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RECHERCHE

Recherche en soins : le CHU d’Angers valorise les initiatives

Publié le 21/03/2013

Les 11 et 12 avril 2013, s’ouvriront à Angers les Premières Journées francophones de la recherche en soins. A cette occasion, alors qu’Infirmiers.com est partenaire de l’événement, Yann Bubien, directeur général du CHU Angers, et Marie-Claude Lefort, coordinatrice générale des soins, nous livrent quelques arguments pour expliciter leur démarche conjointe qui, au travers de la valorisation de la recherche en soins, tend à valoriser le dynamisme et la créativité des professionnels qui interviennent au plus près du patient.

Interview de Yann Bubien, directeur général CHU Angers

Infirmiers.com - Avec l'organisation de ces premières Journées francophones de la recherche en soins, vous adressez un signal fort en terme de soutien aux équipes infirmières et paramédicales qui développent des initiatives en la matière. C'est une démarche encore rare et la conjoncture hospitalière ne s'y prête guère, qu'est-ce qui vous motive et quels sont vos modèles ?
Yann Bubien - L'idée de promouvoir la recherche paramédicale en France m’est venue en 2009 lorsque j'étais en poste en Grande-Bretagne, en tant que conseiller social de l’Ambassadeur de France. Lors des nombreuses visites d'hôpitaux britanniques, j'ai pu apprécier l'avancée de leurs réflexions en matière de recherche en soins infirmiers. Directeur de cabinet adjoint au Ministère de la Santé en 2010 j'ai participé au lancement du premier Programme Hospitaliers de Recherche Infirmière (PHRI). Il m'a donc paru légitime d'appuyer cette démarche alors que je prenais la direction du CHU d'Angers. A mon arrivée dans l'établissement, j'ai eu la chance de trouver des soignants extrêmement réceptifs à la recherche paramédicale et soucieux de s'approprier cette nouvelle approche du soin. Aussi, l'organisation de ces premières journées dédiées à la recherche paramédicale fait-elle écho à une volonté forte de notre communauté de diffuser une « culture recherche » par le partage des connaissances et la promotion des meilleures pratiques en soins infirmiers et paramédicaux. Les soignants attendent beaucoup de ce sujet - et probablement du congrès - qui s’inscrit dans un mouvement historique d’affirmation des paramédicaux, dans le cadre d'un partenariat équilibré entre l'équipe médicale et l'équipe infirmière : In fine il s'agit de contribuer ensemble à une meilleure qualité de soins pour les patients.

I. C. - Alors que la recherche paramédicale en France n'en est qu'à ses débuts (2010) - tout du moins en terme de communication - vous ouvrez d'emblée votre manifestation à l'espace francophone et donc aux initiatives menées ailleurs. Pourquoi privilégier pour cette première édition les échanges intra-européens, voire internationaux avec on s'en doute la participation des québécoises déjà très avancées dans cette démarche ?
Y. B. - Je suis convaincu que la recherche paramédicale est un véritable levier de changement pour favoriser la diffusion du savoir infirmier. Il ne faut donc pas se tromper et d'emblée inscrire cette discipline dans l'excellence et s'entourer des meilleurs. Il faut alors s'inspirer et s'enrichir des expériences les plus significatives et aller les chercher là où elles se trouvent, certaines dans l'hexagone, d'autres au-delà. Et de fait, ce congrès sera l’occasion de rassembler des professionnels internationaux, intervenants ou congressistes, venant certes du territoire mais également du Canada, de Belgique, du Luxembourg, de Suisse, du Liban, du Cameroun, et même des Etats-Unis. Diversité d'origine, diversité de cursus permettent de proposer un congrès qui peut s'adresser, selon les thèmes et les ateliers, tant aux experts qu'aux novices de la recherche en soin. J'invite chacun à y participer ; il reste quelques places.

I. C. - Les infirmières se plaignent aujourd'hui de leurs conditions de travail qui ne leur permettent que difficilement de mener à bien les soins qu'elles doivent dispenser au quotidien, comment alors leur permettre de prendre du temps pour "penser" et conceptualiser leurs démarches et surtout les évaluer, le but de la recherche ?
Y. B. - En gestionnaire, je vous dirais qu'on gagne toujours à inscrire son action dans une démarche réfléchie et rationalisée. On gagne en temps, on gagne en qualité du service et on gagne en intérêt du travail. En hospitalier, je préciserais que dispenser un soin de qualité personnalisé, c'est améliorer concomitamment les conditions de travail. Avoir la conviction que son implication personnelle porte ses fruits à travers la dispensation de soins de qualité et de sécurité, pour un soignant c'est probablement un facteur important d'équilibre professionnel. Je peux vous dire que les soignants que je rencontre dans les services évoquent en premier lieu leur volonté de dispenser des soins qualitatifs et leur souhait d'assurer la continuité de cette qualité. Or la recherche paramédicale permet, entre autres choses, de donner du sens et de la perspective à son travail quotidien.

I. C. - Quels sont pour vous, en tant que directeur et donc de gestionnaire, les retombées positives des programmes de recherche paramédicales ? Quelles sont les thématiques qui vous paraissent les plus pertinentes ?
Y. B. - D'abord, et peut-être ne le répétons-nous pas assez, il est du devoir du service public hospitalier de participer au rayonnement et au développement de la recherche paramédicale ; cette recherche qui n'est pas encore suffisamment accompagnée et financée par les grands laboratoires alors même qu'elle participe incontestablement à l'amélioration de la prise en charge des patients. Selon moi, nous sommes face à une certaine forme d'enjeu de santé publique nous nous devons –en tant que dirigeants hospitaliers- de relever. C'est d'ailleurs pourquoi au CHU d'Angers, j'ai lancé en 2012 un appel d'offre interne doté d'une enveloppe de 25 000 euros spécifiquement ciblée sur les projets de recherche paramédicale, enveloppe qui, pour l'appel de 2013, s'élève à 50 000 euros. Quant aux retombées positives des programmes de recherche paramédicale, elles sont aussi nombreuses et diverses que le sont les programmes. Leurs bénéfices peuvent s'exprimer tant dans le domaine de la lutte contre les infections nosocomiales que dans ceux de la prévention de la douleur, de l'amélioration de la qualité des soins ou encore celui de l'éducation thérapeutique. Mais ces bénéfices s'inscrivent également dans les périmètres financiers, organisationnels, pédagogiques ou managériaux. Pour s'en persuader, il suffit de se reporter au programme des Premières Journées Francophones de la Recherche en Soins et aux posters scientifiques qui y seront présentés. D'ailleurs aujourd'hui l'intérêt de la recherche paramédicale parait, à beaucoup de professionnels, une évidence. Ces premières journées francophones de la recherche paramédicales ne sont-elles pas placées sous le haut patronage du Ministère de la Santé avec le parrainage de la HAS et de la FHF ?

« Au CHU d’Angers, la recherche paramédicale s’affiche comme un axe de développement fort autour duquel la communauté s’appuie pour développer sa philosophie du soin. »

Le point de vue de Marie-Claude Lefort, coordinatrice générale des soins au CHU d’Angers

Au croisement des sciences médicales et des sciences humaines, la recherche infirmière et paramédicale impose sa finalité : dispenser un « juste » soin en tant que soin sûr, équitable et bientraitant répondant aux exigences de qualité et de respect de la personne soignée et de ses proches. De fait, explique Marie-Claude Lefort, « la concordance entre la réforme des études infirmières et la mise en œuvre des PHRIP a conduit la communauté paramédicale de notre établissement à changer de paradigme. En s’appuyant sur les Evidence Based Practice (EBP) qui s'avèrent très utiles pour aider aux prises de décisions infirmières en terme de raisonnement clinique, dans le développement de la qualité des soins, de la gestion des risques, des organisations performantes et du management motivationnel des professionnels, et sur une structuration interne innovante de la recherche paramédicale, nous sommes passés de la simple motivation à l’action : la recherche paramédicale est aujourd’hui véritablement active, puissant moteur de qualité et de sécurité des soins. » Toutes les démarches en la matière sont accompagnées depuis l’émergence de l’idée jusqu’à l’écriture du projet et ce, en collaboration étroite entre la délégation à la recherche clinique et à l’innovation (DRCI) et la direction des soins. « Il est en effet admis de nos jours, avec l'aide des départements ou des laboratoires de recherche, qu'il peut être judicieux de favoriser la recherche sous forme de programme sur une thématique donnée plus fructueuse dans le développement des connaissances plutôt que sous forme de projets isolés parfois plus difficiles et plus complexe à conduire seul. »

Bien évidemment, l'élaboration d'une recherche infirmière nécessite de disposer de connaissances et de soutiens méthodologiques, de références solidement démontrées au plan scientifique et fondées sur un haut niveau de preuves. « Dans le domaine des soins infirmiers, poursuit Marie-Claude Lefort, il existe des savoirs utiles. Le défi consiste à créer des savoirs reproductibles reposant sur des preuves de pratiques professionnelles pour la profession infirmière. L'introduction de l'EBP permet aux infirmières de développer en lien avec les autres professionnels de santé (paramédicaux et médicaux) des programmes de recherche qui valorisent l'apport de la spécificité de thématiques innovantes comme en témoignent les interventions et les posters qui vont être présentés lors des Journées francophones de la recherche en soins. » En effet, de nombreux sujets de recherche (techniques de soins, raisonnement éthique, bénéfices de l’éducation thérapeutique, création d’outils psychoéducatif, évaluation de programme d’e-learning...) ont inspiré et mobilisé les équipes soignantes de l’espace francophone (Québec, Suisse, Belgique, Maroc...) et parmi les 77 posters présentés d’ores et déjà, 50 ont été retenu par un jury d’experts. Autant de projets qui montrent très clairement que les professionnels paramédicaux font avancer la recherche au bénéfice des malades.

Pour Marie-Claude Lefort, « la recherche en soins infirmiers est un excellent outil de développement d'une posture réflexive (travail de questionnement du sens des situations, de l'action, des phénomènes produits…). Cette réflexivité engage à soumettre à la question nos activités dans les domaines du possible en terme de progression des compétences, des performances en lien avec les choix de vie du patient. La réflexivité engage nos valeurs de respect de la personne, de bienveillance et l'éthique de notre profession. C'est pourquoi nous devons progresser pour aider les chercheurs à travailler en équipe, au sein de laboratoires, au sein de réseaux, sur des projets pour lesquels ils seront soutenus méthodologiquement, dans la perspective de contribuer à créer des résultats utiles, utilisables et reproductibles. » Soulignons en effet qu’en France, les infirmières disposent de très peu de références validées et de soutiens méthodologiques sur lesquels elles peuvent s'appuyer pour délimiter clairement une question ou des questions de recherche, mettre en évidence la méthodologie appropriée, faire ressortir les principaux résultats, expliciter des résultats portant une valeur ajoutée de façon reproductible.

« Lever les inquiétudes et inscrire la recherche en sciences infirmières
dans une dynamique d'accessibilité et de progression. »

Pour conclure

Ces Premières Journées francophones 2013 visent donc à démontrer que la recherche infirmière peut s'appuyer sur des aides méthodologiques, sur des productions de connaissances (départements, laboratoires de recherche), des systèmes d'échanges de preuves scientifiques provenant de revues d'études systématiques. Ainsi, à leur tour, les infirmières pourront mettre en évidence de nouvelles sources de connaissances (expertise, intuition, perspicacité clinique…) et favoriser la reconnaissance de ces nouveaux savoirs par d'autres professionnels et notamment des médecins rompus depuis bien longtemps à la démarche de recherche par le biais de l’Evidence Base Medicine (EBM ou médecine factuelle) qui se définit comme l'utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures données (preuves) actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient.

Ce sont toutes ces pistes de réflexion que ces Premières Journées francophones de recherche en soins ont pour objectif de développer afin de lever les inquiétudes et d'inscrire la recherche en sciences infirmières dans une dynamique d'accessibilité et de progression. Comme le souligne Marie-Claude Lefort, « la recherche infirmière est une exigence professionnelle avant d'être une exigence réglementaire » et Yann Bubien de conclure : « la dynamique de recherche d’un établissement de santé est une valeur-ajoutée que je me dois de souligner car elle permet de mobiliser toute la communauté soignante autour de la qualité et de la sécurité des prises en charge. » Deux jours durant les soignants auront à cœur de l’expliciter et nous en rendrons compte a posteriori ici, sur nos pages.

En pratique

1eres Journées francophones de recherche en soins

  • Dates : jeudi 11 avril 2013, 08h00 – vendredi 12 avril 2013, 15h00
  • Lieu : Centre des Congrès d'Angers - 33 boulevard Carnot - 49100 Angers
  • Renseignements et inscriptions : CHU Angers - Service communication, Tél. : 02 41 35 53 33 recherche-en-soins@chu-angers.fr ; inscriptions en ligne : www.jfrs.fr

Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Infirmiers.com
bernadette.fabregas@infirmiers.com


Source : infirmiers.com