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Plaies cancéreuses : quelle prise en charge ?

Publié le 13/05/2016
radiodermites plaies et cicatrisation

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plaies cancéreuses

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atelier soins service hartmann

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vidéo Hartmann

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Un Atelier Soins Service Hartmann a réuni environ 70 infirmiers hospitaliers et libéraux le 9 décembre 2015 à Lille. L'objectif : échanger, enrichir leurs connaissances et optimiser la prise en charge du patient en oncologie et le suivi des plaies tumorales. Explications.

Prendre du recul sur sa pratique, faire des rencontres, mettre à jour ses connaissances… la finalité des ateliers Soins Service Hartmann qui accueillent, chaque année, 10 000 professionnels de santé partout en France.

Le 9 décembre 2015, 70 soignants ont en effet bénéficié d'une formation sur la prise en charge du patient en oncologie et le suivi des plaies tumorales. Organisée par les laboratoires Hartmann1, cette session a permis aux participants, infirmiers salariés comme libéraux, d'échanger, parfaire leurs connaissances, manipuler le matériel et les nouveaux pansements et obtenir des réponses à leurs interrogations grâce à l'intervention d'Isabelle Drouard, cadre de santé, référent cicatrisation au centre Oscar Lambret (Lille). Ainsi, Chloé, infirmière libérale, avoue être particulièrement seule durant son exercice quotidien. Cet atelier est donc l'occasion pour elle de prendre du recul, faire des rencontres et de mettre à jour ses connaissances. D'autant plus que le sujet est technique. Pour Pierre, lui aussi IDEL et régulièrement confronté à des patients ayant ce type de plaie, il est parfois nécessaire de prendre conseil auprès d'un expert, ce qui n'est pas évident lorsque l'on exerce en milieu rural. Ces ateliers nous permettent de savoir concrètement comment agir lorsque la situation est délicate, souligne Sandra, infirmière en Ehpad.

Plaies cancéreuses : une prise en charge spécifique

Comme l'a souligné Isabelle Drouard en préambule, les objectifs de prise en charge des plaies cancéreuses sont complètement différents de ceux d'une prise en charge classique. Dans ce cas de figure, la cicatrisation n'est en effet pas prioritaire ; il s'agit en effet de prendre en charge les symptômes et de soulager le patient.

Elle a donc rappelé que l'étiologie de ces plaies peut être :

  • des formes initiales de cancer (tumeurs primitives cutanées ulcérées) ;
  • des récidives cutanées et/ou lymphatiques (nodules) ;
  • induites par les traitements (radiodermites).

Des caractéristiques propres

Les plaies cancéreuses sont des plaies chroniques spécifiques qui se caractérisent, entre autres, par une absence de cicatrisation après un délai de quatre à six semaines à la suite de l'apparition de la plaie. Isabelle Drouard explique que sur le plan algique, elles provoquent une compression nerveuse, des démangeaisons, des brûlures ou encore des décharges. Sur le plan fonctionnel, une impotence secondaire et un délabrement osseux peuvent survenir. Par ailleurs, le patient risque des complications infectieuses (la plaie est colonisée et le patient est souvent immunodéprimé) et hémorragiques. Les plaies tumorales ont aussi des conséquences lourdes socialement et psychologiquement. Difficiles à cacher et malodorantes, ces plaies peuvent en effet poser problème dans l'intimité, sa représentation et dans la vie familiale ; les mots employés par les enfants (« atrocité », « pourriture »…) peuvent notamment être très déstabilisants et complexifier encore les relations familiales et au-delà.

Quid de la stratégie thérapeutique ?

Comme l'a rappelé Isabelle Drouard, lors de la prise en charge des plaies cancéreuses, il faut veiller à être en adéquation avec le contexte qui peut être curatif ou palliatif. Généralement, la cicatrisation n'est pas prioritaire. Cela nécessite d'être clair avec le patient dont la coopération est primordiale. Pour certains d'entre eux, il est en effet inenvisageable de changer ses pansements plusieurs fois par jour. Dans ce cas, il est possible de lui proposer d'être acteur de sa prise en charge locale. Le rôle de l'infirmier est alors de prendre en charge les symptômes (odeurs, exsudats, saignement…), de limiter la contrainte du soin (durée, fréquence) et d'anticiper le risque hémorragique (rupture ou fissure de vaisseaux par la tumeur) et infectieux. Le soutien psychologique et la relation d'aide sont également déterminants. Des enjeux souvent délicats à gérer en service de soins comme à domicile.

En pratique...

Durant son intervention, Isabelle Drouard a donc donné aux soignants en attente de solutions des conseils pratiques pour savoir comment agir face à la douleur et à la souffrance, aux saignements, odeurs, risques infectieux et exsudats.

Face aux saignements

Face aux saignements, l'application de pansements atraumatiques (interfaces) est à privilégier car ils sont faciles à enlever. Les pansements alginates peuvent également être utilisés pour leur propriété hémostatique et leur action drainante. Il est généralement rassurant pour l'infirmier d'en avoir sur lui pour gérer au mieux la situation lorsque le saignement est spontané et abondant, souligne Isabelle Drouard. Et d'ajouter qu' en cas de saignements répétés, il est possible d'envisager un traitement par radiothérapie à visée hémostatique ou d'utiliser de l'adrénaline lors des soins.

Face aux odeurs

Les odeurs sont souvent dues aux germes anaérobies présents dans la masse tumorale. Elles demeurent de véritables handicaps, à la fois physique et social, qu'il est donc nécessaire de traiter au mieux. La toilette est la première étape du soin, rappelle Isabelle Drouard. Elle peut être réalisée par le patient, mais par crainte de se faire mal ou d'enlever le pansement, certains ne l'effectuent pas. Il est donc nécessaire de leur faire prendre une douche minutieuse et d'effectuer la détersion de la nécrose de la manière la plus naturelle qui soit. Il faut ensuite encadrer le séchage de la plaie qui se fait avec du papier essuie-tout préparé au préalable. De plus, un bactéricide local (pansement primaire à l'argent et antiseptique) peut être utilisé pour traiter les odeurs. Des pansements secondaires au charbon peuvent également être appliqués dès l'apparition des odeurs de manière à les absorber. En cas de persistance et sur une courte durée, du Metrodinazole peut être prescrit.

Face au risque infectieux

La plaie est souvent colonisée et le patient immunodéprimé par les traitements de chimiothérapie, indique Isabelle Drouard. Ainsi, durant les phases « d'aplasie », le soignant doit se montrer particulièrement vigilant, les signes infectieux pouvant être masqués. Dès qu'une modification inexpliquée du lit de la plaie ou une majoration de la douleur apparaît, il faut donc effectuer un prélèvement bactériologique de contrôle. Cela ne doit toutefois pas nécessairement conduire à l'utilisation d'antibiotiques. Le risque infectieux peut être prévenu en privilégiant une bonne hygiène, un nettoyage minutieux de la plaie et de sa périphérie et l'utilisation de bactéricides ou d’antibiotiques exclusivement réservés aux périodes d’infection.

Face aux exsudats

Les exsudats pouvant être abondants, un pansement primaire absorbant (alginate, hydrofibre) et un pansement secondaire (hydrocellulaire) lui-aussi absorbant peuvent être associés, signale Isabelle Drouard. Si la peau péri lésionnelle est saine et assez résistante, et si la plaie est de petite taille, une poche de recueil des exsudats peut être utilisée.

Face à la douleur et à la souffrance

La douleur engendrée par la plaie tumorale est traitée par des antalgiques de pallier 1, 2 ou 3. Le traitement passe par une évaluation de la douleur et nécessite d'anticiper les actes douloureux (réfection de pansements, détersion). Durant les soins, du MEOPA (mélange équimolaire d'oxygène et protoxyde d'azote), pour ses propriétés antalgiques, sédatives et anxiolytiques, peut être administré. La souffrance, physique comme psychique, peut également être soulagée au travers de l'hypnose, la relaxation ou encore des massages, précise Isabelle Drouard. Il faut garder en tête que la douleur psychique nécessite un véritable accompagnement.

Les plaies cancéreuses sont des plaies complexes qu'il convient de prendre en charge de façon spécifique

En résumé, les plaies tumorales nécessitent une prise en charge particulière et multidisciplinaire qu'il convient d'expliquer au patient. L'amélioration de sa qualité de vie passe forcément par un travail d'équipe mais aussi par une écoute attentive du patient et de sa famille. Nous sommes là pour les aider et pour leur permettre d'y voir un peu plus clair, souligne Isabelle Drouard. Le traitement s'avère délicat, d'où l'intérêt de choisir un protocole adapté, efficace et confortable.

Pour moi qui suis particulièrement seule durant mon exercice quotidien , cet atelier est l'occasion de prendre du recul, faire des rencontres et mettre à jour mes connaissances ». Chloé, IDEL

Radiodermites : comment les traiter ?

Autre sujet abordé au cours de la seconde partie de l'atelier par une infirmière, maintenant formatrice pour les laboratoires Hartmann : les lésions cutanées radio-induites pouvant apparaître lors d'un traitement par radiothérapie. Rappelons que 90 % des patientes atteintes d'un cancer du sein traitées par radiothérapie présentent une dermite radio-induite. Elle se caractérise par l'apparition d'une rougeur progressive sur la peau, un gonflement et une desquamation (perte des couches superficielles de la peau sous forme de petites pellicules). Pour la patiente, a-t-elle rappelé, les conséquences s'avèrent généralement lourdes : diminution de la qualité de vie, source de surinfection, douleurs, interruption de la radiothérapie, réduction de la probabilité du contrôle tumoral... Il est donc nécessaire de limiter l'apparition de ces lésions cutanées radio-induites et de ne pas interrompre le traitement.

S'agissant des soins locaux, il n'existe pas de consensus. Il est possible d'utiliser une large gamme de produits (pâte à l'eau, brumisation, biafine…), voire rien du tout. Des recherches cliniques sont actuellement en cours. Cependant, l'utilisation de corps gras oblige une douche systématique du patient avant la séance de radiothérapie (les résidus présents sur la peau amplifient l'effet des rayons ionisants).

Par ailleurs, les laboratoires Hartmann proposent deux gammes de pansements avec un gel hydro-apaisant composé de polyuréthane et d'eau . Il s’agit :

  • d’HydroTac® pour les plaies exsudatives ;
  • d’HydroTac® transparent pour les plaies à tendance sèches à positionner dès la fin de la séance de radiothérapie (il faut dire au patient de l’enlever lorsqu’il prend sa douche puis de le remettre ensuite sachant qu’il peut être conservé 24 h d'affilée pour une efficacité optimale ou 48 h). Facilement manipulable et frais, ce pansement hydro-apaisant est notamment indiqué pour traiter les lésions cutanées radio-induites de grade 1 et 2 en continuant la radiothérapie. Il ne laisse pas de résidu sur la peau, réduit la desquamation, l’érythème et soulage l’inconfort et la douleur du patient. Sa transparence permet enfin un contrôle visuel de la peau.

Ecouter, en vidéo, les conseils aux patients du Dr Kirova - Oncologue radiothérapeute à l’institut Curie 

Les soignants doivent également rappeler aux patients exposés des mesures préventives simples, importantes à connaître, telles que :

  • éviter le soleil ;
  • éviter les bains et préférer les douches tièdes ;
  • utiliser un savon neutre ;
  • se sécher en tamponnant avec une attention particulière sur les zones à risque ;
  • éviter savon parfumé, eau de toilette, déodorant… ;
  • porter des vêtements amples pour éviter les frottements et de préférence en coton ;
  • porter des soutiens-gorge sans baleines et plutôt des brassières en coton.

Ces ateliers nous permettent de savoir concrètement comment agir lorsque la situation est délicate » Sandra, IDE en Ehpad.

Concernant les radiodermites aiguës, il paraît raisonnable de proposer un traitement symptomatique proche de celui des brûlures.

En fin d'atelier, les infirmiers ont pu manipuler et tester les pansements « HydroTac® transparent » et obtenir de plus amples informations auprès de l'infirmière formatrice Hartmann. D'autres ont pu questionner Isabelle Frouard sur leur pratique quotidienne et la conduite à tenir face à tel ou tel cas de figure. Cette soirée particulièrement adaptée au terrain a convaincu Cécile, infirmière libérale, de l'intérêt de se former tout au long de sa carrière. 10 000 professionnels de santé assistent chaque année, partout en France, aux Ateliers Soins Service qui abordent différentes thématiques : plaie et cicatrisation, perfusion, voie centrale et Picc line, incontinence et soins en oncologie. De quoi enrichir sa pratique quotidienne et proposer des soins toujours plus performants car adaptés aux problématiques spécifiques de chaque patient !

Note

  1. Organisme de formation mais sans agrément DPC.

Aurélie TRENTESSE  Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com  @ATrentesse


Source : infirmiers.com