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Pour l’OCDE, travailler auprès des sujets âgés ne paye pas… assez !

Publié le 01/07/2020
OCDE

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Pour l’OCDE, travailler auprès des sujets âgés ne paye pas… assez !

Pour l’OCDE, travailler auprès des sujets âgés ne paye pas… assez !

Salaires très bas, manque de temps, sous-effectifs, turn over important… le secteur des soins et de l’aide aux personnes âgées est en difficulté. Ce n’est pas nouveau et c’est le cas dans plusieurs pays d’Europe. Néanmoins, la France se démarque et pas en bien ! L’OCDE s’est penchée sur ce problème et vient de publier un rapport énumérant les nombreuses problématiques mais aussi préconisant plusieurs pistes à suivre pour améliorer la situation et rendre le secteur plus attractif.

Pour soulager les salariés de maisons de retraite, le rapport de l’OCDE préconise, entre autres, de s’appuyer sur des infirmiers libéraux.

On le sait, le secteur de prise en charge aux personnes âgées peine à recruter. Apparemment, la problématique n’est pas une spécificité française, même si dans l’Hexagone, c’est particulièrement criant ! Le secteur "souffre de sous-effectifs et il est probable que cela s'empire à l'avenir", s'alarme l'OCDE dans un rapport sur le sujet paru récemment. Ainsi dans les trois quarts des Etats membres, entre 2011 et 2016, la hausse du nombre de professionnels du secteur est nettement inférieure au vieillissement de la population.  Pour pallier cet écueil il faudra, d’après les statisticiens, augmenter la masse salariale de près de 60% en moyenne dans les pays d’ici à 2040 (ce qui représente environ 13,5 millions de personnes) et ce juste afin de sauvegarder les ratios actuels entre les seniors et le nombre de salariés qui s’en occupent.  Or, malgré ces prévisions, seulement la moitié des pays de l'OCDE et de l'UE ont mis en œuvre des politiques ou des réformes pour améliorer les recrutements dans le domaine depuis 2011. Il est donc primordial de chercher des solutions pour répondre à cet enjeu démographique majeur, et cela passera forcément par une revalorisation des métiers associés à la gériatrie.

En France, la situation est particulièrement préoccupante . Les données dévoilent une moyenne de 2,3 salariés pour 100 seniors de plus de 65 ans, contre une moyenne entre tous les Etats de 5 salariés pour 100 personnes âgées. Si l’on suit les estimations, les effectifs en France ne devraient pas augmenter de 60%, mais de 90% d'ici 20 ans. Les récents rapports Libault et El Khomri avaient d’ailleurs chiffrés à 150 000 équivalents temps pleins nécessaires d’ici 2030 pour l’un et 350 000 personnes à former d’ici 2024 pour garantir des conditions de travail optimales pour l’autre. Le défi s’annonce de taille puisque parallèlement 41% des EHPAD ont avoué avoir des problèmes de recrutement en 2015 et 63% des établissements ont déclaré avoir des postes vacants depuis plus de six mois.

Les possibilité d’évolution dans ces emplois restent limitées alors qu’à l’hôpital, les progressions de carrières sont plus avantageuses.

Des métiers peu rémunérés et des contrats précaires

Le manque d’attractivité peut provenir en premier lieu des rémunérations. En effet, les travailleurs du secteur restent parmi les moins bien payés par rapport à leurs collègues aux qualifications similaires exerçant dans d’autres domaines de la santé. Pour comparer, le salaire horaire médian est de 9 euros par heure pour les professionnels travaillant dans la prise en charge des seniors dans 11 Etats membres de l’OCDE alors qu’il s’élève à 14 euros par heure pour ceux exerçant le même métier à l’hôpital ! Le rapport note qu’un faible salaire a également des implications sur l’égalité de genre, ce type d’emploi demeurant très féminisé .

Point déjà soulevé par d’autres experts, les contrats non standards et souvent précaires sont beaucoup plus fréquents dans le secteur . D’après les chiffres, 45% des salariés dans l’OCDE travaillent à temps partiel, ce qui est deux fois supérieur au taux moyen dans l’économie. Quant aux contrats à durée déterminée, ils concernent 20% de la totalité des emplois dans le domaine, un pourcentage 25% plus élevé que le taux moyen. Ce type d’emploi pour s’avérer attrayant pour certains mais implique tout de même des difficultés pour obtenir un revenu décent surtout avec des rémunérations de base déjà modiques. De même, les professionnels ont moins aisément accès à des promotions ou à la protection sociale.

En France, par exemple, les résultats de la dernière vague de l'enquête auprès des établissements d'hébergement pour personnes âgée / EHPA montrent qu'en 2015, 34,6% des professionnels en établissement étaient des intérimaires.  En outre, d’après le rapport El Khomri, près de 80% des employés à domicile sont à temps partiel.

En France il est estimé que la moitié de la population âgée ayant besoin d’être pris en charge reçoit en moyenne 1h10min par jour de soin ou d’aide d’un professionnel. 

Source : OCDE

Des conditions de travail à améliorer

S’occuper de seniors implique accomplir toute sorte de tâches, certaines très lourdes et demandeuses en énergie. Le rapport met en exergue de forts taux d’absentéisme dans les professions concernées. Plus de 60% des salariés ont rapporté à travers l’ensemble des territoires avoir été exposés à de nombreux facteurs de risque pouvant nuire à leur santé physique. Les troubles musculosquelettiques arrivent bien sûr en tête, notamment les maux de dos après avoir soulevé des patients. Cependant, près de la moitié des professionnels ont aussi été soumis à des facteurs de risque quant à leur bien être psychologique. Plus précisément, ils peuvent être confrontés à de mauvais comportements de la part des résidents surtout s’ils souffrent de pathologies neurodégénératives mais, de nombreux salariés évoquent aussi avoir fait l’expérience à plusieurs reprises de pressions et de contraintes. Là encore, la France n’est pas l’exemple à suivre : 85% des professionnels affirment être exposés à des facteurs de risque physiques ou psychologiques, et 15% ont souffert d'accidents ayant provoqué des blessures, des données qui s’avèrent deux fois supérieures à la moyenne de l'OCDE. 

D’autre part, les professionnels disposent souvent d’un temps limité auprès des patients ce qui engendre une frustration de mal faire. Ils soulignent qu’ils n’ont pas toujours l’autonomie nécessaire pour répondre aux besoins des patients et aux exigences administratives élevées. Dans un certain nombre de pays, le travail du soin est devenu de plus en plus standardisé, générant une charge administrative plus lourde et un sentiment de manque de contrôle, analysent les spécialistes.

Enfin, un problème de compétence et de formation est soulevé dans le rapport . La plupart des personnes exerçant dans ce secteur ne bénéficient pas de connaissance en gériatrie suffisantes car celles-ci ne sont pas enseignées dans le cursus général. Paradoxalement, les infirmiers sont parfois surqualifiés pour certaines des tâches de base qu’ils accomplissent, fournissant fréquemment de l’aide aux soins de nursing, observent les experts.

Toutes ces problématiques rendent ces métiers peu attractifs et expliquent en grande partie l’important turn over constaté dans ces professions. Or, cela n’est pas sans conséquence pour les personnes âgées, cela réduisant l’efficacité à prodiguer des soins de qualité. D’après les estimations, une hausse de 10% des turn over a été associée à une augmentation de la mortalité dans les maisons de retraite ainsi qu’à une réduction dans la qualité des soins et dans le contrôle des infections.

En France, une étude a révélé qu'une augmentation du salaire des professionnels du soin était associée à une diminution de la probabilité de quitter l'établissement.

Des pistes d’amélioration

Il est évident que la première chose à faire est de revaloriser le secteur afin d’aider les professionnels à rester motiver et ainsi réduire les turn over. Une hausse des rémunérations et une réorganisation permettant davantage de possibilités d’évolution de carrière semblent nécessaires. De même, optimiser l’environnement de travail pour éviter les risques qui y sont associés peut être une solution. Aux Pays-Bas notamment, des programmes de gestion du stress ont été déployés.
Changer l’organisation du travail peut également s’avérer une stratégie prometteuse pour améliorer la satisfaction des salariés. En Australie, par exemple, des modèles pour gérer les plannings de manière plus flexible dans les maisons de retraite ont montré une diminution des départs.

En outre, la formation pour ce type de métier devrait être revue et optimisée. Des salariés avec des connaissances plus avancées en gériatrie, et avec des compétences de coordination ou de communication seraient plus aptes à aborder toutes les situations rencontrées durant leur exercice. En France, le rapport Libault recommandait la création d’une nouvelle spécialité dans ce domaine et préconisait que la détection d’une fragilité chez les patients âgés devait faire partie des enseignements.

L’usage des nouvelles technologies peut potentiellement soulager les salariés notamment pour des tâches lourdes (porter les patients) ou pour simplifier la communication et donc les coopérations. En Ille-et-Vilaine, un outil de télésuivi a été testé pour aider les infirmiers à communiquer en temps réel, pour organiser leurs tournées plus facilement et pour partager les données médicales des patients en toute sécurité.

Autre proposition développée dans le rapport : accroître la coordination entre les différents secteurs (comme l’hôpital et les soins à domicile) et surtout entre les différents professionnels de santé. Des alternatives pour assurer la continuité des soins sont possibles, notamment en élargissant le rôle des infirmiers et des aides à domiciles afin qu’ils assurent la surveillance de l’état de santé des seniors, leur éducation thérapeutique et le rôle de coordonnateur entre l’établissement de santé et le domicile.

Au Portugal, des infirmiers peuvent, après avoir été préalablement formés, à la fois soigner et traiter. Ils acquièrent aussi des compétences de gestion et d’autres purement médicales. Aux Pays-Bas, en Espagne et aux États-Unis, les infirmiers se voient confier un rôle clé pour assurer la sortie de l'hôpital et accomplir les soins appropriés à domicile.

Les prises en charge deviennent plus complexes à mesure que les personnes souffrant de multiples maladies chroniques atteignent des âges de plus en plus avancés. Les professionnels du secteur sont amenés à effectuer davantage de coordination et de tâches de gestion. Tout cela nécessite une formation adéquate. C’est pourquoi le Québec, Le Royaume-Uni et les États-Unis encouragent la mise en place d’équipes multidisciplinaires travaillant ensemble pour permettre aux personnes âgées de rester le plus longtemps possible à la maison. S’inspirer de ce qui se pratique dans les autres Etats pourrait-il indiquer à nos dirigeants la marche à suivre ?

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com