier, mais vu de l’intérieur. Ils apprécient les atouts de la profession : le travail en équipe, la relation avec les patients, le rôle propre et délégué de l’infirmier… mais également les lourdeurs du métier : manque d’effectifs, surcharge de travail, poids des procédures… et comme ils le verbalisent : « ce n’est pas rose tous les jours… »

Par ailleurs, un nouveau positionnement - celui d’infirmier - est à investir et ça, d’après eux, ils y sont peu préparés. Sauf ceux qui pendant des stages ont eu entièrement la responsabilité d’un groupe de patients ou la gestion d’une partie d’un service en collaboration avec un infirmier.

Certains d’entre eux avouent, au début, avoir cherché l’infirmière, réalisant très vite que l'infirmière c'était eux ! « Pas facile de se dire que tout repose sur toi. Heureusement que nous sommes entourés d’une équipe. Un grand merci aux aides-soignants qui réellement me secondent et me guident au quotidien. » (Karine) Corinne enchaîne : « Hier, je pars faire le pansement d’une résidente avec une aide-soignante. Un pansement long demandant organisation, rigueur et asepsie. Surgit alors sans frapper un monsieur que je ne connais pas. Je l’interpelle en lui demandant de sortir, que c’est un lieu privé et qu’il n’a rien à faire là. Il me demande alors où est l’infirmière, je m’entends lui répondre "dans une autre chambre certainement, mais cette fois, je vous demande vraiment de sortir, merci". La porte refermée, l’aide-soignante éclate de rire et me dit "ma petite je te rappelle que c’est toi l’infirmière, il n’y a personne d’autre…." » Et la résidente de réagir : « ce n’était pas mon médecin traitant ? »

Ce moment de vie d’une jeune infirmière montre à quel point ce virage n’est pas si facile à prendre. L’ensemble des jeunes professionnels s’accorde à dire que techniquement, sauf dans des cas particuliers, ils sont au point. D'un point de vue relationnel, ils excellent et savourent ce contact. La plus grosse difficulté est de trouver une place, sa place dans le collectif soignant et pouvoir se dire … « c’est moi l’infirmière ».

"Certains d’entre eux avouent, au début, avoir cherché l’infirmière, réalisant très vite que l'infirmière c'était eux !"

Trouver sa place dans une équipe

Les expériences sont en la matière très variées, les accueils aussi. Laura, en service de réanimation médicale, nous raconte : « C’est extra de se sentir attendue. Moi, je suis doublée pendant un mois. Je forme un binôme avec une autre infirmière. Nous pouvons échanger. Elle me conseille, me donne les codes du service. Je gagne en confiance et en autonomie tous les jours. Je ne regrette vraiment pas mon choix. Infirmière, c’est le plus beau métier ». En revanche Marie témoigne : « Quand je suis arrivée, j’ai senti tout de suite que je n’étais pas la bienvenue. J’ai été testée…. Quand tous les jours on te dit : "on attendait quelqu’un de plus expérimenté et c’est toi qui arrive… Tu poses trop de questions on n’a pas le temps de s’occuper de toi… Débrouilles-toi…" Je ne dormais plus la nuit, cela ne correspondait ni à mes valeurs, ni à ma vision du métier. J’ai téléphoné à mes formateurs de l’IFSI. Ils restent un relais précieux. Ils m’ont écoutée et donné des conseils de professionnels. Le lendemain, je suis allée échanger avec la cadre chef du pôle, j’ai développé mes arguments et énoncé mes valeurs et la façon dont elles étaient bafouées. Elle a vraiment pris le temps de m’écouter et au bout d’une semaine je changeais de service. Depuis je travaille dans un nouveau secteur et là l’accueil a été d’une grande qualité, mes questions ne dérangent plus, personne ne cache le matériel et chacun s’aide. » (Marie, service d'hémodialyse, puis chirurgie urologique)

L’accueil et l’équipe sont les deux mots qui reviennent le plus souvent dans les dires des jeunes soignants. Pour eux, être acceptés dans sa nouvelle équipe est primordial. Rapidement leur souhait est de démontrer leurs compétences professionnelles afin de gagner la confiance de l’équipe qui, en retour, va leur donner une place. «  Dans le pavillon où je suis, il y a du temps et de la place pour créer des activités avec les patients. J’ai proposé lors des transmissions de faire un projet un peu différent de celui qui existe actuellement. Le cadre m’a encouragé et deux infirmières expérimentées ont souhaité construire avec moi le projet. Nous l’avons présenté ce matin à l’équipe médicale qui nous soutient. Cela a été ma manière de m’intégrer et d’apporter quelque chose de moi avec un regard neuf. » (Amandine)

Faire partie du collectif soignant est ainsi prioritaire. Il est donc important de vite décrypter ce qui est l’essence, le carburant de l’équipe. Lorsqu’un individu est au travail, il doit produire quelque chose pour les autres. Ainsi l’activité soignante réalisée participe au collectif de travail et va le plus souvent aider au décryptage des codes du groupe facilitant l’intégration.

« Ce matin, pendant la pause petit-déjeuner, une sonnette a retenti. Je me suis levée et l’aide-soignante m’a dit : "tu es l’infirmière maintenant profites, laisses donc l’élève y aller ". J’avoue que je ne savais pas quoi faire… Je me suis assise. J’ai toujours trouvé cela révoltant en tant qu’étudiant et je viens de faire pareil… » (Marie)

Difficile donc d’affirmer sa place. Que faut-il privilégier : le collectif de travail ? Ses valeurs ? Choisir n’est-ce pas renoncer à quelque chose ? Mais quelle infirmière souhaitent-ils vraiment être ? S’identifier à leur modèle ou parfois à l’anti-modèle pourtant décrié alors qu'ils étaient en stage... Certains disent avoir déjà réajusté leur attitude. Par exemple Valérie «  Moi, j’ai été exactement dans la même situation que toi, Marie, et je n’ai rien dit, je me suis levée et je suis allée voir le patient. En revanche, en revenant l’aide-soignante m’a interpellé et je lui ai répondu que tout le monde avait droit de se reposer un peu et que nous pourrions nous relayer pour répondre aux sonnettes. Depuis, quand je travaille, la question ne se pose plus et tout le monde se lève à tour de rôle. » (Valérie, service d'oncologie pédiatrique).

Affiner sa posture professionnelle

« Les formateurs, avant de sortir de l’IFSI, nous avaient dit : "prenez vos repères, vos marques avant de vouloir tout révolutionner et petit à petit vous pourrez faire évoluer les organisations de travail". Je ne voulais pas les croire, non il y a forcément des éléments à modifier tout de suite. En chirurgie nous sommes trois nouvelles diplômées alors, en accord, nous avons décidé de relooker la planification des soins. Cela s’est passé sur un week-end. Nous étions fières de nous… Le mardi les "anciennes" sont arrivées ! Ouille, ouille ! Ouille ! Aujourd’hui nous avons réussi à faire un mixte car le cadre nous a soutenu… Et un petit groupe de travail s’est constitué… c’est génial… » (Emilie, service de chirurgie traumatologique)

Besoin de montrer son existence, témoigner rapidement de ses idées novatrices, bref mettre son empreinte dans le système de soins. Tous les jeunes diplômés, lors des échanges, ont exprimé cette envie de voler de leurs propres ailes en affirmant leur identité professionnelle. Certains sont plus patients que d'autres et se laissent encore un peu de temps. « C’est mieux de faire les évolutions en douceur » (Laura) En revanche, ils ont tous repéré les axes d’amélioration à apporter pour rendre plus performante l’organisation de travail ou améliorer la qualité des soins. Ils attendent juste que quelqu’un leur ouvre la porte de la confiance pour pouvoir s’exprimer. « Aujourd’hui, je m’organise à ma manière sans désorganiser le service. Je remarque que mes collègues me posent des questions. Certains ont testé et sont satisfaits de mes propositions… D’autres demandent encore à voir. Mais c’est vraiment valorisant de constater que nous pouvons apporter quelque chose et faire évoluer la profession » (Emilie)

Les nouveaux diplômés investissent leur posture professionnelle au rythme de leur personnalité, de leurs valeurs et de leurs ressources. Ils expriment tous, avec force, le souhait de faire progresser le métier d’infirmier. « Chacun a besoin de l’autre, il est important de se faire confiance et de s’enrichir mutuellement ». (Valérie, service d'oncologie pédiatrique). Ou encore Grégoire : « Moi, je travaille en Suisse. J’ai trouvé une équipe où nous partageons les mêmes valeurs du soin, de l’humain. Nous collaborons dans un respect mutuel. Au moment des transmissions, chacun apporte son idée, sa vision des choses. Chacun à sa place. » Aujourd’hui, chacun investit réellement son métier avec la « grandeur et la naïveté » de la jeunesse, apportant de l’énergie et un souffle nouveau dans les services de soins qui en ont grandement besoin.

Deux conseils pour conclure

Les nouveaux professionnels ont insisté pour que j’exprime, en leurs noms, deux conseils :

  • premièrement aux étudiants de 3ème année, leurs futurs collègues : « Profitez pleinement de vos stages. Demandez à avoir un secteur de soins et réalisez toutes les activités soignantes (soins, papiers administratifs, relevées de visite médicale, téléphoner à l’assistante sociale, au médecin…. Faire la pharmacie….) qui s’offrent à vous. N’hésitez pas à solliciter les soignants pour vous accompagner car demain vous serez tout seul ou presque. » ;
  • deuxièmement aux infirmières qui encadrent : « Vous nous voulez performants, rentables à la sortie. Alors encadrez les étudiants et montrez leur toutes les facettes du métier afin qu’ils partagent, dès la formation, la même vision du métier. Nous savons que cela n’est pas simple tous les jours mais il y a des instants plus propices que d’autres alors il nous semble intéressant de les investir ».

A les écouter, en quelques semaines, ils ont fait un bon en avant, ils ont grandi. L’envol est pris et notre profession peut être fière d’avoir des jeunes diplômés volontaires et créatifs qui ont soif d’apporter un regard neuf à la profession. Il faut peut-être juste canaliser leur énergie et la mettre au service des priorités inhérentes à chaque service de soins. Donnons-leur une place, écoutons-les et construisons ensemble l’art infirmier de 2012.

Je remercie pour finir ces jeunes soignants qui ont exprimé librement et en toute confiance leur propos, dans l'écoute et le respect de l'autre, et qui m'ont offert de riches moments de partage à partir de leurs nouvelles expériences. Pour respecter leur anonymat, j’ai volontairement modifié tous les prénoms.

A l'inverse de ces jeunes diplômés vous n'avez pas encore trouvé le poste qui correspond le plus à vos envies, n'hésitez pas à consulter le site EMPLOI Soignant. Il vous accompagnera dans votre recherche d'emploi et vous proposera de nombreux outils et services.

Isabelle BAYLE
Cadre infirmier formateur
Rédactrice Infirmiers.com
isabelle.bayle@infirmiers.com


Source : infirmiers.com