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AU COEUR DU METIER

Soins des proches, proches dans le projet de soins

Publié le 14/04/2009

Abstrac présenté au "Forum soignant" de Monaco, le 14 mars 2008.

Contexte

Dans notre service la forte présence des proches du patient au milieu des soins est vécue par le personnel comme une ingérence dans la prise en charge des patients. Pourquoi ?

Individuellement ou en équipe, les soignants témoignent parfois d’un sentiment d’impuissance et d’usure devant les demandes insistantes et incessantes des proches des patients.

Environnement

Nous exerçons dans un service d’oncologie médicale où les traitements sont éprouvants, ce qui augmente les difficultés de prise en charge du patient et de son entourage. Ainsi, les impératifs d’horaires des traitements, le grand nombre d’examens, les obligations de sécurité, les appareillages contraignants sont vécus difficilement et modifient les différentes représentations que les proches ont de la maladie.

Nous accueillons toujours plus de patients et /ou des familles dans la demande, voire l’exigence, de visites hors du cadre des horaires autorisés.

Les soignants se questionnent sur l’opportunité d’accorder ces visites en dehors des horaires et notamment la nuit, et aussi sur l’opportunité de la visite des enfants.

Un autre questionnement des soignants se porte sur l’augmentation de la charge en soins du fait de la présence des proches à toutes heures et de là le surcroît de surveillances et de responsabilités leur incombant.

Aujourd’hui, nous accueillons de plus en plus de patients en soins palliatifs et nombreuses sont les familles qui choisissent l’unité comme lieu de fin de vie de leurs malades. Cette tendance interroge aussi les soignants qui se retrouvent à assumer une charge mentale grandissante en accompagnant malade et proches dans ces moments très douloureux.

Le premier réflexe des soignants a été d’élaborer un projet de service déterminant des règles et un référentiel pour se prémunir des demandes vécues comme abusives. Puis, une réflexion plus profonde a amené l’équipe vers d’autres perspectives, orientée sur l’écoute soignante des besoins des proches dans une nouvelle approche.

Par ailleurs, notre service prend en charge différentes pathologies cancéreuses. Toutes sont difficiles à appréhender et particulièrement, la neuro-oncologie. La prise en charge des patients atteints par cette affection qui souvent provoque des troubles psycho-organiques nous a fréquemment posé des problèmes de fonctionnement et de compétences pour une prise en charge globale et optimale.

Ces malades sont très souvent des patients jeunes, marié(es), avec des enfants. Les familles se retrouvent brutalement en difficulté pour arriver à organiser le quotidien, la scolarité des enfants, les problèmes financiers, la prise en charge du malade de retour à la maison pendant les phases de rémission alors que le conjoint travaille. Les familles témoignent de ces difficultés en manifestant de l’incompréhension, de l’exigence, de la colère auprès des soignants. Tout cela est difficile, et le dévouement de l’équipe ne peut seul venir à bout de cette problématique.

De plus, prendre « soin » de patients en soins palliatifs exige des différents acteurs de soins des compétences et un savoir être qu’il faut sans cesse réactualiser.

Le cas concret illustrant notre intervention au forum est représentatif du flot d’émotion et de questionnement qui s’impose à une infirmière devant la détresse du patient et de ses proches. Dans ce cas précis, le schéma familial de la patiente et celui de l’infirmier est tellement similaire qu’il a posé problème à l’infirmière comme à l’équipe.

‘’Elle s’est embarquée, et l’équipe avec… !’’ Comme nous l’avons dit.

Pour cette situation, le dénouement a été satisfaisant, fait d’attentions et de précautions tant pour la famille que pour notre collègue. Mais il n’en demeure pas moins qu’au moment de l’événement, l’émotion a dépassé le mal être de notre collègue, son professionnalisme et a touché toute l’équipe.

Pourquoi ? Nous nous sommes interrogés très rapidement.

Nous en avons débattu de façon informelle sur le moment, puis en équipe et encore avec l’équipe du DISSPO pour comprendre. Nous réalisons bien là l’utilité des entretiens et réunions qui permettent de désamorcer ces malaises, ces colères, ces désarrois, qu’ils soient ceux des soignants ou des malades ou des proches.

Nous constatons hélas que ces situations deviennent récurrentes, et nous avons donc décidé d’en faire notre projet de service pour les trois années à venir.

Dans l’avenir, notre service fera l’objet d’une grande modification architecturale augmentant la capacité d’accueil avec la création d’une nouvelle aile de cinq chambres de patient. Nous avons déjà proposé de prévoir un lit fixe d’accompagnant dans chacune d’elle.

Notre projet accompagnera cette évolution architecturale, et nous avons choisi de profiter de cette opportunité pour créer une partie de notre futur outil de travail avec l’aide de notre Direction des Soins, notre direction des Ressources Humaines et avec la Direction Générale du CAL qui a déjà retenu diverses de nos propositions.

Objectifs

  • Prendre soin de la famille et des proches, les admettre comme véritables partenaires de soins du patient.
  • Ouvrir l’espace et le temps du service, avec un cadre réglementaire moins contraignant pour les usagers.
  • Favoriser l’émergence des demandes de formation par et pour le personnel du service avec chaque soignant avec son vécu personnel et professionnel et ses demandes spécifiques qui devraient profiter aussi à l’ensemble de l’équipe.
  • Pouvoir accueillir les enfants de patients avec un encadrement attentif et voulu par les deux parties, dans des locaux adaptés et fonctionnels.
  • Pouvoir nous appuyer sur les lois, les décrets, le plan cancer et les concepts comme la proximologie. Cette nouvelle aire de recherche, qui est l’étude des relations entre le malade et ses proches, dans une approche pluridisciplinaire au carrefour de la médecine, de la sociologie et de la psychologie, qui fait de l’entourage des personnes malades ou dépendantes un objet central d’étude et de réflexion.

Mise en oeuvre d'un projet

Nous avons créé trois groupes de travail avec une méthodologie pour s’organiser et fonctionner

  • GROUPE I/ Création de logistique
  • GROUPE II/ Création d’organisation et fonctionnement
  • GROUPE III/ Création de ressources humaines et de compétences

Les dates de réunions sont programmées pour 2008 au rythme de 3 par semaine, une semaine sur deux dans un créneau horaire d’une heure entre 14 et 15 heures.

Les règles de bon fonctionnement voulues et édictées par tous ont été établies

Le service reste en veille et surveillé par une infirmière et une aide-soignante qui permettront à l’équipe réunie de ‘’protéger’’ ce temps de travail dans une salle réservée dans le service.

Un animateur, un rapporteur, un ordre du jour et un compte rendu rédigés à chaque séance.

Chaque soignant sera demandeur pour lui-même de la formation qui lui fait défaut et qu’il veut soit acquérir soit approfondir.

Trois idées fortes

Participer à la reconnaissance de l’entourage des personnes malades comme ressource et acteur clé du projet de soins

Soutenir les relations entre le patient, son entourage et les soignants.

Accueillir les enfants avec un encadrement individualisé.

En l’état actuel du projet, nous avons déjà élaboré un accueil des enfants en visites de leur parent hospitalisé qui devra certainement être retravaillé en fonction de l’avancée des travaux et de la formation des personnels.

Dans la majorité des services de soins adultes, les visites des enfants sont interdites en dessous d’un certain age.

Alors qu’à l’inverse dans les services de pédiatries pour une même pathologie, les parents sont admis et même recommandés dans la participation à l’hospitalisation

Pourquoi alors les enfants, au sein d’une cellule familiale, ne serait-ils pas considérés comme une personne ressource face à la maladie de son parent, et un vecteur de vie ?

Comment un parent malade peut-il se priver de voir et de recevoir ses enfants ?

La vie sociale du malade ne saurait s’arrêter aux portes de l’hôpital. De même refuser à l’enfant un droit de visite, lui mentir ou lui cacher la vérité, ne fait-il pas que majorer sa détresse ? Cela ne peut-il aussi générer de véritables traumatismes à l’age adulte ?

En effet l’imagination de l’enfant reconstruit un univers au moins aussi traumatisant que la réalité elle-même. Le devoir de vérité et de transparence garantit la confiance future de l’enfant envers ses parents, et cette vérité annoncée par des professionnels compétents est à travailler dans notre projet de prendre soins des proches.

Trois obligations

Accueillir,

Expliquer,

Accompagner,

Ces pistes de réflexions sont envisagées en lien avec le projet de service B3. Elles débouchent sur l’élaboration d’une brochure ou dépliant explicatifs donnés au cas par cas aux familles et/ ou patients qui en font la demande, ou alors proposés par le soignant au patient qui serait dans l’attente d’une aide dans ce domaine.

Cette brochure détaillera les modalités concernant l’accueil des ‘’enfants en visite’’ de patients hospitalisés, avec quelques règles respecter.

Une autre brochure destinée aux ‘’proches accompagnants’’ leur permettra de comprendre l’organisation et le fonctionnement de l’unité pour pouvoir ensuite travailler avec l’équipe les modalités de leur présence voire participations à la prise en charge du malade.

Une procédure leur serait proposée par le cadre infirmier ou le médecin du service pour une réalisation de qualité de cet accueil.

Pour réussir cet objectif, une pièce sera mise à la disposition de la famille et des accompagnants dans le cadre de l’extension de l’unité.

Souhaitons que, dés demain les progrès réalisés avec ses projets complèteront et renforceront les innovations thérapeutiques, ainsi que les pratiques médicales en ouvrant de nouveaux horizons à la recherche en soins infirmiers et au fonctionnement de notre système de soins.

Damien COVELLO ( CADRE du service )
Michel BOUCHET  ( IDEP du service )
Philippe LEFEVRE  (infirmier DE)

Référant du projet Mr COVELLO Damien, cadre de santé du service B3 au Centre Antoine Lacassagne de NICE

 


Source : infirmiers.com