Des médicaments, des compresses, du matériel d’urgence : la solidarité soignante s’organise pour venir en aide aux sinistrés ukrainiens, plongés en pleine guerre depuis le 24 février. Infirmiers libéraux ou hospitaliers, soignants de tous bords s’activent depuis la France pour préparer des collectes et acheminer l’aide d’urgence. En attendant pour certains de se rendre sur place si besoin…
Depuis plus de deux semaines que la guerre s’est abattue sur l’Ukraine, alors que le bilan des morts et des blessés s’alourdit, les besoins sont immenses. Sur place, ni les civils, ni les infrastructures (hôpitaux, écoles, gymnases), ne sont épargnés, poussant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), très préoccupées par la situation des établissements de santé dans le pays, à rappeler que le caractère sacré et la neutralité des soins de santé, y compris des travailleurs de la santé (…) doivent être respectés et protégés
. Dans ce contexte de guerre, les populations, les soignants sur place, se trouvent naufragés et démunis, parfois sans accès à l’eau potable, sans nourriture, sans médicaments, sans matériel suffisant pour soigner les blessés. Même après avoir traversé la frontière des pays limitrophes pour échapper aux tirs et aux bombes, les rescapés doivent être rapidement pris en charge : ils souffrent de froid, de peur et d’épuisement. En France, les initiatives soignantes se multiplient pour venir en aide aux Ukrainiens et les infirmiers font leur part...
Des cabinets infirmiers se mobilisent
Daniel Guillerm, président de la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI), évoque des initiatives spontanées
et nombreuses
émanant des différentes régions de France, dès les premiers jours
du conflit. Des cabinets infirmiers ont collecté du matériel médical pour approvisionner l’hôpital de guerre de Lviv en Ukraine. Ils se sont organisés via les réseaux sociaux pour centraliser les dons puis les ont fournis à des associations ("Solidarité Senlis Kiev" ou encore "Alliance Occitanie Ukraine") qui se chargent de l’acheminement
, relate-t-il. A présent, les choses s’organisent davantage au niveau national donc le mot d’ordre va être de centraliser les dons auprès de grosses associations comme La Croix Rouge ou la Fondation de France
, précise le président de la FNI. A-t-il eu vent d’infirmiers prêts à se rendre sur place ? Pour l’instant non. On sort d’une crise sanitaire qui a mis la profession à genoux. On est tous dans l’expectative et la crainte de ce qui pourrait arriver. L’investissement de la profession dans ce genre de situation n’est plus à prouver
. Des infirmiers qui partent pour soigner les blessés de cette guerre, il y en a pourtant, à l’image de Gaëlle Biou, une infirmière puéricultrice, également pompier volontaire, qui s’est rendue le 5 mars à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine pour apporter son aide aux centaines de milliers réfugiés qui se pressent là-bas, ou encore de Ingrid Megia, une infirmière de Haute-Loire qui s'est rendue avec son compagnon en Roumanie, à la frontière de l'Ukraine, pour aider les réfugiés et apporter du matériel d'urgence.
Des cabinets infirmiers ont collecté du matériel médical pour approvisionner l’hôpital de guerre de Lviv en Ukraine.
Dans les Bouches-du-Rhône, dans l’Oise, tout un réseau s’est constitué
À l’initiative d’une infirmière, Martine Giordanino, et d’un collectif d’infirmières et d’infirmiers libéraux des 4e, 5e, 10e et 12e arrondissements de Marseille, une collecte de matériel médical et de médicaments non utilisés est organisée auprès des professionnels de santé locaux, précise la mairie de Marseille sur son site. Boîtes de pansements, sets de perfusion, seringues, cathéters, fauteuils roulants… la liste est longue. Cette collecte fera l’objet d’un don à une association humanitaire en vue de son acheminement en Ukraine, est-il encore précisé.
En Ukraine, elle était médecin. Iryna, infirmière franco-ukrainienne installée dans l’Oise, reste en contact étroit avec le ministère de la santé ukrainien pour établir la liste des besoins
, raconte FranceTVinfo, avant de faire le tour des cabinets infirmiers, des pharmacies ou de rendre visite à des particuliers de sa région pour récolter du matériel. Nous aidons les blessés sur place donc les besoins en matériel médical sont multiples surtout pour la gestion de la plaie et des hémorragies. Nous recherchons particulièrement des pansements hydrocellulaires qui permettent d'absorber le sang en grande quantité et qui sont tellement chers qu'il n'y en a pas en Ukraine
, explique-t-elle.
Près de deux semaines après le début de l'invasion russe, la perspective d'un assaut de grande envergure sur des villes ukrainiennes prend corps. On va sans doute vers des encerclements, avec des pseudos évacuations et des bombardements, une gestion par à-coups des convois de médicament et d'alimentation, cela va produire un nombre considérable de victimes civiles
, estimait dimanche un haut gradé français. Comme le disait une infirmière engagée, ces actions représentent « une goutte d’eau dans la mer », mais cette aide reste cruciale, comme tout ce que les soignants peuvent faire pendant cette effroyable guerre.
L'ONI recense les infirmiers qui parlent ukrainien ou russe
Contacté, le président de l'Ordre National des Infirmiers salue les nombreuses initiatives locales
des professionnels dans les territoires
. L'ONI se charge également de recenser les infirmiers avec des compétences linguistiques en ukrainien ou en russe qui souhaiteraient participer à des missions humanitaires
. Patrick Chamboredon soulignait aussi son intention de se rapprocher de la réserve sanitaire pour travailler avec elle
, par exemple au renfort d'hôpitaux susceptibles de recevoir des victimes des affrontements dans les jours à venir. Dans un arrêté paru au Journal Officiel ce 11 mars, il est justement spécifié que la réserve sanitaire est mobilisée (depuis) le 5 mars 2022 pour une durée de 7 jours renouvelable trois fois, à hauteur de 10 réservistes, afin d'assurer un appui de la régulation téléphonique du Centre de crise et de soutien du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la gestion des appels pouvant nécessiter une prise en charge médicale (conseils de médecine générale, appui psychologique)
.
L’AP-HP constitue des stocks
Du côté des hospitaliers, l’Assistance-Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) se mobilise pour apporter une aide en médicaments et en matériel médical aux hôpitaux ukrainiens. S’il n’est pas possible d’envoyer des équipes médicales sur place, l’AP-HP a d’ores et déjà préparé, grâce à son Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS), un premier stock de produit d’urgence et de matériel médical. Un deuxième stock est en cours de constitution pour un envoi ultérieur
, nous précisent les hôpitaux de Paris. Ainsi grâce à la mobilisation de tous, 20 palettes de médicaments et 50 cartons de matériels de premier secours
ont été acheminés le lundi 7 mars avec l’accord du ministère des Solidarités et de la Santé par L’association Aide Médicale et Caritative France Ukraine* et remis aux hôpitaux ukrainiens.
Un poste de secours mobile pourrait partir pour la frontière polono-ukrainienne
Des soignants pourraient également se rendre à la frontière polono-ukrainienne, assure l’AP-HP, pour soigner les réfugiés qui affluent en nombre. Des équipes médicales du SAMU et des hôpitaux de Paris pourraient participer à la prise en charge de problèmes médicaux graves des réfugiés en Pologne
alors qu’un poste de secours mobile (PSM), normalement basé à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil), a déjà été mobilisé par le ministère des Solidarités et de la Santé.
Le soutien est aussi moral
. Au sein de l’Alliance européenne des hôpitaux universitaires (l’European University Hospital Alliance – EUHA), l’AP-HP a pris l’initiative de proposer aux huit autres CHU européens (Barcelone, Berlin, Louvain, Londres, Milan, Rotterdam, Stockholm et Vienne) un texte commun de soutien aux hôpitaux ukrainiens afin de pouvoir répondre à leurs besoins (accueil d’internes francophones, etc.)
*L’association Aide Medical Caritative France-Ukraine, créée en 2014, vient également en aide, notamment aux hôpitaux d’Ukraine, organisant des convois humanitaires en matériel et mobilier médicaux et consommables pour les hôpitaux, maisons de retraite et orphelinats
du pays. Elle prévoit aussi un volet santé mentale avec des formations pour les psychologues ukrainiens dans un contexte de stress post-traumatique
.
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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