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Refus de soins: "Le choix du patient doit être respecté même s’il va à l’encontre de l’avis des soignants"

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Publié le 04/07/2022

Face au refus de soins des patients, les professionnels de santé et travailleurs sociaux se retrouvent souvent désemparés, voire parfois “entravés” dans leur prise en charge et accompagnement. S’ils doivent, comme tout un chacun, porter assistance à une personne en péril1, ils doivent plus que tout respecter l’individu et sa vie privée.

Refus de soins

Refus de soins

Hormis les soins psychiatriques sans consentement, il n’est pas possible en France de soigner quelqu’un contre son gré. (lire encadré) D’emblée, Pierre-Brice Lebrun, juriste enseignant le droit depuis une vingtaine d’années principalement dans les secteurs sanitaire, social et médico-social, a rappelé, lors d’une conférence en ligne organisée début juin par l’Institut de formation, recherche, animation, sanitaire et social (Ifrass) sur le sujet du refus de soins, le cadre légal en la matière. Il n’existe aucune possibilité légale d’obliger quelqu’un à se soigner, quels que soient sa pathologie, son âge ou encore les risques pour sa vie et sa santé a poursuivi cet éducateur de formation.

 

Le consentement libre et éclairé du patient

L’article L1111-4 du code de la santé publique (CSP) stipule en effet que toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. […] Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. […] Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

S’agissant spécifiquement des infirmiers, l’article R4312-14 du code de déontologie des infirmiers dispose que le consentement libre et éclairé de la personne examinée ou soignée est recherché dans tous les cas. Lorsque le patient, en état d’exprimer sa volonté, refuse le traitement proposé, l’infirmier respecte ce refus après l’avoir informé de ses conséquences et, avec son accord, le médecin prescripteur. À noter : l’obligation de ne pas se contenter d’un seul refus et dès lors de s’assurer que le refus a été réitéré dans un délai jugé raisonnable repose sur le médecin et non sur l’infirmier2. L’Ordre national des infirmiers (ONI) précise en outre que l’infirmier qui se voit confronter à un refus devra l’indiquer dans le dossier de soins afin d’en assurer une traçabilité et en informer le médecin prescripteur2.

Cas des personnes protégées et des mineurs

Si le respect du choix du patient vaut pour les patients majeurs en état d’exprimer leur volonté, il vaut aussi pour les majeurs protégés ainsi que pour les mineurs. Pas question par exemple de soigner contre son gré une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer quand bien même celle-ci serait protégée par une mesure de tutelle. Et il en est de même pour un mineur bien que ses parents aient à son égard une obligation de soins, notamment vaccinale. Ces derniers peuvent donc imposer des soins (visite annuelle chez le dentiste, rappel vaccinal…) mais jusqu’à une certaine limite (ils ne pourront pas contraindre leur fille de 16 ans enceinte à avorter). Chacun a le droit d’accepter des soins selon un curseur qui lui est propre. Lorsque ses droits fondamentaux sont en jeu, le mineur peut les exercer contre la volonté de ses parents (sexualité, santé, expression en justice…) a ainsi insisté Pierre-Brice Lebrun. Et d’ajouter : Le choix du patient doit être respecté même s’il va à l’encontre de l’avis des soignants.

Pour autant, rappelons que comme pour les patients en état d’exprimer leur volonté, le consentement libre et éclairé des majeurs protégés ou des mineurs doit être systématiquement recherché dès lors qu’ils sont aptes à exprimer leur volonté et à participer à la décision (article R4312-16) : Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, l’infirmier en tient compte dans toute la mesure du possible (article R4312-14 du code de déontologie des infirmiers), ce qui suppose de délivrer « l’information d’une manière adaptée à leur capacité de compréhension ». Reste que le consentement des titulaires de l’autorité parentale est par principe nécessaire pour les actes accomplis sur des mineurs non émancipés et qu’il doit aussi être obtenu auprès du représentant légal d’un majeur protégé même si cela a été récemment assoupli. (lire encadré 2)

Autorisation de soins ou d’opérer : quid de l’accès aux soins ?

Pierre-Brice Lebrun est également revenu sur le cadre légal de l’autorisation de soins ou d’opérer, laquelle – devenue une norme depuis la décennie soixante-dix – n’existe pas réellement. Et ce dernier d’en déplorer l’exigence systématique et illégale, qui de fait « limite l’accès aux soins et bafoue notamment le secret médical des mineurs ». Et ce, alors même qu’en situation d’urgence, le médecin peut se passer de cette autorisation d’autant qu’il est soumis au secret médical par rapport à son patient (article 43 du code de déontologie médicale) et qu’en aucun cas la signature du patient ou du tuteur le couvre, la décharge n’existant pas en droit français.

Entre réflexion collective et décision personnelle

Le refus de soins du patient vient encore soulever la délicate problématique du positionnement (qui repose sur des valeurs éthiques) des soignants comme des travailleurs sociaux. Et Pierre-Brice Lebrun de dresser le constat suivant : L’aspect collégial des décisions prises est davantage reconnu dans le secteur sanitaire que le social et le médico-social, des secteurs où la vie privée est un peu trop débattue sur la place publique et dans lesquels les décisions sont nombreuses à être prises par des tuteurs ou autres référents en santé qui ne sont pas professionnels de santé. Dès lors, quid du respect de la vie privée et du secret médical ? Quid également du positionnement personnel, lequel est de plus en plus remis en cause au profit d’un positionnement d’équipe ? a-t-il encore interrogé. Quid enfin de l’obéissance ? Le droit donne la possibilité de ne pas obéir en permanence a-t-il aussitôt affirmé. Évoquant les comités d’éthique instaurés dans certaines structures accueillant des mineurs afin d’aborder les sujets en lien avec l’autorité, la sexualité…, ce dernier a ainsi convié les professionnels à avoir « une réflexion collective » mais aussi à faire entendre leurs décisions personnelles, l’éthique les conduisant à utiliser tel ou tel outil (signalement au procureur, information préoccupante…) selon les différents codes, mais pas toujours le même. Et de conclure sur la notion fondamentale en droit de l’accompagnement en citant Nelson Mandela : Si tu veux faire pour moi mais que tu fais sans moi tu fais contre moi.*

  1. Porter assistance s’impose à chacun (CP, art. 223-6), mais lorsqu’une personne est en péril, pas seulement en danger. L’article R.4312-6 du Code de la santé publique dispose par ailleurs que l’infirmier ou l’infirmière est tenu de porter assistance aux malades ou blessés en péril.
  2. Brissy S. Code de déontologie des infirmiers, version commentée

Des soins sans consentement… seulement psychiatriques

Les soins sans consentement ne peuvent être que psychiatriques a indiqué Pierre-Brice Lebrun.

Le dispositif des soins psychiatriques sans consentement (SPSC) permet de dispenser les soins nécessaires aux patients qui n’ont pas conscience de leurs troubles mentaux ni de leur besoin impératif de soins. Il existe deux procédures d’admission :

  • l’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers (SPDT) ou en cas de péril imminent (SPPI) ;
  • l’admission en soins psychiatriques sur décision du préfet/représentant de l’État (SPDRE).

La loi prévoit alors les conditions garantissant la protection des droits et libertés de la personne.

Dans son récent guide de bonnes pratiques sur le programme de soins psychiatriques sans consentement, la Haute Autorité de santé (HAS) souligne ainsi dans son sous-chapitre consacré au contexte législatif français que la loi n°2011-803 du 5 juillet 2011, révisée par la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013, a modifié les dispositions relatives aux soins sans consentement. Outre l’introduction d’une nouvelle forme de prise en charge des soins psychiatriques sans consentement, à savoir les programmes de soins psychiatriques, celle-ci a reformulé également un autre mode d’admission : les soins psychiatriques en cas de péril imminent (SPPI) pour la santé ou la vie de la personne, s’il est impossible de recueillir la demande d’un tiers. Elle a mis en place un contrôle systématique des hospitalisations complètes sans consentement d’une durée susceptible de dépasser douze jours, par le juge des libertés et de la détention (JLD), lequel contribue de la sorte aÌ€ garantir les droits fondamentaux des personnes en soins sans consentement.

Sources : Fiche n°6 Les soins psychiatriques ; Guide de bonnes pratiques sur le programme de soins psychiatriques sans consentement, HAS, mars 2021.

Consentement des mineurs protégés

  • Pour les actes usuels que sont des soins habituels, prélèvement de sang par exemple ou des vaccinations, qui n’exposent pas le patient à un risque particulier, chaque parent est réputé agir avec l’accord de l’autre et le consentement de l’un d’eux peut donc suffire (article 372-2 du code civil).
  • Pour les actes non usuels tels que des traitements comportant des effets secondaires ou une hospitalisation, le consentement des deux parents doit être obtenu. Parallèlement, le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté́ et à participer à la décision (article L 1111-4 alinéa 7 du code de la santé publique - CSP).

Il peut arriver que le mineur souhaite conserver le secret sur son état de santé vis-à-vis des titulaires de l’autorité́ parentale (en principe les parents). Ainsi, l’infirmier peut se dispenser d’obtenir le consentement de ces derniers concernant la santé sexuelle et reproductive du mineur. Cependant, il devra s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Si le mineur maintient son opposition, l’infirmier peut mettre en œuvre l’action de prévention, de dépistage ou de traitement (article L.1111-5-1 du CSP). Il n’est pas nécessaire que la vie du mineur soit en danger. Il faudra toutefois, pour s’affranchir du consentement des titulaires de l’autorité́ parentale, que le mineur ait expressément formulé son opposition à leur consultation.

À noter encore l’interdiction faite au médecin d’échanger avec les parents ou aux parents d’accéder au dossier médical (art. R1111-6 du CSP).

Consentement des majeurs protégés

- L’ordonnance n°2020-232 du 11 mars 2020 – prise en application de l’article 9 IV de la loi n°2019- 222 du 23 mars 2019 – a renforcé l’autonomie du majeur protégé́. Dorénavant, le consentement d’une personne majeure bénéficiant d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne doit être obtenu si elle est apte à exprimer sa volonté́, au besoin avec l’assistance de la personne chargée de sa protection.

Selon l’article L.1111-4, alinéa 8, du CSP, le protecteur qui a une mission de représentation à la personne a le pouvoir d’autoriser la décision médicale concernant un majeur protégé inconscient, à la condition de tenir compte de l’avis qu’il a exprimé.

Enfin, le juge n’interviendra désormais qu’en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne en charge de sa protection. La décision du juge porte sur la désignation de la personne apte à consentir à l’acte médical et non sur l’autorisation de l’acte. Les cas d’urgence restent exclus. À noter aussi les articles 458/459 du code civil.

Source : Brissy S. Code de déontologie des infirmiers, version commentée


Source : infirmiers.com