« Pas de plan d’économie pour la santé ! » s'est insurgée la Fédération de l’Hospitalisation privée (FHP), à la lecture des montants du PLFSS, examiné le 27 septembre par le conseil des ministres avant d’être voté par le parlement.
La FHP avait pourtant tiré la sonnette d'alarme sur les conséquences de l’inflation qui accroit la dégradation financière d'établissements déjà fortement fragilisés. « L'inflation a été sous-évaluée dans les PLFSS de 2022 et 2023, et son impact sur les établissements n’a pas été pris en compte», soulignait encore, il y a quelques jours, son président Lamine Gharbi lors des 22ème Rencontres de la FHP*. Le message n'a apparemment pas été entendu, alors que « dans le secteur privé, un tiers des cliniques est en déficit et la moitié d’entre elles le seront dès le début de l’année prochaine si les montants annoncés ne sont pas revus», estime la fédération, qui appelle «solennellement» le gouvernement à «revoir la copie».
Les professionnels du privé sont payés 9,4% de moins que leurs homologues du public
Les revalorisations salariales sont l’autre cheval de bataille de la FHP. Les professionnels, et notamment les professionnels infirmiers, du privé sont effectivement moins payés que leurs homologues du public : de l’ordre de 9,4% de moins en 2021 selon le rapport de juillet 2023 de la Drees, alors « qu’ils exercent les mêmes missions ». Se sont d’ailleurs ajoutées, pour le public, l’augmentation du point d’indice, rendue effective au cours de l’été, et, plus récemment, la pérennisation des revalorisations des sujétions (week-end et jours fériés), pour un budget de 1,1 milliard d’euros. Le secteur réclame ainsi un financement de l’avenant 33, censé répondre aux mesures du Ségur dans le public. Signé en juin dernier, après 18 mois de négociation avec l’UNSA et la CFDT et applicable en janvier 2024, celui-ci entérine la refonte des grilles de classification et une augmentation des rémunérations minimales conventionnelles, harmonisées entre les établissements sanitaires, médico-sociaux et du thermalisme. Mais sous réserve de son accompagnement financier par les pouvoirs publics.
Pas de majorations de nuit et week-end pour les personnels du privé
Or « les revalorisations salariales sont uniquement financées pour les établissements publics : les majorations de nuit et de week-end sont de l’ordre de 25% dans le public, mais les personnels du privé lucratif en sont exclus », a protesté le président de la FHP, notant par ailleurs que les établissements de la FEHAP et les centres anticancers (relevant du privé à but non lucratif) en sont, eux, bénéficiaires. « Il est insupportable qu’on ne le soit pas ». La Fédération, qui attend une transposition de ces augmentations salariales pour ces professionnels, chiffre un besoin de financement qui s’élève à 147 millions d’euros pour l’année 2023. Un montant qui grimpe à 269 millions d’euros pour 2024, dont 82 millions d’euros rien que pour l’application des revalorisations des sujétions.
Sur les 4 prochaines années, 3 millions de journées d’hospitalisation devront être absorbées par les cliniques psychiatriques privées.
Des réformes en SMR et psychiatrie mal calibrées
Parallèlement, la FHP appelle à faire évoluer deux réformes de financement : celle des soins médicaux et de réadaptation (SMR, nouvelle appellation des soins de suite et réadaptation) et celle de la psychiatrie. La première, dans les tuyaux depuis une dix ans et dont l’application est prévue dans les prochains mois, « est une mauvaise réforme, un échec », a taclé Lamine Gharbi. Selon les études d’impact, elle entraînerait en effet une diminution tarifaire de 15 à 30% pour les établissements spécialisés, qui prennent de fait en charge des cas complexes, et les condamnerait à fermer, a-t-il avancé. Cette réforme « ne peut pas être appliquée en l’état. Nous demandons une enveloppe complémentaire de 87 millions d’euros, pour donner de l’air aux établissements spécialisés. »
Et côté psychiatrie, la réforme tarifaire a pour but d’uniformiser les modes de financements entre les différentes structures – privées et publiques – et de corriger les écarts qui existent entre les régions. Or, là aussi, les financements manqueraient pour accompagner la transition du privé : 54 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’enveloppe fixée sont ainsi jugés nécessaires. « Sur les 4 prochaines années, 3 millions de journées d’hospitalisation devront être absorbées par les cliniques psychiatriques privées », du fait de l’incapacité du public à prendre en charge l’augmentation des besoins en santé mentale.
Il faut cesser de stigmatiser le secteur privé.
« Nous ne sommes pas un partenaire » du secteur public, mais bien un acteur « complémentaire » dans l’organisation du système de soin, a insisté Lamine Gharbi. Ainsi, selon la FHP :
- Les 1 030 hôpitaux privés représentent 35% de l’activité hospitalière
- Pour des financements qui équivalent à 18% du budget santé.
- Ils prennent en charge 9 millions de patients par an, dont 20% de ceux bénéficiant de l’aide médicale d’État.
- Plus de 55 millions de Français se situent à moins de 30 minutes d’un établissement privé.
- Le privé prend en charge 3 millions de patients dans ses services d’urgence, représente 55% de l’activité en chirurgie et concentre 63% de la chirurgie ambulatoire.
Le secteur privé, un acteur complémentaire du système de santé
La priorité, ici, est d’assurer une forme « d’équité » entre le public et le privé, a défendu Lamine Gharbi. « Il faut cesser de stigmatiser le secteur privé », un acteur « plébiscité » par les Français, « qui lui reconnaissent son souci d’instaurer une relation personnalisée avec les patients ». Un acteur, surtout, qui agit « en complémentarité » avec le secteur public et dont l’importance aurait été reconnue par le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau. « L’écoute induit une prise en compte de nos demandes, nous avons l’impression qu’il a compris les inégalités de traitement », notamment sur les majorations, veut croire le président de la FHP. Reste à savoir, désormais, si cette écoute donnera lieu à des arbitrages qui satisferont la Fédération lors des discussions à venir sur le PLFSS.
*qui se sont tenues le 21 septembre à Bordeaux (Gironde).
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