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Psychiatrie - Les soins sans consentement, une pratique difficile

Publié le 17/09/2011

Les nouvelles procédures de soins sans consentement en psychiatrie ont été appliquées correctement depuis le 1er août mais dans des conditions extrêmement difficiles pour les établissements, selon les témoignages recueillis par l'APM.

Les principales difficultés sont dues au nombre plus important de certificats médicaux à produire et à l'organisation des audiences des patients devant le juge des libertés et de la détention (JLD), deux novations de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

Les syndicats et organisations de psychiatres et de directeurs hospitaliers ont été reçus en fin de semaine par le cabinet du ministre de la santé pour faire un premier point sur l'application de la loi

La situation n'est pas encore stabilisée mais globalement la loi a été appliquée sans incident majeur, estime-t-on au cabinet de Xavier Bertrand. La mise en place de procédures impliquant les directeurs d'hôpital, les psychiatres et les juges nécessite un temps d'adaptation.

La loi est d'application complexe, reconnaît-on, mais le ministère a mis en oeuvre des moyens exceptionnels pour favoriser son appropriation, à travers un site internet dédié et des questions-réponses qui ont été enrichies au fur et à mesure de la remontée de sujets. Les réponses fournies ont été validées par toutes les administrations concernées, la santé, l'intérieur et la justice le cas échéant.

Plusieurs directeurs interrogés par l'APM ont fait état de leur soulagement face à une application de la loi sans incident majeur, qui aurait pu entraîner une rupture de soins pour des personnes en état de crise.

Le surcroît de travail est très important. "Nous avons eu beaucoup de difficultés à faire autre chose que l'application de la nouvelle loi", souligne le directeur de l'EPSM Lille-métropole et président de l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm), Joseph Halos.
"Le bureau des entrées est très sollicité dans la constitution des dossiers et l'édition des documents appelés à être transmis au tribunal", a déclaré Joseph Halos.
"Les agents du bureau des admissions ont énormément travaillé sur les procédures et ils ont pris du retard sur la facturation, qu'il va falloir rattraper", confirme le directeur du CH Pierre Jamet d'Albi, Gilbert Hangard.

Les médecins ont joué le jeu et les magistrats sont très à l'écoute mais c'est "très lourd", souligne le directeur de l'établissement public de santé mentale de la Marne (EPSMM) de Châlons-en-Champagne, Xavier Dousseau.

Le président de la commission médicale d'établissement (CME) du CH du Vinatier (Rhône), Jean-Pierre Salvarelli se dit catastrophé. "Nous avons été obligés de créer une astreinte spécifique pour rédiger les certificats". "Les procédures sont chronophages et prennent du temps clinique, au détriment des patients. C'est une gabegie absolue".
Au centre hospitalier interdépartemental (CHI) de Clermont-de-l'Oise (Oise), août a été "un moment de créativité quotidienne", résume le président de CME, Jacques Helluy. "Nous n'avons pas eu de grosse difficulté mais nous avons travaillé 12 heures par jour, nous avons été submergés".

Des problèmes de disponibilité

Le transport au tribunal pose de réels problèmes de disponibilité des soignants pour l'accompagnement, à raison de deux soignants par patient."C'est du temps perdu pour le soin réel", regrette Joseph Halos. "C'est un point qu'il convient de revoir. Il y a une étude économique et sociale à mener sur le coût de l'accompagnement à raison de deux agents pendant deux-trois heures.

"Nous avons produit beaucoup de certificats d'incompatibilité de l'état du patient à comparaître devant un juge" sans que les raisons soient forcément médicales, témoigne un médecin. "Dans une partie des cas, nous n'étions pas persuadés que l'audience lui apporterait quelque chose, dans les autres, nous n'avions tout simplement pas de soignants pour accompagner au tribunal qui est à 60 kilomètres".
Même dans le Rhône, où juges et greffiers se sont déplacés dans les établissements, la procédure a tout de même été très lourde, témoigne le directeur du CH du Vinatier, Hubert Meunier.

La bonne organisation n'a pas empêché des levées de mesures contre l'avis des psychiatres. Ainsi, six patients du CH du Vinatier ont eu une levée d'hospitalisation, pour une saisine hors délai pour un détenu hospitalisé à l'unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) (qui a abouti à un retour en détention), pour des certificats jugés insuffisamment circonstanciés ou dans un cas où le tiers à l'origine de la demande n'a pas été jugé légitime. Chacune des levées a été gérée au bénéfice du patient, dans un cas par un passage en soins librement consentis, indique Hubert Meunier.

Dans un établissement de Picardie, le procureur a levé deux hospitalisations d'office dans la même journée en raison "d'erreurs", l'un pour un problème de date et l'autre du fait du juge qui "connaissait mal la loi" et n'avait "pas compris que le programme de soins faisait partie des soins sans consentement", témoigne un médecin. Mais des mesures immédiates de réhospitalisation ont été prises.
"Nous nous retrouvons avec des sorties aléatoires, il n'est pas possible de fonctionner comme cela", déplore-t-il.

Les patients destabilisés

L'audience devant le JLD (juge des libertés et de la détention) est jugée déstabilisante pour les patients, qui ne comprennent pas toujours son enjeu. "Certains se demandent ce qu'ils ont fait pour être transportés au tribunal", indique la directrice du CHS de Sotteville-les-Rouen (Seine-Maritime), Véronique Hamon.

"Pour eux, aller au tribunal, c'est aller en prison et par ailleurs il n'est pas facile de rester deux heures dans le couloir, certains croient que la mesure va être levée et cela crée des frustrations qu'il faut gérer ensuite", relève Gilbert Hangard. Il y a eu des incompréhensions sur des mots. "Quand le juge indique qu'il délibère, certains pensent qu'il les libèrent".
Joseph Halos a eu connaissance d'un cas où le patient s'est énervé et s'est retrouvé dans une situation d'injure à magistrat.

Directeurs et psychiatres réclament que les juges se déplacent à l'hôpital et oeuvrent pour les convaincre."Quand le magistrat se déplace, nous avons toujours un écho positif", souligne Joseph Halos. "Nous sentons que les magistrats sont attentifs à nos préoccupations. On sent déjà une évolution". A Châlons-en-Champagne, Xavier Dousseau se réjouit qu'un JLD ait tenu sa première audience à l'hôpital début septembre.


Source : infirmiers.com