Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

IBODE

Sécurité au bloc opératoire : de l'intérêt de la check-list

Publié le 17/04/2014
bloc opératoire ibode

bloc opératoire ibode

Dans une synthèse de documents, la Haute Autorité de Santé (HAS) analyse le travail en équipe au bloc opératoire, l'efficacité de la check-list de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le team training.

Différentes analyses attestent de l'intérêt de la check-list

Trois articles parus récemment apportent un éclairage complémentaire sur la sécurité au bloc opératoire et le travail en équipe - thématiques largement soutenues par la Haute Autorité de Santé (HAS) à travers la procédure de certification des établissements de santé, le dispositif d’accréditation des médecins et la sécurité du patient en général.

La littérature apporte (presque) chaque jour des données soulignant l’importance du travail en équipe et des moyens utilisés pour favoriser son bon fonctionnement : les briefings structurés au travers de check-lists et le soutien (l’entraînement : Team training) à sa mise en œuvre dans le travail au quotidien. Ces trois articles nous permettent de faire un point en la matière. Ils sont proposés par : l’Imperial College of London1 pour le premier, l’équipe de l’Université d’Hasselt2 en Belgique pour le deuxième et la Johns Hopkins University3 pour le troisième.

Résumés

Article de l'Imperial College of London

Malgré les difficultés liées à la variation des travaux retenus, cette revue systématique conclut avec un bon niveau de preuve que l’utilisation de « check-lists sécurité » améliore la qualité perçue du travail en équipe et de la communication au sein de l'équipe. Elle réduit aussi, de manière objective, les erreurs liées à de faibles capacités de travail en équipe. Les auteurs retiennent de cette analyse que ces progrès sont liés à la mise en place d'outils et d'un espace de communication permettant le partage des informations critiques concernant le patient, favorisant la cohésion et la coordination de l’équipe, améliorant la prise de décision, limitant les interruptions de continuité des soins… Toutefois, des outils mal utilisés ou des équipes peu motivées peuvent avoir des effets contraires à ceux recherchés sur le fonctionnement en équipe.

Article de l'Université d’Hasselt 

La deuxième revue systématique porte sur l'efficacité de la check-list OMS en termes de réduction des complications post-opératoires. Malgré l’hétérogénéité méthodologique des études retenues (7 sur 723), les auteurs ont pu réaliser une méta-analyse portant sur trois résultats essentiels :

  1. la survenue de toutes complications post-opératoires,
  2. la mortalité,
  3. l’infection du site opératoire.

Les auteurs concluent à une forte corrélation entre l’utilisation de la check-list et une diminution significative des complications post-opératoires.

Article de la Johns Hopkins University

Le troisième article rapporte près de 500 travaux, qui détaillent tout ce qui a été décrit sous le terme d’amélioration du travail en équipe, secondairement rebaptisé Team Training, avec une grande hétérogénéité de concepts, de programmes, de modalités de mises en œuvre. Cette revue actualisée propose en fait un catalogue (les auteurs parlent même de « constellation » de programmes) de tous les moyens permettant d’entraîner les équipes, ce qui peut être fait en la matière et comment le faire d’où le titre humoristique, à défaut d’être classique, de synthèse narrative de la littérature. Malgré une définition large du « team training » (tout programme qui vise à développer, préciser ou renforcer les connaissances, aptitudes ou attitudes qui sous-tendent les caractéristiques d’un travail en équipe efficace, tels communication, collaboration et coordination), les auteurs retiennent avec un niveau de preuve allant de « moyen à élevé », l’efficacité de cette démarche pour améliorer le travail en équipe, et réduire les effets indésirables et la morbidité, et même la mortalité.

Commentaires

Peu d’articles ont eu plus d’impact au cours des dernières années que celui publié en 2009, dans le New England Journal of Medicine, par le Safe Surgery Saves Lives Study Group piloté par Atul Gawande (chirurgien travaillant au Brigham and Women’s Hospital de Boston). Ce travail avait scientifiquement démontré que l’utilisation d’une check-list pouvait diminuer de moitié le taux de complications post-opératoires ainsi que la mortalité. Bien que cet article soit devenu quasi-instantanément un classique de la littérature scientifique, le travail avait été critiqué par certains du fait de son format « avant-après » et de son manque de données sur la période post-hospitalisation.

Alors que l’utilisation de telles check-lists fait de plus en plus partie de la routine au bloc opératoire pour assurer la sécurité des patients, il est toujours important de continuer à convaincre de l’efficacité de tels briefings, même si intuitivement, on ne peut guère nier leur intérêt.

Le premier papier permet donc de conclure que l’utilisation de check-list a un effet positif sur le travail en équipe au bloc opératoire et la communication. C’est certainement un des mécanismes grâce auxquels ces outils améliorent les processus et résultats des prises en charge chirurgicales - amélioration démontrée dans le deuxième papier (méta analyse). Il faut cependant souligner que la checklist fait souvent partie d’une mesure parmi d’autres pour améliorer la sécurité et que son adhésion n’a pas pu être mesurée directement. Le troisième peut lui, fournir une réflexion sur la méthode pour mettre en œuvre le travail en équipe, qui en médecine, revêt des caractéristiques hautement dynamiques avec des membres participant parfois à différentes équipes… Cette revue souligne l’hétérogénéité de ces « entraînements » tant dans leur conception que dans leur mise en œuvre. Mais un point apparaît clairement : celui de la nécessité des adaptations locales. Le constat clef est que les programmes qui ont affiché leur efficacité, sont ceux qui ont mis en œuvre des interventions groupées, multidisciplinaires et surtout promouvant des pratiques facilement mises en œuvre dans le travail au quotidien.

Quoi qu’il en soit, et dans le cadre de cette « nouvelle » dynamique de travail en équipe, il convient modestement de rappeler une phrase prononcée par William J Mayo, lors de son discours introductif pour les étudiants en début de formation au Rush Medical College en 1910 : It has become necessary to develop medicine as a cooperative science; the clinician, the specialist and the laboratory workers uniting for the good of the patient, each assisting in elucidation of the problem at hand and each dependent upon the other for support - Traduction libre : « Il devient absolument nécessaire de concevoir dorénavant la médecine comme une science / pratique coopérative pour laquelle les cliniciens, les spécialistes et les biologistes unissent leurs efforts pour  le bien des patients, chaque professionnel assistant les autres pour assurer la meilleure prise en charge ».

Initiatives & Développement de Pratiques Collaboratives – n°79 – mars 2014

Notes

  1. Russ S, Rout S, Sevdalis N, Moorthy K, Darzi A, Vincent C. Do Safety Checklists Improve Teamwork and Communication in the Operating Room? A Systematic Review. Ann Surg 2013;00:1–16
  2. Bergs J, Hellings J, Cleemput I, Zurel O, De Troyer V, Van Hiel M, Demeere J-L, Claeys D, Vandijck D. Systematic review and meta-analysis of the effect of the World Health Organization surgical safety checklist on postoperative complications. BJS 2014;101:150-158
  3. Weaver S, Rosen S. Team-training in healthcare: a narrative synthesis of the literature. BMJ Qual Saf 2014;0:1–14.

Dr Laetitia MAY-MICHELANGELI  Dr Philippe CABARROTHaute Autorité de Santé (HAS) http://www.has-sante.fr/


Source : infirmiers.com