Infirmier sur ferry, Jean-François Guérinel assure la sécurité des passagers entre la Grande-Bretagne et l’Espagne, le temps d’une traversée. Seul à bord, l’acte infirmier prend toute sa dimension… Cet article a été publié dans la revue Avenir et Santé de décembre 2011, magazine de la Fédération nationale des infirmiers, que nous remercions une fois encore de ce bel échange.
Éternel voyageur. Depuis dix ans, Jean-François Guérinel est infirmier à bord d’un ferry qui assure la liaison Roscoff (Finistère Nord) – Portsmouth (Grande-Bretagne), puis Portsmouth–Bilbao (Pays Basque espagnol) ou Santander (Espagne). Soit jusqu’à 24h pour traverser le Golfe de Gascogne sur des bâtiments de 125 mètres de long. Une journée et une nuit de navigation et d’astreinte pendant lesquelles Jean-Yves Guérinel est responsable de l’état de santé de 1.200 à 1.500 passagers et de la centaine de membres d’équipage du Pont-Aven ou du Cap Finistère. « Je prends en charge tous les problèmes sanitaires qui peuvent apparaître à bord, du simple rhume jusqu’à l’infarctus mésentérique et autres arrêts cardiaques en passant par toutes les suspicions possibles de fractures ou déshydratations dues au mal de mer », explique ce Morbihannais d’adoption.
« Mes responsabilités sont réelles et en aucun cas inféodées, lorsque j’interviens en première intention et réalise un premier diagnostic. »
Un exercice proche du libéral qui mobilise le rôle propre
Il est en effet seul responsable, à bord, de la clientèle/patientèle de ces ferries, puisqu’aucun autre professionnel de santé n’est embarqué sur le navire. « Je ne peux compter que sur les deux veilleurs de nuit et les deux hôtesses qui sont issus des rangs du personnel hôtelier et que j’ai formés au secourisme en tant que PAE3 (pédagogie appliquée aux emplois/activités de classe 3) pour faire partie de la cellule de secours », précise-t-il. Ils peuvent ainsi brancher un électrocardiogramme, le temps pour Jean-François Guérinel de passer une perfusion. Car, conformément aux règles qui régissent l’organisation maritime internationale, le médecin-chef de la compagnie armatrice, Brittany ferries, est sur un autre navire et ne supervise en rien l’exercice de Jean-François Guérinel. « Mes responsabilités sont réelles et en aucun cas inféodées, lorsque j’interviens en première intention et réalise un premier diagnostic », ajoute avec conviction cet ancien libéral ravi de pouvoir exercer son métier dans sa pleine acception. Une pratique qui le conduit même à gérer, seul, la pharmacie du bord. « Conformément à la dotation éditée par les affaires maritimes, nous disposons globalement de toute la pharmacopée disponible en officine : médicaments pédiatriques, produits indiqués pour les pathologies cardio-vasculaires, antalgiques, antipyrétiques, antihistaminiques… ».
Jean-François Guérinel peut bénéficier, en cas de besoin, d’une assistance médicale via le Centre de consultation médicale maritime (CCMM) qui est basé au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Purpan à Toulouse. « En cas de doutes sur une pathologie ou de difficultés pour analyser un cas complexe, j’ai toujours la possibilité de les joindre au téléphone pour obtenir de l’aide. » Une contribution précieuse puisque la conversation, qui est enregistrée, a valeur d’ordonnance. D’autant que la population embarquée est particulièrement variée. « Aux familles avec des enfants et des petits enfants qui embarquent l’été, succèdent plutôt des séniors, en basse saison », précise Jean-François Guérinel.
Un mode d’exercice assez proche du concept libéral. « Nous avons vocation à être autonomes et capables de gérer n’importe quel problème ». Mais avec une vraie place au raisonnement clinique. Une autonomie qui lui a redonné goût à l’exercice infirmier. Libéral à Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) pendant vingt-deux ans, Jean-François Guérinel avait en effet fait le tour de la question. « J’étais lassé des soins de nursing et j’avais le sentiment d’une régression de la profession qui se retrouvait de plus en plus sous la coupe du corps médical, ne pouvant même plus pratiquer librement les actes relevant du périmètre infirmier », se remémore, un rien dépité, ce grand-père de trois petits enfants. D’où un virage à 180° afin de « sortir à la fois de la dépendance vis-à-vis du prescripteur et du nivellement par le bas. » Objectif : exercer pleinement sa profession !
En opposition avec un système médico-centré
Une façon également de concilier une passion inaltérable pour son métier et son besoin de voir du pays. « Quand j’exerçais en libéral, je cherchais toujours à me libérer du temps pour partir un ou deux mois avec une organisation non gouvernementale (ONG) active en Inde et au Vietnam ». Un bon moyen de découvrir « une autre facette de la profession et de conserver une réelle conviction pour le métier d’infirmier ». Une vision aux antipodes d’un « système français de santé toujours autant médico-centré ». Et de déplorer : « Ce n’est pas la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires (HPST) qui a changé quoi que ce soit ».
Une lourdeur administrative intolérable pour lui. « Il fallait toujours se battre, au travers des commissions paritaires départementales ou régionales, pour obtenir des dérogations locales, sans jamais réussir à faire évoluer une nomenclature obsolète », se rappelle-t-il. Avant d’ajouter : « La pression du lobby médical est tellement forte que les infirmiers ne récupèrent que des miettes ». Sauf à bord des ferries où, de fait, il est seul à bord !
Un parcours aux multiples facettes
Ancien président du syndicat FNI du département d’Ille-et-Vilaine, Jean-François Guérinel est un ardent défenseur de l’acte infirmier. Installé comme infirmier libéral pendant plus de vingt ans en Bretagne nord, après avoir exercé dix ans en hôpital, il a également accompli de nombreuses missions humanitaires sur ses temps de congés. Jusqu’au jour où, cédant à l’appel du large, il a décidé de décrocher sa plaque et de poser son sac à bord d’un ferry.
Après avoir exercé plus de 20 ans en libéral, Jean-François Guérinel a choisi d’assurer la sécurité des passagers des Cap Finistère assurant la liaison vers la Grande Bretagne ou l’Espagne, seul responsable de l’état de santé de 1.200 à 1.500 passagers et de la centaine de membres d’équipage.
Cet article est paru dans la revue de la FNI Avenir & Santé, n°399 décembre 2011, pp. 40/41
Nathalie PETIT
Responsable de la rédaction Avenir & Santé
http://www.fni.fr
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